Rodriguez, spécialiste de la façade ancienne, a maintenant pignon sur rue
Créée par Augustin Rodriguez, l’entreprise s’est fait un nom à Lille et poursuit son chemin sous la houlette du fils, Diego. Elle vient de déménager dans des locaux mieux adaptés et plus visibles.
Qui se promène dans le Vieux-Lille ne peut manquer de remarquer, sur les échafaudages, de grands calicots qui, en lettres jaunes sur fond rouge, clament “Rodriguez”, un nom connu des Lillois depuis les années 60. Si l’activité a débuté dans le Vieux-Lille avec les premières restaurations de façades en pierre de taille, le champ de l’entreprise s’est étendu à toute la métropole.
En effet, c’est en 1963 qu’Augustin Rodriguez est arrivé d’Espagne, de Galice précise-t-il toujours avec l’accent qu’il a conservé, pour débuter comme salarié. Il s’installe comme artisan avec son frère et rapidement se fait un nom. L’homme est aimable, actif et réactif. Il est rapidement apprécié des architectes et des maîtres d’ouvrage. Il se fait une place et un nom dans le marché du travail à l’ancienne qu’il privilégie, respectant les témoins sur les façades pour s’approcher au plus près de l’authenticité.
Filiation et continuation. En homme sage, Diego, qui a pris la succession de son père en 2006, a choisi de poursuivre dans cette voie et n’entend pas étendre trop loin son champ d’action, préférant limiter les déplacements de ses équipes. C’est également pour cela qu’il a choisi de conserver une implantation au plus près du Vieux-Lille. Créée aux Dondaines, là où se trouve maintenant Euralille, installée ensuite à Mons-en-Barœul, puis à La Madeleine, rue d’Oran, l’entreprise avait besoin de trouver des locaux mieux adaptés et surtout plus accessibles. Diego Rodriguez a fini par trouver son bonheur à Saint-André, au pied du pont Sainte-Hélène, en face des établissements Jean Caby. L’acquisition n’a pas été facile, car la mairie de Saint-André avait des envies de préemption sans trop avoir de projet. Finalement, l’achat par Rodriguez a pu se faire pour ce terrain de 1 300 m² avec un entrepôt de 600 m² et 60 m² de bureaux que Diego Rodriguez a aménagé avec goût, avec des matériaux de récupération. D’emblée on sent que l’on entre dans le domaine du beau et de l’amour du travail à l’ancienne.
Si l’entreprise reste spécialisée dans la taille de la pierre et le badigeon de chaux, telle n’était pas la première voie de Diego Rodriguez que des études avaient préparé à l’humanitaire. «Un parcours compliqué» résume cet homme affable et discret. Pas si compliqué que cela cependant, car Diego Rodriguez, après un DEUST à Calais et des études à Bioforce à Lyon, a exercé ses compétences en hydraulique dans l’humanitaire. Bioforce avait été, en effet, créée par Mérieux pour des campagnes de vaccinations. Il suivra Médecins sans frontières et Médecins du monde, avant de revenir en France pour monter avec son beau-frère, dans la région parisienne, une entreprise de transport, filiale de Dubois, spécialisée dans l’import-export avec le Maghreb. Cependant, la vie parisienne lui pèse et il accepte la proposition de son père de prendre la relève. En effet, Augustin connaît des problèmes de santé et veut passer la main. Pour Diego, le moment est également propice. L’enjeu l’intéressait. Il transforme l’entreprise en SARL et la développe, tout en restant raisonnable. Aujourd’hui encore, il veut garder la dimension de petite entreprise familiale. Certes, il n’est pas tailleur de pierre comme son père, mais «je sais voir si c’est bien fait ou mal fait et à chacun son métier. J’accorde tous les corps de métiers». Rodriguez SARL emploie des maçons, des façadiers, des tailleurs de pierre, des peintres, des monteurs d’échafaudage, sans oublier la partie administrative. Une équipe d’environ une douzaine de personnes, actuellement en phase de recrutement. Mais tout le monde sait la difficulté à recruter : «Nous formons, mais il faut quand même des bases et être motivé. Souvent un entretien d’embauche à 8 h est jugé trop matinal…»
Ambitions raisonnées. Fort de sa notoriété et de son expérience, Diego Rodriguez pourrait nourrir de grandes ambitions. Il veut cependant avant tout rester une entreprise humaine où chacun peut pousser la porte que le patron laisse toujours ouverte. Il veut également rester proche de son territoire, raison notamment du choix de Saint-André, pour ne pas perdre du temps en déplacement. «Ceux qui ont fait le choix de Seclin passent leur temps dans les embouteillages. Moi je reste près du Vieux-Lille.” C’est pour cela aussi qu’il ne cherche pas les chantiers hors de Lille, même s’il a des demandes. «Nous sommes sollicité par des gens qui nous ont vu bosser ici, par des archis de Douai, Arras ou Valenciennes, mais nous n’allons pas nous battre pour aller là-bas. Pour le client, ce n’est pas rentable. Une heure à l’aller et une au retour pour quatre personnes, cela fait qu’une personne n’a pas travaillé de la journée. Le coût du transport est un trop gros budget. Nous sommes déjà débordé comme cela. Créer des filiales, c’est une autre culture d’entreprise. Le déplacement, ce n’est pas notre mode de fonctionnement. L’entreprise a été créée en 1976. Elle est stabilisée. Nous avons une activité lisse et nous travaillons quasiment toute l’année.»
Donc, même s’il est fier d’avoir travaillé au fort d’Ambleteuse, Diego Rodriguez se contente du marché du Vieux-Lille où il y a encore beaucoup de choses à faire. Certes les grandes restaurations sont plus rares, mais on commence à revenir sur celles qui datent d’une trentaine d’années. A Paris, le ravalement est obligatoire tous les dix ans. L’évolution de l’entreprise est donc un double parti de dimension et de proximité. «80 % de notre activité est dans le Vieux-Lille. Je fais 350 devis par an. Nous ne répondons pas aux appels d’offres. Nous sommes trop petit.»
Cependant, tout n’est pas facile, car il faut s’adapter au plan de circulation et à la difficulté d’obtenir des autorisations de chantier dans le Vieux-Lille où il faut parfois se plier aux grands chantiers de la ville comme rue de Gand ou rue Basse. Toutefois, longtemps encore le nom de Rodriguez restera associé à la mutation du Vieux-Lille en lettres jaunes sur fond rouge, au gré des échafaudages…