Réouverture en septembre
À Saint-Omer, sur la place Foch, l’ancienne mairie, qui était installée dans un immeuble que les Audomarois ont surnommé le «Moulin à café», dissimulait en son sein un joli petit théâtre à l’italienne. Les voix des acteurs n’ont plus résonné dans cette enceinte depuis 1973, sécurité oblige. Depuis deux ans, de lourds travaux conduisent à sa réfection. Mieux : la totalité du bâtiment sera désormais consacrée à la culture.
À Saint-Omer, les représentations théâtrales viennent du fond des âges. Passons sur les péripéties d’hommes et de lieux qui traversèrent plusieurs siècles et commençons l’histoire au début du règne de Louis-Philippe : en 1834, le projet de l’architecte parisien Pierre-Louis Lefranc est approuvé. Les travaux commencent l’année suivante. On construit un bâtiment qui aura à la fois une fonction politico-administrative et une fonction culturelle. Outre les services de la mairie, l’architecte avait prévu, au cœur de l’immeuble, un théâtre à l’italienne, véritable bijou qui fait penser à une bonbonnière… Inauguré le 18 octobre 1840, ce théâtre à l’italienne allait vivre cent trente-trois ans d’heurs et de malheurs mêlés. Fermeture complète durant la Première Guerre mondiale, électrification en 1919, pose du chauffage central en 1930, représentations données sous la houlette de l’occupant durant la Seconde Guerre mondiale, autorisation de rouvrir au grand public donnée du bout des lèvres par le préfet en 1950… Déjà, la sécurité n’est plus vraiment assurée. Dans la nuit de la Toussaint 1970, l’incendie d’une boîte de nuit en Isère qui fit 146 morts provoqua une onde de choc dans toute la France et déclencha une campagne sans précédent de mise aux normes des lieux destinés à recevoir du public. Le théâtre de Saint-Omer fit de la résistance jusqu’en 1973 puis ferma ses portes. La municipalité de l’époque voulut éviter une prise de risque dont les conséquences auraient pu être tragiques.
Le politico-administratif «bouté dehors»
L’immeuble de la place Foch continua à servir de mairie. Les Audomarois donnèrent le surnom de «Moulin à café» au parallélépipède qui trône sur la place, surmonté d’un dôme qui trahit la présence du théâtre en son sein. Les municipalités qui se succèdent ne trouvent pas les moyens de réhabiliter le théâtre. Élu en 2014, François Decoster décide de tout mettre en œuvre pour réhabiliter le théâtre. Avec son conseil municipal, il décide de retirer les services de la mairie – dont son propre bureau – du Moulin à café. Au cours de la visite de chantier qu’il a organisée récemment, le maire de Saint-Omer évoqua la double vocation de l’immeuble depuis ses origines, constata que durant plus de 40 ans le politico-administratif était resté seul maître à bord pour conclure, non sans humour, que «le culturel prend sa revanche et boute dehors le politico-administratif». Les services de la mairie ayant planté ailleurs leurs pénates, le Moulin à café va être à 100% au service du culturel.
Un investissement de plus de 6 millions d’euros
Depuis le 27 septembre 2015, le grand public n’a plus accès à l’ancienne mairie. Après le déménagement des services, l’année 2016 a été consacrée à l’extérieur, où la toiture et les façades ont subi un sérieux lifting. En 2017, de lourds travaux intérieurs ont été menés. L’immeuble a été débarrassé de ce que presque deux siècles avaient apportés d’ajouts peu pertinents. Il a aussi été doté, sur les ailes, de deux escaliers larges en béton qui remplacent deux escaliers de bois bien étroits. Durant la visite, Frédéric Sablon, premier adjoint, glisse en aparté que c’est faute de ces deux escaliers que la fermeture fut inévitable en 1973… Depuis le début de cette année, le théâtre revit grâce au travail de différents techniciens des métiers d’art : lustrerie, tapisserie, passementerie, etc. En juin, les équipes de la Barcarolle, établissement public de coopération culturelle qui gérera le bâtiment et se chargera de la programmation, prendront leurs quartiers dans le Moulin à café. La réouverture est prévue en septembre, à l’occasion des Journées du patrimoine. Un certain mystère plane encore sur l’utilisation de certaines salles (on évoque une librairie et un salon de thé). L’investissement total de cette réhabilitation est chiffré à 6,2 millions d’euros. Le Département et la CAPSO en financent chacun 24%, la Région 19%, la Ville de Saint-Omer 18%. L’État s’inscrit pour 10% et un appel lancé au mécénat privé devrait boucler le budget. Un bel aréopage autour de la municipalité audomaroise qui affirme dans un communiqué que «la réhabilitation de ce bâtiment est autant au service de la population locale qu’à celui, plus ambitieux, d’une promotion de l’Audomarois».