Réforme des retraites : comment va fonctionner le compte pénibilité ?
La loi portant réforme des retraites crée un compte pénibilité à partir du 1er janvier 2015, financé par les entreprises. Le gouvernement prépare le dispositif qui permettra à un salarié sur cinq, voire un sur quatre, de cotiser moins longtemps s’il a été exposé à des tâches pénibles. Comment va fonctionner ce système ?
Le compte de prévention de la pénibilité sera ouvert à tous salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, au-delà de certains seuils et quelle que soit l’importance de l’entreprise.
Les facteurs de pénibilité sont déjà prévus par l’article D. 4121-5 du code du travail. Il s’agit :
– des contraintes physiques marquées (postures pénibles, manutentions manuelles de charges, vibrations mécaniques),
– d’un environnement physique agressif (agents chimiques dangereux, températures extrêmes, bruit, milieu hyperbare),
– des rythmes de travail (travail de nuit, posté, répétitif).
Les partenaires sociaux ont ainsi défini dix risques professionnels pour la prise en compte de la pénibilité au travail. On rappellera sur ce point que la loi n° 2010- 1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a rendu obligatoire la rédaction et la mise à jour de fiches pénibilité pour les travailleurs exposés à des facteurs de risque. Et cette disposition est applicable pour toutes les entreprises, quel que soit l’effectif, depuis le 1er février 2012 (modèle de fiche publié au JO du 31 janvier 2012).
Attention ! Ces fiches ne seront obligatoires qu’en cas d’exposition à des facteurs de risques professionnels, au-delà de seuils d’exposition, après application des mesures de protection collective et individuelle, définis par décret. Les points crédités au compte personnel de prévention de la pénibilité seront attribués, sur le fondement de la fiche pénibilité, par la Carsat (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). La fiche pénibilité sera transmise chaque année par l’employeur à l’organisme. Une copie sera également donnée au salarié.
Gestion individuelle du compte. Les Carsat sont chargées de la gestion du compte. Elles enregistrent les points et les notifient annuellement au salarié. Les caisses procèdent à des contrôles de la réalité de l’exposition aux facteurs de risques. Le cas échéant, elles notifient à l’employeur et au salarié les modifications qu’elles souhaitent apporter aux éléments ayant conduit à la détermination du nombre de points enregistrés sur le compte. Ce redressement ne pourra intervenir qu’au cours des cinq années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points auraient dû être inscrits au compte. En cas de déclaration inexacte, l’employeur peut faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de la caisse, dans la limite de 50% du plafond mensuel de sécurité sociale, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel est constatée l’inexactitude.
Attention ! Chaque trimestre d’exposition à un facteur de pénibilité donnera droit à un point. Dix points donneront droit à un trimestre de droits. En cas de cumul de deux facteurs de pénibilité ou plus, les points seront doublés. Le nombre maximum de points est de 100 (dont les 20 premiers devront obligatoirement être affectés à une formation). Afin que les salariés aujourd’hui proches de la retraite puissent bénéficier du dispositif, les points seront doublés pour les personnes âgées de 59,5 ans au 1er janvier 2015. (De même, le minimum de 20 points de formation ne s’appliquera pas. Ainsi, un salarié exposé et qui est à deux ans de la retraite verra ses points multipliés par deux, soit 16 points, lui permettant de bénéficier d’au moins un trimestre de temps partiel ou d’un départ à la retraite anticipé).
Recours. Dans tous les cas, un délai de prescription s’applique : l’action du salarié en vue de l’attribution de points ne pourra intervenir qu’au cours des trois années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points auront été ou auraient dû être portés au compte pénibilité.
Les recours relatifs au compte relèvent du contentieux général de la sécurité sociale (c’est-à-dire : d’abord la saisine de la caisse, puis de la Commission de recours amiable, ensuite du tribunal des affaires de sécurité sociale).
En cas de différend sur l’effectivité ou l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, le salarié devra d’abord porter cette contestation devant son employeur. Si celui-ci rejette sa contestation, la caisse se prononcera sur la réclamation du salarié après avis motivé d’une commission dont la composition, le fonctionnement et le ressort territorial seront fixés par décret.
Utilisation. Le titulaire du compte pourra choisir trois modes d’utilisation des points accumulés :
– se former dans la perspective d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité,
– réduire sa durée du travail et passer à temps partiel, tout en percevant un complément de rémunération,
– financer une majoration de durée d’assurance vieillesse et un départ en retraite avant l’âge légal. Un décret déterminera la mise en oeuvre de ces dispositions.
Financement. Le coût du dispositif est estimé par le gouvernement à 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards en 2030 et 2,5 milliards en 2040.
Afin de financer le compte, une nouvelle cotisation à la charge des entreprises est créée :
– une cotisation due par tous les employeurs : fixée dans la limite de 0,2% de la rémunération,
– une cotisation additionnelle due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité : comprise entre 0,3 et 0,8% de la rémunération,
– un taux additionnel pourra également être appliqué au titre des salariés ayant été exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité : compris entre 0,6 et 1,6% de la rémunération.