Redonner du pouvoir au local

Du 16 au 18 octobre 2018, Lille accueille la 12e édition du World Forum, intitulée «Entreprises et territoires : la nouvelle donne mondiale». Une manière de voir comment le local peut amener à modifier les modèles économiques des grands acteurs, en vue d’une économie plus responsable.

© fotopoly
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Pendant trois jours, il y aura de grandes entreprises ou institutions : Danone, BNP Paribas, Veolia, McCain, AG2R La Mondiale, le conseil régional des Hauts-de-France, la Commission européenne, l’Ademe… Il y aura aussi des entreprises plus locales, qui bousculent de plus en plus la donne économique. Elles intéressent les gros donneurs d’ordre qui recherchent qualité et réactivité (à défaut d’avoir les volumes), dans un respect environnemental et social. À titre d’exemple, un groupe de la grande distribution française réfléchit actuellement à travailler avec le réseau des Jardins de Cocagne (entreprise d’insertion par le maraîchage bio), pour alimenter leurs plateformes de distribution e-commerce. Du jamais-vu.
Du nœud papillon au criquet
Le World Forum accueillera donc de nombreux acteurs qui valorisent les ressources locales : Le Colonel Moutarde qui réhabilite le savoir-faire textile nordiste via la fabrication de nœuds papillon ; Corentin de Chatelperron qui navigue sur un bateau expérimental pour tester les low technologies à travers le monde ; ApiAfrique qui propose des solutions locales et innovantes pour l’hygiène des femmes et des bébés ; Bugging Denmark, première ferme danoise produisant des criquets comestibles ; Eco2librium, du Kenya, reconnue comme l’une des meilleures sociétés certifiées B Corp (label RSE), qui vend des produits réduisant la déforestation … Les instituts, chercheurs et cabinets de conseil en matière de RSE feront le déplacement du monde entier, notamment du Brésil (Ethos), du Cameroun (Institut Afrique RSE), de Suisse (B Lab, en charge de développer le mouvement B Corp en Europe), des Emirats arabes unis (Arabia CSR Network), d’Afrique du Sud (The Ethic Insitute) ou de France (Utopies et Atemis).
Faire face au monde qui se fragmente

Philippe Vasseur, président du World Forum for a Responsable Economy.

Pourquoi le choix de cette thématique, après l’édition de 2017 qui portait sur l’intelligence artificielle ? Philippe Vasseur, fondateur du World Forum et président de Réseau Alliances organisateur de l’événement, assume ce grand écart. Il dit s’inspirer à chaque fois de l’actualité récente. Un réflexe naturel pour un ancien journaliste : «Regardez ! L’accord de Paris a été signé par 180 pays et seuls 9 d’entre eux ont annoncé récemment ce qu’ils ont fait. C’est bien, ces grands accords, mais on se rend compte que les choses se jouent localement.» Et de citer Emmanuel Faber, PDG de Danone, qui, pendant des années, a mené une stratégie mondiale : «Aujourd’hui, le monde est en train de se fragmenter. Le consommateur va de plus en plus raisonner local.»   
Les nouveaux acteurs de Rev3
Durant la première journée, un bilan des cinq premières années de Rev3, la troisième révolution industrielle dans les Hauts-de-France, sera présenté, en présence de son auteur, l’économiste Jeremy Rifkin. Pour Philippe Vasseur, président de la mission Rev3, «ce sera l’occasion de rappeler les mille projets accélérés grâce à cette mission, le développement de la filière régionale de biométhane injectée, leader en Europe. Nous présenterons également les quatorze villes du territoire nouvellement engagées dans Rev3». Il confirme, par ailleurs, que le plan social du 27 septembre dernier des CCI a touché ses équipes mais ne met pas en péril la mission Rev3. Un protocole d’accord sera également signé avec les universités des Hauts-de-France, qui vont rentrer dans le processus de la mission Rev3. Espérons que le monde universitaire prendra à bras-le-corps l’importance du sujet. L’année dernière, le World Forum avait tenté de proposer aux collectivités locales une charte d’intégration de la RSE dans l’achat public. Un an après, Philippe Vasseur reste mitigé : «Ça a servi de document de référence pour un certain nombre d’entre elles, mais ce n’est pas assez. Je ne désespère pas ; en matière de RSE, il faut continuer à être incitatif.» 

 «Le monde est en train de se fragmenter. Le consommateur va de plus en plus raisonner local.»

La vision de Yann Arthus-Bertrand
Philippe Vasseur nous a habitués tous les ans à des surprises d’un point de vue organisationnel. Mais cette année, ce sera plus sobre : pas de conférence de presse en amont, pas de mobilier réalisé en matériaux recyclables, pas de robot interactif… Il y aura bien quelques délocalisations de l’événement à Paris, Strasbourg et Marseille, mais rien de grandiose. Les déjeuners thématiques chez les restaurateurs lillois sont renouvelés (Clément Marot, La Paix, Le Flore, L’Alcide) et des visites d’entreprises proposées (Fournil Bio Saveurs et Saisons à Villeneuve-d’Ascq, AG2R La Mondiale à Mons-en-Barœul, le renouveau du quartier de Fives ). En revanche, l’énergie reste la même : preuve en est la qualité et le nombre d’intervenants internationaux. Et pour clôturer ces trois jours, le photographe et environnementaliste Yann Arthus-Bertrand témoignera de son engagement depuis 40 ans, à travers sa dernière exposition «Notre Terre vue du ciel, une réflexion sur la croissance».