Qui veut vraiment d’une sécurité financière au rabais ?
Les dirigeants de notre pays œuvrent activement au grand chantier de la simplification et nous ne devrions que nous en réjouir. Pourtant, nous voyons avec inquiétude se multiplier des propositions dont la nature simplificatrice est plus que douteuse alors même qu’elles attaquent sérieusement des fonctions essentielles de l’entreprise et la sécurité financière de leurs partenaires. Il en est ainsi pour la réduction des obligations comptables et notamment pour la suppression de l’obligation du contrôle légal des comptes pour certaines sociétés.
À l’heure où les entreprises connaissent des difficultés de trésorerie importante, à l’heure où les financements alternatifs se développent mais peinent à pallier le recul des investisseurs et prêteurs traditionnels, à l’heure où les salariés expriment leur besoin de connaître la situation de leur entité, peut-on délibérément priver tous ces acteurs de la garantie qu’apporte le commissaire aux comptes sur la justesse de ces derniers ? Sans garantie, il n’est pas de sécurité. Sans sécurité, il n’est pas de confiance. Sans confiance, il n’est pas de croissance. Lorsque l’État souhaite obtenir la confiance des investisseurs internationaux, il travaille à établir plus de transparence dans les comptes publics. Il institue la certification des comptes des hôpitaux, des universités, des collectivités locales. Ce faisant, il met en pratique des principes validés depuis longtemps par les entreprises du secteur privé : seul un contrôle externe apporte une garantie fable sur les états financiers d’une entité. Pourquoi dès lors priver des pans entiers de l’économie de cette garantie ? L’audace entrepreneuriale ne s’exprime vraiment que dans un environnement balisé et sécurisé.
Contrôles simplifiés, croissance sacrifiée
En voulant simplifier les contrôles, on s’expose à sacrifier la croissance. Ce sont précisément les plus petites entreprises qui sont visées par le projet de restriction de l’audit légal. Ce sont les plus fragiles, celles pour lesquelles l’environnement a le plus besoin de gages sur la sincérité de leurs comptes. Ces entités, qui sont le moteur de notre croissance, sont aussi les moins structurées. Au-delà de la certification, le commissaire aux comptes leur apporte aujourd’hui son regard aiguisé et expérimenté sur leur organisation. Ses remarques sur le contrôle interne leur permettent de faire évoluer leur organisation. Il les aide à prévenir les difficultés financières par le recours à la procédure d’alerte. Il les aide à éviter les difficultés de trésorerie par son rapport sur les délais de paiement. Il contribue auprès d’elles à défendre l’économie et l’emploi dans nos régions.L’État lui-même bénéficie de l’intervention du commissaire aux comptes. Fort de son indépendance, ce dernier veille activement au respect de la réglementation, et en particulier au respect du droit fiscal et du droit du travail. Il s’assure avant toute intervention de l’administration de la qualité des assiettes fiscale et sociale de l’entreprise. En renonçant au contrôle régulier et systématique fait par l’auditeur, on prépare des contrôles complexes et douloureux par les administrations. L’audit légal concerne environ 180 000 sociétés, soit à peine 5 % des 3,2 millions d’entreprises que compte la France. Ce sont soit les plus importantes, soit celles dont la forme juridique très libre nécessite une protection plus grande des parties prenantes. Le succès de ces formes juridiques démontre pleinement que la présence du commissaire aux comptes n’est pas considérée comme un facteur de complexité, mais au contraire comme un facteur de sécurité. Nous encourageons avec le plus grand enthousiasme les efforts de simplification… mais pour l’instauration d’une sécurité financière au rabais, c’est non.