Quelle valeur ajoutée pour la possible porcherie de l'Audomarois ?
Quand le couple Bridault-Chevalier décide en 2010 de déplacer son exploitation porcine (une centaine de truies), ces trentenaires issus du territoire, qui s’inscrivent dans la reprise des fermes parentales, ne savent pas encore que leur route sera parsemée d’embûches… Le couple établit avec la Chambre d’agriculture un projet de 4 500 truies sur une nouvelle exploitation à Heuringhem. Trop grande ? «Les élevages d’avenir, ce sont ceux-là», réplique la dirigeante de l’EARL qui s’est enfermée dans le silence depuis. Car, entre-temps, l’Association intervillage pour un environnement sain (AIVES) s’est constituée, a épluché les documents de l’enquête publique, vérifié sur le site l’étendue des parcelles et saisi la justice à deux reprises pour faire arrêter le chantier en octobre 2013. «On a fait des études hydrogéologiques. On a pris en compte les pentes, les habitations, les zones Natura 200, etc.», égrenait fin 2011 Aurélie Bridault qui définit son projet comme «familial». Mais pour les riverains c’est une porcherie industrielle qui ne respecte pas la réglementation la plus élémentaire. «On se demande comment ils ont fait pour monter un dossier pareil, s’insurge Jean-Michel Jedraszak, président de l’association : 18 tonnes d’ammoniac sont déclarées par Melle Bridault. Mais elle ne comptabilise pas 864 porcs sur 4 500. Ni l’enquête publique ni le Coderst ne l’ont remarqué (…). Dans les zones d’épandage, leur plan ne tient pas compte des surfaces près des cours d’eau, les îlots, même des parcelles où il y a des habitations !»
Débats juridiques en perspective et questions sur la chaînes de valeur. Les procédures sont déclenchées parallèlement à l’enquête publique (dont les conclusions sont favorables). En octobre dernier, saisi par l’association des riverains, le tribunal administratif de Lille ordonnait l’arrêt des travaux de la porcherie suite au dépôt d’un référé de suspension en urgence contre le permis de construire déposé en 2012. Quelques jours plus tard, la FDSEA, les Jeunes Agriculteurs, l’Association départementale des producteurs de lait appelaient à manifester dans l’Audomarois. Tracteurs et fumier venaient côtoyer les trottoirs du président d’AIVES qui avait mis le doigt sur le plan d’épandage. «Il y a une jurisprudence Lepage (du nom de l’ancienne ministre de l’Ecologie de Jacques Chirac) qui dit qu’un plan d’épandage modifié invalide une autorisation d’exploiter», soulignent les associatifs. «Un plan d’épandage n’est jamais complètement fermé ; il s’adapte avec le changement d’affectation des surfaces», rappelle de son côté la Chambre d’agriculture. Sur le modèle économique, peu d’informations filtrent : on ne connaît pas les investisseurs, ni la constitution de la chaîne de valeur. Ainsi, la découpe s’effectuera-t-elle en Belgique comme le disent les membres de l’association ? Quelles richesses produites resteront en fin de compte dans l’Audomarois ? «Le lisier» plaisantent les membres d’AIVES. En stand-by, le projet attend un jugement sur le fond de l’affaire. Réponse courant 2014 après de probables épisodes avant l’été.