"Quel autre choix j'ai?": malgré un naufrage, des rescapés s'accrochent au rêve anglais

"Bien sûr que j'ai peur, mais je vais réessayer quand même", déclare Dargie, lors d'un rassemblement à Calais en hommage aux victimes après une série de naufrages meurtriers dans la Manche, dont lui-même est rescapé. "Quel autre choix...

Hommage aux migrants morts lors d'une tentative de traversée de la Manche dont les noms sont inscrits sur un longue feuille de papier, le 19 juillet 2024 à Calais © Sameer Al-DOUMY
Hommage aux migrants morts lors d'une tentative de traversée de la Manche dont les noms sont inscrits sur un longue feuille de papier, le 19 juillet 2024 à Calais © Sameer Al-DOUMY

"Bien sûr que j'ai peur, mais je vais réessayer quand même", déclare Dargie, lors d'un rassemblement à Calais en hommage aux victimes après une série de naufrages meurtriers dans la Manche, dont lui-même est rescapé. "Quel autre choix j'ai? Les migrants n'ont pas d'autre choix."

Mercredi, pour la première fois depuis son départ d'Ethiopie il y a six mois, le jeune homme a tenté la traversée vers l'Angleterre, synonyme pour lui d'asile et de travail, raconte-il lors du rassemblement vendredi soir dans un parc du centre de Calais.

Lors de cette première tentative, son embarcation surchargée a fait naufrage au large de Gravelines (Nord). Malgré l'arrivée très rapide des secours qui ont repêché 71 personnes, une Erythréenne de 32 ans est décédée.

Vendredi soir, comme après chaque naufrage, une centaine de personnes se sont rassemblées pour commémorer la victime. 

Au milieu de la foule, une liste longue de plusieurs mètres consigne les noms de centaines de personnes disparues en tentant de rallier la Grande-Bretagne clandestinement.

Faute de nom, un "X" figure pour ceux qui n'ont jamais pu être identifiés.

Rassemblés autour d'une croix faite de petites bougies aux flammes vacillantes, une dizaine de candidats à l'exil, hommes et femmes, pleurent en silence.

Vingt avec des gilets de sauvetage

On leur avait assuré qu'ils seraient une quarantaine à prendre place dans le canot pneumatique. "On était plutôt soixante", estime Anwar Muhammad, un rescapé, "et seulement vingt avec des gilets de sauvetage".

En réalité, 72 personnes s'entassent entre les boudins du canot gonflable aux petites heures du matin, sur une plage de Gravelines.

Quelques minutes plus tard, alors que l'embarcation surchargée peine à s'éloigner de la côte, un des boudins pneumatiques se dégonfle et l'eau commence à la submerger.

"On s'y attendait", souffle dans un anglais approximatif Dargie, arrivé en Europe via la Libye, après avoir traversé la Méditerranée sur un autre navire de fortune.

Plongé dans l'eau glacée, il aide "deux femmes et leurs enfants" à se hisser à bord du patrouilleur de la marine nationale française qui leur porte rapidement secours. 

De retour sur la plage, les naufragés sont pris en charge par les services de police. Un homme d'une trentaine d'années, disant être de nationalité syrienne et suspecté d'être leur passeur, est placé en garde à vue.

Malgré ce drame, les deux jeunes Ethiopiens veulent retenter la traversée de la Manche dès que possible.

"Je suis jeune, je veux étudier, je veux travailler", explique avec aplomb Dargie, qui ne veut pas donner son nom. "L'Union européenne ne nous permet pas de travailler, il n'y a qu'en Angleterre qu'on peut avoir un espoir", croit-il.  

Dans la nuit de jeudi à vendredi, un jeune Soudanais est mort lors d'un nouveau naufrage, portant à 22 le nombre de migrants qui ont trouvé la mort lors de traversées depuis le début de l'année.

Un bilan beaucoup plus lourd que celui de l'ensemble de l'année 2023 où 12 migrants étaient décédés dans des circonstances similaires, selon le bilan de la Préfecture maritime.

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