Gazettescope
Quartiers prioritaires en Moselle : l’entrepreneuriat est une clé...
Les récentes violences urbaines survenues en France ont eu effet de sidération. À une époque où la dictature de l’instantanéité sans recul, de l’émotionnel brut et disons-le, de la récupération à tous les étages, ne favorise pas un débat serein et posé sur un tel événement, il est plus que nécessaire d’avoir un regard posé, pragmatique, neutre, de ne pas tomber dans l’angélisme béat ni dans des scénarios cataclysmiques. La politique de la ville, évidemment perfectible, nourrit d’authentiques réussites. Être entrepreneur en quartier prioritaire n’est pas non plus inaccessible. L’une des solutions à une plus grande considération de ce que l’on nomme les QPV.
Les quartiers prioritaires, puisque ce sont d’eux dont on parle, cumule les difficultés sociales et diverses depuis des décennies. Une fois que l’on a fait ce constat, on peut tourner dans tous les sens les comment et les pourquoi. Dans le contexte de violences urbaines, face à une situation telle, on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du bain. Car d’authentiques réussites s’y déroulent chaque jour, dans ces 1 500 quartiers prioritaires de la ville (QPV). Il s’agit là de territoires où s’applique la politique de la ville dont l’objectif est de compenser les inégalités sociales entre territoires. On compte 24 QPV en Moselle. Quelques données : dans ces quartiers le taux de chômage atteint plus de 20 %, les jeunes (15-29 ans) sont ici les plus touchés (plus de 30 % contre 15 % ailleurs). Enfin le taux de pauvreté relevé dans les quartiers prioritaires avoisine les 43 % contre 14,5 % sur le territoire national.
Des résultats...
À ceux qui seraient tentés de vouloir démanteler la politique de la ville, on rappellera que les quartiers prioritaires font souvent office de sas. C’est-à-dire qu’on y déménage autant ou plus souvent qu’ailleurs, par exemple pour devenir propriétaire, souvent à proximité de son quartier, pour garder les liens de solidarité. Les habitants de QPV qui quittent un quartier le font car leur situation s’est améliorée : c’est un signe que l’ascenseur social n’est pas toujours bloqué autant qu’on le perçoit. Également, la politique de la ville et l’ANRU ne sont pas le puits sans fond souvent caricaturé que seraient les dizaines de milliards dépensés par l’État et les bailleurs dans les QPV : en 2019, il pesaient moins de 1 000 € par habitant et par an. Ce n’est pas l’Eldorado. L’insuffisance des services publics est toujours une réalité : 40 % des QPV n’ont pas de crèche, 60 % pas de Pôle emploi de moins de 500 mètres. L’offre médicale comme culturelle demeure à retisser au cœur des quartiers.
Entre barrières et freins...
La politique de la ville a cette spécificité d’être largement déléguée à des associations. L’implication des entreprises y est encore relativement limitée. Elle peut se matérialiser à travers les clauses sociales ou d’insertion de la commande publique, le Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises qui consiste à proposer des stages, formations et alternances à des jeunes des quartiers pour favoriser leur insertion professionnelle. Malgré de belles réussites, la dynamique entrepreneuriale peine à prendre son essor dans ces QPV. Pourtant, l’Indice Entrepreneurial Français note depuis deux ans un frémissement en la matière. 20 % des habitants des quartiers prioritaires auraient l’intention de créer leur l’entreprise (30 % pour l’ensemble de la population). La concrétisation des projets demeure l’un des points principaux de blocage. Comme la pérennisation des projets à 5 ans, plus faible que celle des autres créateurs. Manque de financement, de compétences entrepreneuriales, mauvaise connaissance de l’administration, barrières mentales (ressenti de stigmatisation, activités sous-évaluées), sous-représentation des femmes sont des freins réels.
Déceler les talents... et croire en eux
Une étude menée par Bpifrance tend à montrer que 77 % des entreprises créées en quartiers prioritaires sont pérennes après trois ans d’activité. 60 % des entrepreneurs de ces quartiers sont des hommes, 20 % ont moins de 30 ans, 40 % étaient au chômage au moment de la création de leur entreprise. Les entreprises créées dans les quartiers prioritaires concernent les secteurs du commerce et de la construction principalement. Pour stimuler la création et la reprise d’entreprise dans ces quartiers et promouvoir l’égalité des chances d’accès à l’entrepreneuriat, des aides existent émanant de l’État, d’organismes, d’initiatives locales des collectivités territoriales. L’enjeu est là : déceler les talents, sortir la population du chômage et des dérives liées aux quartiers. 35 % des habitants des QPV affirment qu’exercer à son compte constitue le choix de carrière le plus intéressant. Loin devant l’exercice dans la fonction publique (19 %) ou le salariat en entreprise (16 %). Les hommes habitant en QPV mettent en avant l’exploitation des outils numériques comme levier de développement de l’entreprise. Les femmes sont plus axées sur une démarche RSE.
Rien n'est impossible...
Une chose est sûre. Les entrepreneurs des quartiers contribuent au développement de ceux-ci en y restant implantés, en y créant de l’emploi, du lien social. Surtout, il représentent des exemples de réussites, déconstruisant cette idée que devenir chef entreprise dans les quartiers est inatteignable, proposant une exemplarité accessible et levant certaines barrières des habitants. En somme, montrer qu’en sachant se prendre en main, en travaillant, on s’en sort. À ce moment où les violences urbaines explosaient un peu partout sur le territoire, le plan gouvernemental «Engagements Quartiers 2030» était dans les tuyaux, dans son objectif socio-économique d’améliorer la qualité de vie au sein des quartiers populaires, remettant à plat les contrats de ville avec les acteurs locaux. Ici, l’entrepreneuriat a toute sa place. Il doit être plus prégnant dans ces QPV. Les talents sont là. Il faut les faire éclore… et se donner les moyens de ces ambitions.