Quand santé et environnement deviennent un luxe
Type d’habitat, qualité de l’air…bien souvent, les inégalités environnementales et sociales peuvent se nourrir et s’accroître réciproquement dans une dynamique perverse. Le CESE a présenté un projet d’avis pour identifier les urgences et créer des dynamiques sur le sujet.
Pauvreté, environnement pollué et problèmes de santé font «bon ménage». Le 14 janvier, à Paris, au nom de la section de l’environnement du CESE, Conseil économique social et environnemental, Pierrette Crosemarie a présenté à la presse le projet d’avis «inégalités environnementales et sociales : identifier les urgences, créer des dynamiques». Il s’agit d’une auto-saisine. À la base, les données qui permettent d’évaluer le phénomène d’interaction entre les inégalités sociales et environnementales existent déjà. En effet, l’Ineris, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, a mis sur pied un dispositif qui permet de superposer sur un territoire des données environnementales, comme l’exposition à une substance toxique, et d’autres, socio-économiques, comme le revenu d’une population, qui émanent de l’Insee. «Les plans régionaux santé environnement sont souvent construits sur cette base», note Pierrette Crosemarie. Pour elle, la manière dont ces deux types d’inégalités s’articulent constitue un enjeu de taille. «De nouvelles formes d’inégalités qui menacent de se développer», estime-t-elle. Cette démarche qui consiste à croiser ces facteurs d’inégalité vient des États-Unis, où l’on parle de «justice environnementale». En Europe, c’est le Royaume-Uni qui a suivi, en effectuant les premières études et en mettant sur pied des premières politiques publiques sur le sujet. Pour la France, prévient Pierrette Crosemarie, «la notion de qualité environnementale est prise au sens large» : elle inclut la pollution, mais également le paysage, l’espace vital… La notion de santé est prise dans le sens de l’OMS, qui va plus loin que l’absence de maladie, pour aller jusqu’à une situation de bien-être. «Nous avons tenté de regarder la santé dans une conception globale. Aujourd’hui, l’impact de la qualité de l’environnement général sur la santé est démontré», ajoute Pierrette Crosemarie. Ainsi, des facteurs comme la qualité de l’eau, de l’air, un niveau sonore acceptable, concourent au bienêtre de l’individu.
Place à une prévention douce
Dans cette optique, le CESE préconise de «redonner une première place à la prévention». «C’est d’autant plus important que l’on voit des inégalités territoriales en matière de santé», ajoute la rapporteure. Et les facteurs de risques peuvent s’accumuler. Exemple : l’exposition à des produits potentiellement toxiques dans le milieu professionnel, à des facteurs polluants dans l’habitat ainsi qu’à des risques comportementaux liés au mode de vie… Autre exemple : le moindre accès à un diagnostic précoce : les pathologies graves sont détectées plus tard chez les personnes socialement défavorisées. Or, prévenir coûte moins cher que de soigner des maladies comme l’asthme, le cancer ou l’obésité… qui résultent en partie des conditions de vie. «En faisant cela, on va aussi contribuer à la bonne santé de notre système de santé», estime Pierrette Crosemarie. Dans tous les cas, l’application de ce principe de base entraînerait de nombreuses mesures de politique de moyen terme. Exemple : une réduction des nuisances sonores, une amélioration de la qualité de l’air, un meilleur accès au service de santé en milieu rural, et pour la ville, une réintroduction de la nature, sous une forme qui prenne en compte la mixité sociale. «La mise en place d’éco-quartiers peut être source de discrimination», met en garde Pierrette Crosemarie.
À plus court terme, des mesures ponctuelles peuvent être prises, comme l’augmentation des surfaces de toits végétalisés. En cas de canicule, par exemple, ce dispositif peut atténuer les variations climatiques, entraînant un mieux-être pour la population. Or, sur ce plan «la France est un peu en retard par rapport aux autres pays européens», note Pierrette Crosemarie. Autre projet pour la ville : préserver ou développer les jardins ouvriers. «C’est un facteur de cohésion sociale et cela permet de diversifier l’alimentation», estime-t-elle. Ici et là, en France quelques établissements hospitaliers sont en train de développer une expérience, celle des jardins thérapeutiques, qui permettent aux patients de passer des moments agréables…