Quand les PME choisissent de se développer en se démultipliant
Certaines des PME dont les effectifs stagnent, et que l’on pense incapables de croître, ont en réalité choisi un mode alternatif de développement. Décryptage de l’Insee qui a fait évoluer ses outils d’analyses pour cerner cette réalité.
«Il y a beaucoup de petites entreprises en France, mais elles ne parviennent pas à croître…» : cette affirmation répétée à longueur de colonnes et de colloques a fini par acquérir le statut d’évidence. Et pourtant, elle mérite d’être nuancée. Une autre facette du tissu économique émerge, dans les récentes études de l’Insee, qui présentait sa nouvelle publication, «Les entreprises en France» édition 2016, le 8 novembre, à Paris. À la base du constat de l’Institut national de la statistique et des études économiques, réside une évolution méthodologique. Pour coller au plus près de la réalité économique, l’institut a, en effet, fait évoluer sa définition de l’entreprise, ne se basant plus sur l’unité légale mais sur l’unité économique. «Au sein d’un groupe, certaines unités légales n’ont pas réellement d’autonomie, car elles agissent exclusivement pour le groupe», explique Christel Colin, directrice des statistiques d’entreprises de l’Insee. Concernant les plus petites entreprises, le changement méthodologique ne modifie pas le panorama économique connu : dans plus de neuf cas sur dix, elles sont constituées d’unités légales qui sont également indépendantes économiquement. En revanche, cette nouvelle grille de lecture montre que : «même les PME sont souvent organisées en groupe», constate Christel Colin. Dans la dernière publication de l’Insee, une étude est spécifiquement consacrée aux «PME organisées en groupe : un phénomène important dès les unités de petite taille». Elle nuance la vision communément admise d’un tissu productif dominé par de petites entreprises et pauvres en grandes PME, les premières ayant des difficultés à grandir. «Sans remettre fondamentalement en cause ce constat, on peut objecter qu’il occulte le phénomène d’appartenance des unités à des groupes. (…) Or, l’organisation en groupe s’est considérablement développée ces deux dernières décennies», y compris pour des structures assez petites, explique Julien Deroyon, chef de la division industrie et agriculture à l’Insee. Déjà, passé le seuil des 20 salariés, une majorité des unités légales appartiennent à un groupe.
Croître en effectifs, ou se démultiplier ?
En miroir, constate l’étude, les groupes sont des structures atomisées : déjà, dans ceux qui comprennent entre 50 et 250 salariés, l’Insee constate 3,4 unités légales employeuses, en moyenne. Pour les groupes qui comptent entre 250 à 5 000 salariés, on en compte 8,2. Et ce chiffre grimpejusqu’à 65,9, dans les groupes de 5 000 salariés et plus. Bref, le champ des petites unités légales regroupe des «réalités très diverses», synthétise Julien Deroyon. Autour de 50 salariés, par exemple, on compte entre 2,5 groupes et 3 groupes pour une unité légale indépendante.
Il est probable qu’à «l’approche du seuil des 50 salariés, les tailles des unités tendent à moins progresser alors que les entités sont davantage organisées en groupe. Une fois passé ce seuil, les entités augmentent le nombre d’unités ainsi que leur taille», note l’étude. Le constat de l’Insee apporte un éclairage nouveau sur les stratégies de croissance des PME. Par exemple, «une PME industrielle de 30 salariés qui voudrait croître peut recruter 30 salariés, ou alors sa croissance peut prendre la forme d’une organisation alternative, avec un groupe composé de deux unités légales C’est assez répandu», analyse Julien Deroyon. Dans ce cas de figure, la première unité légale gère les activités productives, la seconde, les activités commerciales. «Cette croissance externe est très importante dès les plus petites tailles», poursuit Julien Deroyon. Bref, une partie des PME que l’on ne voit pas croître, si l’on regarde à l’aune du nombre de leurs salariés, sont en fait en train de se développer en se démultipliant.
anne.daubree