Quand les deux côtés du Channel se rencontrent

Xavier Bertrand, Natacha Bouchart, Charlie Elphicke et Yann Capet étaient réunis afin de discuter de la crise migratoire...
Xavier Bertrand, Natacha Bouchart, Charlie Elphicke et Yann Capet étaient réunis afin de discuter de la crise migratoire...

Le 9 septembre dernier, Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, Natacha Bouchart, maire de Calais, et Charlie Elphicke, député de Douvres, ainsi que les représentants des commerçants du centre-ville de Calais et du port se rencontraient au port de Calais. L’objectif de cette rencontre : trouver une solution à la crise migratoire en cours et coopérer dans le but de redynamiser l’économie du Calaisis. Une réunion au sommet, à l’issue de laquelle les différentes parties sont tombées d’accord…

 

Stratégie économique. Xavier Bertrand est catégorique : s’il n’y a pas de possibilité d’action envers la situation migratoire pour les élus locaux – la question étant entre les mains du gouvernement –, ces derniers veulent se battre pour le territoire : «Nous avançons des propositions qui seront une base de discussion pour les gouvernements français et britannique sur ces questions. Le statu quo n’est pas possible. Les problèmes que nous avons à Calais, ils les ont dans le Kent.» Des problèmes qu’il faut résoudre à court et long terme pour l’élu. Selon ce dernier, il faut «mettre de l’argent sur le tourisme, mettre de l’argent sur les transports routiers – qui ont été terriblement marqués par la crise des migrants –, mettre de l’argent sur le commerce. Mais avec une vraie stratégie : il ne s’agit pas de sortir l’arrosoir à milliers d’euros ou à millions d’euros ; ce qu’on veut maintenant, c’est booster l’économie». Raison de plus pour renégocier les accords du Touquet, selon le président de Région. Pour Xavier Bertrand, aucun accord n’est figé dans le temps, et ces accords ne font pas exception, il faut renégocier : «Sur les nouveaux accords auxquels nous pensons, il faut qu’il y ait une clause de revoyure…»

Problèmes partagés. Xavier Bertrand le sait : il faut préparer l’après-démantèlement. «On décide dès maintenant de bâtir une stratégie parce que ça va mettre du temps, et surtout on ne le fait pas tout seul. On le fait en même temps avec les Anglais. Et ça, c’est un sacré changement. Ça ne sert à rien de développer Calais si on n’a pas un dialogue avec Douvres en même temps.» Et le président de Région d’ajouter : «Ça fait des années que cela aurait dû se faire.» Un discours soutenu par le député de Douvres Charles Elphicke. «Il faut un accord plus fort, déclare le député de Douvres. Il faut que la Grande-Bretagne et la France travaillent de concert. Si nous travaillons ensemble, nous pourrons régler le problème et faire en sorte que la situation entre Calais et Douvres retourne à la normale et prospère.» Les deux côtés de la Manche ont en tout cas intérêt à travailler ensemble afin de rétablir une situation économique viable, puisque le Calaisis n’est pas le seul touché par la situation. «Quand, fin juillet, il y a eu 15 heures d’attente pour des gens bloqués dans leur voiture, les accords du Touquet en sont aussi responsables, détaille Xavier Bertrand. Ici, nous ne sommes pas condamnés à voir moins de touristes, moins de clients dans les commerces à cause de la crise des migrants.»

Du côté britannique… L’élu du Kent détaille le programme à venir pour le gouvernement français : entre démantèlement, information autour du regroupement familial outre-Manche dans le camp et lutte contre les passeurs. «Il y a encore des gens qui arrivent, c’est arrivé par le passé, rappelle Charlie Elphicke. On a un problème fondamental à Calais : Calais est devenu un aimant. Le gouvernement français doit démanteler le camp, aider ceux qui ne font pas de demande d’asile à rentrer chez eux et ensuite régler le problème de cette attirance vers Calais.» La liste est longue, et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve prévoit le démantèlement de la Jungle avant la fin de l’année. À l’heure où nous mettons sous presse, les bus en partance de Calais pour aller vers les CAO (Centres d’accueil et d’orientation destinés aux demandeurs d’asile) ne transportent qu’une trentaine de personnes par jour. Le camp de la Lande accueille une centaine de personnes de plus chaque jour selon les associations. Et la Jungle ne peut être démantelée qu’une fois que les réfugiés auront une solution alternative. Il reste donc encore du travail…

 

CAPresse

Xavier Bertrand, Natacha Bouchart, Charlie Elphicke et Yann Capet étaient réunis afin de discuter de la crise migratoire...

 

À propos du mur. Natacha Bouchart et Xavier Bertrand tombent d’accord sur la question du mur végétalisé de quatre mètres actuellement en construction à côté de la Jungle de Calais, un sujet sur toutes les lèvres dans la ville et outre-Manche. «S’il y a démantèlement, il n’y a pas besoin de mur, lance Xavier Bertrand. On ne va pas faire le mur de l’Atlantique ici. On voit assez de barbelés sur la côte avec la crise des migrants. Il n’est pas question de laisser dénaturer notre littoral par des barbelés et par un immense mur. S’il y a des mesures transitoires en attendant le démantèlement, ça se regarde, mais ce n’est pas ma priorité. La priorité, c’est le démantèlement du camp.» Natacha Bouchart acquiesce : «On a suffisamment de barrières pour qu’on continue à enfermer Calais et la Côte d’Opale. J’ai attendu tellement longtemps de voir tomber le mur de Berlin : comment voulez-vous que je comprenne qu’on veuille monter un mur entre Calais et Douvres ?»

CAPresse

Un mur végétalisé de quatre mètres de haut est en train d'être érigé non loin du camp de la Lande...