Promenade industrielle chez Arc international
Moins d'une journée dans le département et moins d'une demi-journée dans l'Audomarois. Expresse, la visite du président de la République prélude surtout à un début de campagne électorale et moins d'une action concrète en faveur de la plus grande entreprise de la région : Arc International. Compte-rendu.
Un (petit) tour et puis s’en va : François Hollande n’a pas traîné à Arques lors de son déplacement sur le site du plus grand verrier européen. Le président de la République a fait le constat du passé récent d’Arc : l’année 2014 où la trésorerie fait craindre le défaut de paiement ; la mauvaise passe du géant verrier qui le conduit à la recherche d’un partenaire financier qui va prendre les rênes de l’entreprise via un rachat, une recapitalisation et l’investissement. Le prix à payer sera la réorganisation complète de l’organigramme et le resserrement des effectifs qui chutent de 200 postes. Le tribunal de commerce choisit ainsi le fonds américain Peaked Hill Partners, dirigé par Tim Gollin, la famille Durand restant actionnaire de 20% des parts. En croissance de + 20% depuis fin 2015, Arc revient de loin : de 1,1 milliard d’euros en 2011, l’industriel chute jusqu’à 850 millions d’euros fin 2014. Une légère remontée l’an dernier augure de meilleures perspectives. Si le site historique conserve 5 000 emplois, l’investissement est l’autre priorité : plus de 100 millions d’euros ont été investis l’an dernier. Il en faudra encore 250 pour moderniser l’ensemble du process. «L’entreprise a une position unique en Europe, avec ses marques Luminarc, Arcopal, Cristal d’Arques, Arcoroc et Chef et Sommelier. Cette position nécessite une transformation profonde, ainsi qu’un projet industriel et commercial ambitieux», a expliqué Didier Riebel, directeur du groupe. Stratégiquement, le groupe prévoit de se développer à l’export, notamment en Europe, avec des investissements massifs sur l’outil de production pour gagner en capacité. Son dirigeant insiste aussi sur la stratégie sociale du groupe : renouveler le personnel de l’usine, plutôt vieillissant. Aujourd’hui, 200 alternants et apprentis travaillent sur le site et environ 150 embauches sont prévues par an jusqu’en 2020. «Cette dynamique a été construite avec les salariés et les représentants syndicaux […] dans le cadre d’un dialogue social innovant et constructif, détaille encore Didier Riebel. Nous négocions parfois durement, mais personne n’a oublié l’intérêt commun qui est la pérennité de l’entreprise et le retour à une profitabilité qui assurera l’emploi des générations futures.»
«Tout n’est pas facile»… La situation du groupe doit cependant être nuancée. Si l’état de santé financier de la société est rassurant par rapport à ce qu’il était il y a deux ans, la transformation de l’entreprise est, du propre aveu de son directeur, «complexe» : «Les marchés évoluent vers l’entrée de gamme avec des niveaux de marge plus faibles, ce qui demande l’adaptation de l’organisation et des coûts de production.» L’histoire récente du groupe ne permet pas forcément de financer tous les investissements nécessaires à la rénovation des outils de production, ni d’avoir accès à des prêts bancaires classiques. D’autre part, les transferts de compétences entre les générations restent à assurer, ce qui pourrait s’avérer complexe à gérer du point de vue des ressources humaines. Toutefois, les actionnaires et les dirigeants sont «confiants»… Mais «on est encore au milieu du gué», rappelle Didier Riebel, qui compte sur la poursuite du soutien des partenaires publics au plan social pour l’aménagement des fins de carrière et au plan financier pour soutenir les investissements. L’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron avait reçu les nouveaux dirigeants et était venu à deux reprises à Arques avant sa démission. Des premiers financements étaient arrivés. Le président de la République l’a rappelé, soulignant le rôle de la banque publique d’investissement. Toutefois, le nouvel actionnaire a mis 85 millions d’euros dans la reprise (hors investissement) tandis que l’Etat a apporté 50 millions et l’Etablissement public foncier, 25 millions, la part des collectivités étant minimes. Le plus gros effort aura été celui des banques : elles ont effacé 90% des dettes.
Morgan RAILANE et Corentin ESCAILLET.