Procès de l'attentat de Strasbourg: 30 ans requis contre l'"intermédiaire zélé" du jihadiste
Il ne "pouvait pas" ignorer le projet du jihadiste Chérif Chekatt: trente ans de réclusion criminelle, assortis d'une période de sûreté des deux tiers, ont été requis mardi contre Audrey Mondjehi, le principal accusé du procès de l'attentat...
Il ne "pouvait pas" ignorer le projet du jihadiste Chérif Chekatt: trente ans de réclusion criminelle, assortis d'une période de sûreté des deux tiers, ont été requis mardi contre Audrey Mondjehi, le principal accusé du procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg en 2018.
L'Ivoirien de 42 ans "n'est pas celui qui a appuyé sur la gâchette, mais c'est par sa faute directe et volontaire que la mort a été jetée dans Strasbourg", a fustigé l'une des deux représentants du parquet national antiterroriste (Pnat) devant la cour d'assises de Paris.
La magistrate a également requis une interdiction définitive du territoire français à l'encontre d'Audrey Mondjehi, un délinquant multirécidiviste arrivé en France à l'âge de neuf ans.
Bien qu'il se prétende "sourd, aveugle, muet et amnésique", le quadragénaire "apparaît à tous les stades de la préparation et de l'exécution du projet" criminel de Chekatt, selon le Pnat.
Le 11 décembre 2018, après avoir prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI), l'assaillant a tué cinq personnes et en a blessé 11 autres dans les rues bondées de la capitale alsacienne.
Il avait ensuite été abattu par les forces de l'ordre après deux jours de traque.
Audrey Mondjehi, qui a reconnu l'avoir aidé à se procurer des armes, est jugé pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste.
Rendre service
Il a expliqué en substance pendant les débats qu'il ignorait la radicalisation de son "copain", et qu'il avait agi pour lui "rendre service" car il pensait que Chérif Chekatt voulait commettre un braquage.
Une ligne de défense balayée par le parquet, pour qui "tous les éléments démontrent qu'il ne pouvait pas ne pas savoir" que le jihadiste préparait un attentat.
Dans ce dossier, Audrey Mondjehi veut apparaître comme "le sourd, l'aveugle, le muet et l'amnésique", mais il n'y a "pas une once de vérité dans toutes ses déclarations", selon l'avocat général. "Comme disait Audiard, mentir à ce point, c'est presque avouer".
Si l'accusé, qui n'est "pas un radicalisé islamiste", "a cherché à se distancier le plus possible de Chérif Chekatt", au point de se présenter comme "le dindon, le naïf, le berné", il a malgré tout entretenu avec lui une relation "intense et soutenue" pendant les trois mois ayant précédé l'attentat, a-t-il développé.
Quelques heures avant de passer à l'acte, alors qu'il est "en fuite" et se sait recherché par la police pour des vols, Chérif Chekatt appelle "la seule personne en qui il a confiance", à savoir Audrey Mondjehi, a rappelé le représentant du ministère public.
L'accusé se met à sa disposition "toutes affaires cessantes" pour l'emmener acheter une arme à Colmar, à près de 80 km, puis le ramène à Strasbourg où il le dépose à un arrêt de tramway, a retracé le parquet.
A ce moment, Audrey Mondjehi "sait qu'un passage à l'acte est imminent, mais il ne va rien faire", a ajouté le magistrat, pour qui l'accusé, cinq ans plus tard, "n'éprouve pas une once de culpabilité".
Intermédiaires
Le Pnat a par ailleurs requis cinq ans de prison contre deux autres accusés, qui comparaissent libres après avoir passé respectivement deux ans et dix-huit mois en détention provisoire.
On leur reproche également un rôle d'intermédiaires, mais de moindre importance, pour aider Chérif Chekatt à se procurer des armes.
L'un, Frédéric B., "a choisi en toute connaissance de cause d'être le lien entre l'acheteur et le vendeur (de l'arme), bien qu'il n'ait pas voulu l'acte terroriste", selon le parquet.
L'autre, Christian H., a reconnu avoir vendu à Chérif Chekatt, par l'intermédiaire d'Audrey Mondjehi, deux armes qui n'ont pas servi pour l'attentat.
Un quatrième accusé, Stéphane B., était également poursuivi aux côtés de son frère Frédéric pour avoir mis en relation le vendeur et l'acheteur de l'arme utilisée par le jihadiste le soir de la tuerie.
Les débats ont toutefois établi qu'il n'était en fait pas présent le jour de cette mise en relation. Le parquet a requis son acquittement. L'homme a passé quatorze mois en détention provisoire.
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