Management
Prévenir la santé mentale des salariés pour éviter les départs
Après 18 mois de télétravail subi, nombre de salariés sont retournés sur site. Le point sur l’évolution de leur état psychologique, leur rapport au travail et leurs attentes, avec l’étude d’Empreinte Humaine sur la santé psychologique des salariés.
Un tiers des salariés souhaitent activement rechercher un autre emploi après la crise et déjà 16% déclarent avoir quitté leur entreprise par choix, depuis le début de la crise. Les résultats de la 8e vague du baromètre Opinion Way pour Empreinte Humaine, cabinet spécialisé dans la prévention des risques psychosociaux et la qualité de vie au travail (QVT) ont de quoi affoler. Parmi les facteurs qui poussent les salariés à vouloir quitter leur entreprise, figure la quête d’un autre cadre de vie, mais aussi un état de santé psychologique dégradé.
Les deux étant finalement
intimement liés : l’atteinte de
la santé mentale expliquant les changements de priorité de vie.
Ainsi, 55% des personnes désireuses de changer d’emploi
après la crise sont en situation de détresse psychologique. « Le
lien entre santé mentale dégradée et risque de départ de
l’entreprise est clair. Pour éviter les départs et les
désengagements futurs, les entreprises et organisations doivent
renforcer leur politique de santé psychologique et qualité de vie
au travail », soutient Christophe
Nguyen, président d'Empreinte Humaine et psychologue du
travail. Autres chiffres alarmants, 38% des travailleurs sont
considérés en détresse psychologique et 33% en dépression
avec traitement médicamenteux. Enfin, le taux de burn-out continue
d’exploser, en progression de 25% depuis mai dernier
et affectant aujourd’hui 2,5 millions de personnes.
Prévention
psychosociale
Ainsi, pour éviter cette vague de turnover alors que la situation du marché de l’emploi se tend, les entreprises ont intérêt à mettre en place des actions de prévention des risques psychosociaux. Leurs actions ayant clairement des impacts positifs sur la santé mentale des salariés. Une partie des entreprises se sont d’ailleurs emparées du sujet : ainsi, un tiers des salariés déclarent que leur direction démontre sa préoccupation pour la prévention du stress, un autre tiers affirme que celle-ci considère que la santé psychologique est aussi importante que la productivité.
Pour un autre tiers encore, tous les
niveaux hiérarchiques sont impliqués. La "sécurité
psychosociale" démontre toujours son effet positif sur
la santé mentale des salariés : cette dernière serait de
30 points supérieure dans les entreprises où ont été engagées
des actions en ce sens.
« Développer un environnement de travail positif
pour la santé mentale est bon pour l’engagement, la rétention, la
fidélité et la performance des salariés », confirme
Christophe Nguyen. Enfin, une majorité de salariés (82%) souhaitent
que les politiques de qualité de vie au travail évoluent après
cette crise (+12 pts).
Des
managers plus confiants
Autre
bonne nouvelle, alors que le télétravail s’inscrit durablement
dans les modes de travail avec un travail hybride et moins de full
remote, la notion de confiance, évoquée souvent comme un frein
au déploiement du télétravail, serait bien présente au sein des
organisations pratiquant le travail à distance. Ainsi, pour huit
salariés sur dix, leur manager leur fait confiance en
télétravail. Si autant estiment être dignes de cette confiance,
car efficaces en télétravail, un salarié sur deux ne dit
pas à son manager qu’il traite de sujets personnels (aller
chercher les enfants, rendez-vous médicaux…), pendant sa journée
de télétravail.
Autre
bémol qui entame la confiance des managers, six sur 10
indiquent encore que le retour au bureau permet d’être
certain que les salariés travaillent ou non. Un retour qui est
finalement plébiscité par les télétravailleurs, avec un tiers qui
déclarent que le
télétravail est une contrainte pour eux et qui « saturent
», et la moitié qui se sont
aperçus qu’ils étaient plus efficaces au bureau pour
effectuer certaines tâches. Si le travail à distance serait optimal
pour la concentration, le calme et la gestion en parallèle des
contraintes et responsabilité personnelles pour les
télétravailleurs, le bureau reste indispensable pour leur permettre
de se sentir utile et trouver du sens au travail, ou encore vivre des
expériences de travail positives, collaborer avec leurs collègues,
avoir des interactions sociales et obtenir
un retour sur leur travail ou partager leurs difficultés.
Sentiment
d’invisibilité
Ainsi, un télétravailleur sur deux se sent moins reconnu lorsqu’il télétravaille que lorsqu’il est présent au bureau. Ils sont tout autant à avoir moins de retour sur la qualité de leur travail. « La distance crée un plus grand sentiment d’invisibilité. La mise en place d’un télétravail pérenne, pour qu’il ne crée pas plus de risques psychosociaux, doit s’accompagner nécessairement d’une démarche active de reconnaissance au travail qui doit dépasser les aspects de rémunération », insiste Christophe Nguyen.
Les managers sont tout autant unanimes sur l’importance du bureau pour connaître l’état moral de leurs collaborateurs, créer et entretenir la cohésion, coordonner les équipes, gérer les éventuels conflits et faire des retours sur le travail fourni. Néanmoins, 6 managers sur dix avouent ne pas savoir comment donner du sens au télétravailleurs pour les faire revenir. « Les écueils du télétravail pour l’animation d’équipe sont identifiés par les managers –difficultés de coordination, reconnaissance, connaissance de l’état des troupes…–. Ils sont malgré tout une majorité à être confrontés à des réticences pour faire revenir certains télétravailleurs. Le bureau doit rester le lieu de l’animation et de l’humain pour créer les conditions de réussite d’une équipe », conclut Christophe Nguyen. Les réticences des télétravailleurs restent encore nombreuses : mauvais climat de travail, mauvais management ou encore la crainte de débats houleux dans l’entreprise entre pro et anti-vaccins.
* 8e vague du Baromètre "Santé psychologique des salariés en période de crise", OpinionWay pour Empreinte Humaine, réalisée en ligne du 28 septembre au 7 octobre 2021, auprès d’un panel représentatif de 2 016 salariés