Présidence française du Conseil de l’UE : les dossiers clés
La France vient de prendre, le 1er janvier, la présidence tournante du Conseil de l’UE pour six mois. Trois dossiers clés sont d’ores et déjà sur la table : croissance, souveraineté européenne et migrations.
C’est peu dire qu’Emmanuel Macron avait largement anticipé la présidence française du Conseil de l’Union européenne (UE), multipliant les annonces et discours à ce sujet. Il est vrai que, hasard du calendrier, cette présidence du 1er janvier au 30 juin 2022 va se superposer à l’agenda électoral national, l’élection présidentielle étant prévue en avril prochain et les élections législatives, en juin. Certains veulent y voir un catalyseur de la prise de décision européenne, dans la mesure où Emmanuel Macron cherchera probablement à imprégner sa marque politique, en cette fin de quinquennat.
La présidence tournante du Conseil de l’UE
Le Conseil de l’Union européenne est une institution chargée de la négociation et de l’adoption des actes législatifs, le plus souvent en «codécision» avec le Parlement européen. Il coordonne également les politiques des 27 États membres en matière, notamment, de politique économique, de politique de l’emploi et d’éducation. Par ailleurs, le Conseil définit et met en œuvre les politiques étrangère et de sécurité de l’UE fixées par le Conseil européen, ce dernier ayant pour mission de définir les grandes orientations et les priorités politiques générales de l’UE. C’est également le Conseil de l’UE qui donne mandat à la Commission européenne pour conclure des accords internationaux (commerce, coopération, développement…) entre l’UE et les autres régions du monde. Enfin, c’est l’institution qui adopte le budget de l’UE, conjointement avec le Parlement européen. En considération des fonctions du Conseil de l’UE, les traités ont prévu une présidence tournante : chaque État membre assure ainsi la présidence pour une période de six mois. Il faut noter que depuis le Traité de Lisbonne en 2009, c’est un groupe de trois États membres qui travaillent de concert pour fixer les objectifs du programme commun de l’institution, sur une période de dix-huit mois, même si sur cette base, chacun est susceptible d’élaborer son propre projet pour le temps de sa présidence semestrielle. Depuis le 1er janvier 2022, le trio est constitué de la France, de la République tchèque et de la Suède, dans la mesure où après la France ce sera la République tchèque qui prendra la présidence du Conseil de l’UE au second semestre 2022, puis la Suède au début de l’année 2023.
L’ordre du jour de la présidence française
Dans son discours du 9 décembre dernier, Emmanuel Macron a souhaité placer la présidence de la France sous le signe d’une devise engageante : «Relance, Puissance, Appartenance». Sa priorité sera de «passer d’une Europe de coopération à l’intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maître de son destin», qui sera «capable de maîtriser ses frontières» et d’avancer sur la politique de défense et de sécurité. De plus, il ambitionne de «bâtir un nouveau modèle européen de croissance», qui soit «un modèle de production, mais également de solidarité et de régulation», afin de mener à bien les transitions écologique et numérique. Enfin, il est question de «créer une Europe à taille plus humaine» et de rappeler «nos valeurs et nos intérêts», ainsi que «notre histoire», contre ces «forces politiques qui remettent en cause ce qui est ce socle de valeurs, de droits qui a fait notre Europe.» Vaste programme, qui fait bien entendu écho aux grands dossiers clés de l’actualité : crise migratoire organisée par la Biélorussie à la frontière polonaise, bras de fer entre la Commission européenne et la Pologne - ainsi que la Hongrie - au sujet de la remise en cause de l’État de droit (indépendance de la justice, libertés individuelles, respect de l’acquis communautaire…), modèle économique de plus en plus contesté par les Européens, dans la mesure où il ne permet pas de répondre aux grands enjeux (lutte contre les inégalités, pauvreté, changement climatique…), perspectives économiques en berne avec la pandémie… À cela, s’ajoute l’indispensable révision des règles budgétaires, la pandémie ayant conduit à un formidable creusement des déficits publics et de l’endettement ! En tout état de cause, même si la France organise et préside les réunions des ministres européens durant ce premier semestre 2022, il lui faudra nécessairement trouver des compromis avec les 27 États membres - dont ceux qui ne se sentent plus vraiment européens - pour faire adopter ses propositions… En effet, selon le domaine concerné, le Conseil de l’UE adopte ses décisions à la majorité simple, à la majorité qualifiée (55 % des États membres, représentant au moins 65 % de la population de l’UE), voire à l’unanimité. Les marges de manœuvre semblent bel et bien réduites…