Rencontre avec Laurent Cantat-Lampin, délégué régional de RTE
«Pour sortir de l'énergie fossile, il faut électrifier l'économie»
Pour la première fois depuis 30 ans, la production électrique a chuté de 15% en France. En Hauts-de-France, la baisse de la consommation électrique a diminué de 5% mais la production électrique, à la différence de l'ensemble national, a quant à elle, augmenté de 1,6% grâce aux énergies renouvelables sur lesquelles la région est plutôt pionnière.
C'est un bilan électrique régional
assez atypique que Laurent Cantat-Lampin, délégué régional de RTE
(Réseau de Transport d'Electricité) a présenté mi-mai : en plus
de l'envolée du prix du gaz, la France a connu en 2022 des aléas
techniques sur son parc nucléaire. Conséquence immédiate : une
chute de 15% de la production, un phénomène que le pays n'avait pas
connu depuis 20 ans.
Les énergies renouvelables en
puissance
Sans compter la sécheresse et donc,
les faibles rendements des barrages hydrauliques (-20%). «La
France, qui exportait depuis 1981, est devenue pour la première
fois, importatrice. La particularité des Hauts-de-France, c'est que
la production d'électricité a augmenté de 1,6% (soit 51,5 TWh en
2022 contre 50,7 TWh en 2021) alors qu'elle a diminué d'environ 15%
en France»
détaille Laurent Cantat-Lampin, précisant que les Hauts-de-France
représentent 12% de la
production française d'électricité.
Ce sont principalement les six réacteurs de la centrale de
Gravelines mais aussi les centrales de Bouchain et de Pont-sur-Sambre
qui tirent la majorité de la production régionale.
Sur
le nucléaire – 55% de la production électrique régionale –, la
production n'a chuté que de 5%, contre 30% à l'échelle nationale.
«Cette
baisse a été compensée par les énergies renouvelables qui ont
produit 6% de plus en 2022 qu'en 2021 (pour un total de 24% de la
production régionale) : la production solaire a grimpé de 64% et la
production éolienne, de 5%».
Une
vraie bascule donc sur le paysage électrique régional, dans une
région qui a longtemps misé sur le nucléaire et le charbon. Le
parc des énergies renouvelables représente désormais 44% des
capacités de la région. Du côté du solaire, c'est aussi la montée
en puissance : après 4 TWh produit en 2014, on en est aujourd'hui à
12 TWh (+21%).
Une
consommation en baisse à cause de la crise énergétique
Du
point de vue de la consommation, c'est aussi un bilan à la baisse
qu'a pu observer RTE : -5% dans les Hauts-de-France, un chiffre
similaire à l'année 2020. «La
crise énergétique a conduit à une baisse de la consommation
industrielle de 8,5% et de 3,5% pour les particuliers, collectivités
et entreprises alors qu'en France, cette baisse n'a été que de
1,7%»
poursuit Laurent Cantat-Lampin. Des chiffres que l'on doit notamment
à la forte présence de l'industrie en Hauts-de-France – c'est la
région la plus consommatrice d'électricité dans l'industrie
et notamment à Dunkerque, qui concentre quasiment un quart de la
consommation électrique française industrielle.
On
doit également cette diminution aux éco-gestes des citoyens
régionaux qui, semble-t-il, ont été de très bons élèves : «sur
la période hivernale octobre 2022-mars 2023, nous avons baissé la
consommation de 8%. On peut donc se réjouir que les citoyens,
entreprises et collectivités aient fait des efforts pour consommer
moins. Et c'est sans conteste ce qui a permis de passer un hiver sans
coupure. Il faut maintenir ces bonnes habitudes dans la durée».
À
noter tout de même qu'à l'image de la France, les Hauts-de-France
ont aussi eu recours à l'importation, principalement de
Grande-Bretagne et d'Allemagne, à raison de 3 430 MW. «Sur
27% du temps, nous avons besoin de nos voisins européens pour nous
alimenter dans les périodes critiques».
1
milliard d'euros investis en Hauts-de-France
D'ici quatre ans, RTE Hauts-de-France va investir 1 milliard d'euros sur le territoire et 2 milliards d'ici 2029, pour réussir la transition énergétique. C'est par exemple le cas sur le poste de Flandre Maritime (reconstruction du poste de Bourbourg pour une mise en service en 2030), du raccordement des gigafactories de Verkor, d'Envision, d'ACC et de Prologium ou encore du parc éolien en mer à Dunkerque. Sur le dunkerquois, RTE prévoit des investissements colossaux, de l'ordre d'1,3 milliard d'euros d'ici 2030 pour suivre le virage à 360° de cet ancien territoire sidérurgique.