Entretien avec Olivier Desurmont, fondateur et CEO d'Anywr
«Pour réussir, il faut rapidement se confronter à son marché»
Mercredi 4 octobre, Olivier Desurmont,
fondateur et CEO d'Anywr, le leader mondial de la mobilité
professionnelle et du recrutement international, s'est vu remettre le
prix la Scale-Up de l'année pour la Région Nord de France lors de la 31ème
cérémonie organisée par EY. Une consécration dans
le parcours du manager à la tête d'une des ETI les plus
prometteuses de la région.
La Gazette Nord Pas-de-Calais. En quelques mots, quel est votre parcours ?
Olivier Desurmont : J'ai 47 ans
et j'ai commencé ma carrière à Paris au sein du groupe Suez mais
rapidement, j'ai tout plaqué pour revenir à Lille et créer Sineo
en 2004, une entreprise de lavage de voiture sans eau. Le modèle
économique était super et on a connu une belle croissance, tout en
embauchant du public éloigné de l'emploi.
J'ai ensuite eu envie d'un nouveau
projet professionnel ; il faut dire que je ne suis pas très attaché
aux voitures et je lavais très peu la mienne ! J'ai fini par
revendre Sineo – qui compte aujourd'hui 1 000 collaborateurs – et
j'y passe encore régulièrement. On m'a proposé de racheter un
cabinet de recrutement et je me suis intéressé à ce milieu que
j'ai trouvé passionnant. Par contre, faire du recrutement de manière
traditionnelle, c'était selon moi, trop limité en termes de
potentiels de croissance. J'ai embarqué mon ami d'enfance Gilles
Lechantre dans l'aventure et on a décidé de créer Cooptalis en
2012, un cabinet de recrutement à l'international.
Selon vous, qu'est-ce qui a séduit le jury ?
Probablement la régularité dans la
croissance de l'entreprise. Cela fait quatre ans de suite qu'Anywr
est labellisée French Tech 120 (parmi les critères, l'entreprise
doit avoir levé au moins 40 M€ entre 2020 et 2022 ou justifier
d'un chiffre d'affaires de 10 M€ et d'une croissance d'au moins 25%
sur les trois derniers exercices clôturés, ndlr) et depuis la
création de l'entreprise il y a 10 ans, nous avons connu une
croissance rapide, tout en étant résilients.
Vous parlez notamment de la période Covid, qui a mis un frein à votre activité ?
Quand votre métier, c'est de faire de
l'expatriation et que pendant un an et demi, les frontières sont
restées fermées sans aucune délivrance de visa, c'est très
difficile. Mais finalement, l'entreprise a trouvé des relais de
croissance et même en 2020 nous avons enregistré une croissance de
2%, là où tout le monde nous prédisait une mort rapide.
En tant que manager, comment vit-on un tel bouleversement ?
En période de tension, je suis plutôt
en position de combat ! Il y a un ADN très fort dans l'entreprise. À
cette époque, on comptait deux tiers d'entrepreneurs dans le comité
de direction et on a pris cette période avec de la hauteur pour se
réinventer en développant la mobilité franco-française. On a misé sur le recrutement national et le remote et trouvé de nouvelles offres
pour contourner la contrainte mais oui il y a eu de la tension, des
tentatives échouées et des business durement touchés mais
globalement et collectivement nous avons pu trouver les moyens de
sauver l'entreprise et de la relancer.
Anywr fait partie des 495 ETI des Hauts-de-France et plus spécifiquement, des 171 établissements dont le siège est situé en région. En France, on compte 5 000 établissements de taille intermédiaire. Passer de PME à ETI est-ce un parcours semé d'embûches ?
C'est clairement un sujet français, et en effet, quand on se compare aux autres pays comme l'Allemagne, nous comptons une faible densité d'ETI. Pour moi, le sujet est lié à celui des financements. Nous avons aujourd'hui sur le territoire des fonds d'investissements qui ont les moyens d'accompagner les entreprises en déployant d'importants capitaux mais cela n'a pas toujours été le cas.
On a besoin de financements pour
devenir une ETI et de notre côté, on doit travailler également à
des implantations plus importantes à l'international. Il y a un gros
travail à faire en France pour améliorer notre balance commerciale.
On voit de nombreuses start-ups lever des fonds pour ensuite s'effondrer. Quel est le secret d'une croissance bien maîtrisée ?
Il y a eu en effet de belles réussites
mais aussi des dégâts importants sur des entreprises qui avaient
levé beaucoup de fonds. Je pense qu'il faut très vite se confronter
à son marché. Avant de lever des fonds et d'investir dans le
digital, je me suis attelé à trouver des clients et à comprendre
le besoin pour m'assurer du modèle économique. Trop d'entreprises
financent leur activité par des levées de fonds.
Comment définiriez-vous votre management ?
Je reste très soucieux de l'humain et on me reproche parfois de ne pas avoir un management directif ! Mais je n'aime pas donner des ordres et je préfère que l'on trouve des solutions ensemble.
J'ai le sens du collectif et de
l'humain. En fait, je mets beaucoup d'affect dans mon entreprise !
Malheureusement aujourd'hui malgré une culture de proximité je ne
peux plus connaître le nom de tous les collaborateurs (1 000 partout
dans le monde dont près de 300 en Hauts-de-France) !
Quelle vision avez-vous de votre entreprise ? En 10 ans, il s'est passé beaucoup de choses : des opérations de croissance externe, des levées de fonds, de nombreux recrutements, et en juin 2022, un changement de nom (Cooptalis est devenu Anywr).
Notre objectif, c'est de devenir le
leader mondial sur le sujet des mobilités professionnelles d'ici 4 à
5 ans. En suivant notre trajectoire actuelle, on espère approcher le
milliard d'euros de chiffre d'affaires, être implantés sur 40 pays,
avec des opérations de croissance organique et externe. En fait,
depuis le début, on veut essayer d'être une solution à toutes ces
entreprises et personnes qui veulent s'expatrier et pour qui
l'aventure de l'expatriation reste très anxiogène. Anywr fluidifie
cette expérience. Si demain j'arrête, je sais que je laisse une
équipe solide et une belle aventure collective.
Avec ce trophée régional, vous voilà en lice pour le trophée national, dans votre catégorie, le 16 octobre prochain à Paris...
Pour la petite histoire, j'ai déjà gagné le trophée national avec Sineo et j'étais d'ailleurs le tout premier entrepreneur des Hauts-de-France à gagner ce prix en 2008. Je ne sais pas si c'est arrivé souvent qu'un entrepreneur gagne avec deux entreprises différentes mais en tous cas, je suis fier de représenter les Hauts-de-France, une région très tournée vers l'entrepreneuriat.