Pour les lepénistes, la tentation croissante de la censure du gouvernement
Les "conditions de la censure" du gouvernement seront-elles réunies dès décembre? Le Rassemblement national examine désormais sérieusement l'hypothèse, poussé par sa base électorale, au risque d'apparaître comme responsable d'une crise politique qui ne pourrait être...
Les "conditions de la censure" du gouvernement seront-elles réunies dès décembre? Le Rassemblement national examine désormais sérieusement l'hypothèse, poussé par sa base électorale, au risque d'apparaître comme responsable d'une crise politique qui ne pourrait être purgée par une nouvelle dissolution avant l'été.
Michel Barnier, qui convie tour à tour les présidents de groupe la semaine prochaine à Matignon, va recevoir pour la première fois depuis sa nomination Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN. Mais cela suffira-t-il à empêcher le parti à la flamme d'appuyer sur le bouton ?
"La décision de la censure n'est pas prise", mais "le gouvernement en prend la voie", a en tout cas estimé lundi soir sur BFMTV Jordan Bardella.
Et le président du RN de poursuivre : "les Français ont des préoccupations quotidiennes, la sécurité, le contrôle de l'immigration, le pouvoir d'achat, l'activité économique. Si sur ces grands sujets le Premier ministre (...) n'est pas capable de fixer un cap (...) alors quel est l'intérêt de ce gouvernement ?"
Il suffirait que les 126 députés lepénistes soutiennent une motion déposée par la gauche pour faire tomber le Premier ministre. Un scénario qui apparaissait encore baroque il y a quelques semaines.
Face à une Assemblée nationale éclatée sans majorité, Emmanuel Macron s'était assuré cet été que Marine Le Pen et les siens ne censureraient pas a priori Michel Barnier, une faveur qu'elle avait consentie.
L'empressement avec lequel le nouveau locataire de Matignon avait dédit son ministre de l'Economie Antoine Armand qui avait exclu le Rassemblement national de "l'arc républicain", prenant la peine d'appeler Marine Le Pen pour lui assurer sa considération, avait été particulièrement apprécié.
"Barnier est moins irritant que ses prédécesseurs", se félicitaient encore début octobre les cadres du parti à la flamme, décelant du "respect" à leur endroit, une étape de plus, selon eux, vers la notabilisation de l'ex-Front national.
Erreur d'interprétation
Les débats lors de l'examen du budget ont depuis refroidi les ardeurs.
"On nous avait dit: +On va construire ensemble+ (...) je ne sais pas avec qui (Michel Barnier) a parlé, mais en tout cas pas avec moi", grinçait la semaine dernière Marine Le Pen.
Le recours "probable" au 49.3 annoncé ce week-end par Michel Barnier, qui permettrait au gouvernement de faire passer sa version du texte sans retenir des amendements, dont ceux du RN pourtant votés dans l'hémicycle, a d'autant plus agacé les troupes d'extrême droite.
"Est-ce qu'ils vont réimposer leurs 6 milliards de taxes sur l'électricité? Est-ce qu'ils vont baisser la facture de carburant? C'est ça, moi, qui m'intéresse", a prévenu Mme Le Pen.
Quitte à agiter la menace: "Ceux qui sont confiants ne devraient pas l'être tant que ça", relevant au passage que "si M. Barnier pense qu'il bénéficie d'un avantage positif dans l'électorat du Rassemblement national, il commet une très lourde erreur d'interprétation".
Selon un baromètre Ifop pour Ouest-France paru mardi, 73% des électeurs du RN "désapprouvent l'action du Premier ministre", la même proportion se disant "opposé" au projet de budget Barnier, d'après une étude du même institut pour Sud Radio.
Ils nous demandent de censurer
Conséquence: "Il y a un chemin qui s'est fait dans mon esprit", jure désormais Marine Le Pen, Jordan Bardella réfutant tout lien avec les ennuis judiciaires de cette dernière dans le procès des assistants parlementaires.
Plusieurs de ses proches, le député Jean-Philippe Tanguy en tête, plaident pour une censure avant Noël.
"Nos réserves portaient sur nos électorats de conquêtes, c'est-à-dire les retraités et les chefs d'entreprise. Or, ils nous demandent de censurer", appuie un parlementaire RN, balayant les réserves de ses collègues qui s'inquiètent d'une déstabilisation de l'économie.
Demeure un risque politique. "On n'est pas là pour se faire plaisir", rappelle un député RN du sud, qui ne souhaite pas endosser la responsabilité d'une crise institutionnelle. L'Assemblée ne pouvant être à nouveau dissoute avant l'été, toute censure avant apparaît vaine pour beaucoup, voire contre-productive. "Ce serait quel autre Premier ministre? Pour faire quoi de différent?", interroge celui pour qui "Barnier est le moins pire".
L'hypothèse est néanmoins prise au sérieux au gouvernement. Sa porte-parole Maud Bregeon a appelé les socialistes à "ne pas être dans une logique de censure automatique", ce qui permettrait "mathématiquement" que le RN n'ait plus le pouvoir de faire et défaire les rois.
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