Point faible de l’économie française ?
Selon un récent rapport, les 185 000 entreprises susceptibles d’être cédées chaque année en France permettraient de sauvegarder quelque 750 000 emplois et d’en créer 150 000. Face à cet enjeu de taille, les pouvoirs publics se mobilisent en s’inspirant de nos voisins européens.
Le 7 juillet dernier, dans son rapport remis à Bercy et intitulé «Favoriser la transmission d’entreprise en France : diagnostic et propositions», la députée de l’Hérault, Fanny Dombre-Coste a mis en lumière les problèmes de transmission des entreprises françaises, au coût économique et social exorbitant : sur 60 000 entreprises mises en vente chaque année, près de la moitié disparaît, selon le document Autant d’activité potentielle sur lequel le pays ne pourra plus compter. L’élue a donc préconisé diverses mesures dont l’instauration d’un comité de pilotage, présidé par Bercy, comprenant l’ensemble des acteurs de la transmission et de la reprise. Ce comité de pilotage a été effectivement réuni, pour la première fois, le 5 novembre, par le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, et la secrétaire d’État au Commerce, Martine Pinville, en présence de la députée Fanny Dombre-Coste.
Mobilisation autour des TPE
Réussissant représentants des réseaux d’accompagnement, des chambres consulaires, des organisations professionnelles, de Pôle emploi ou encore de l’Agence France Entrepreneurs, ce comité de pilotage a mis l’accent sur les TPE. En 2013, près de 8 000 emplois ont été détruits faute de repreneurs, pour des entreprises saines ayant dû cesser leur activité, selon les chiffres cités par Bercy. Pour combattre ce phénomène, le comité de pilotage s’est concentré sur trois axes principaux : la mobilisation des réseaux, l’identifcation des publics concernés et la mise à disposition d’une offre de financements adaptés. De plus, les ministres ont présenté des mesures, comme le développement du crédit-vendeur, dont les règles fiscales seront modifiées (échelonnement du paiement des impôts sur les plus-values de cession de TPE sur trois ans, sans majoration) et la simplification de la vente du fonds de commerce, avec la réduction des délais de vente de 5 mois à 125 jours, maximum. Le rôle de l’Agence France Entrepreneurs a été clarifié : en particulier, les coordinations avec l’ensemble des réseaux seront renforcées et un parcours de formation spécifiquement dédié aux repreneurs sera instauré.
Une exception française
Cette prise de conscience des pouvoirs publics semble nécessaire puisque, selon un rapport de Grant Thornton, GT Société d’Avocats et METI (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire* dans la prochaine décennie, près de la moitié des entreprises de taille intermédiaire seront amenées à être transmises pour des raisons démographiques. Un réel défi s’annonce pour les ETI (4 600 en France, dont 3 200 nationales) ainsi que pour la sauvegarde de l’emploi (près de 3 millions de personnes en France sont concernées). Assurer la continuité et la croissance de ces entreprises, c’est l’enjeu essentiel de la transmission d’entreprises qui s’avère encore trop coûteux en France : 5,4 % de la valeur d’une entreprise, dans le cas d’une donation, et 11 %, lors d’une succession, selon l’étude. Par comparaison, ce coût se révèle nul en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni, de 3 % en Belgique, 0,02 % en Espagne ou encore 3,39 % aux Pays-Bas. En contrepartie, il est demandé dans ces pays de respecter des engagements comme la durée de conservation des titres ou le maintien de la masse salariale. Dernier challenge, améliorer l’image de la transmission d’entreprise : les cédants la voient comme l’ultime étape avant la retraite, donc, comme un événement qu’il faut repousser le plus longtemps possible. Les entrepreneurs, eux, privilégient la création d’entreprise, démarche très valorisée par les acteurs publics ces dernières années. Avec les travaux du nouveau comité de pilotage, ce point pourrait bientôt changer. * «Transmission d’Entreprises en Europe : La France doit s’aligner d’urgence sur ses voisins» – Novembre 2015.