Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises : «Dans ces périodes de tensions, le rapport de force joue»
La reprise s'accompagne de tensions sur la trésorerie des entreprises, particulièrement vives pour les petites qui continuent de saisir la Médiation. Laquelle s'attache aussi à promouvoir les achats responsables. Bientôt un outil d'auto-diagnostic permettra aux entreprises de s'initier à la démarche.
Comment
voyez-vous cette rentrée économique ?
Le
ressenti global, c'est que les entreprises vont mieux. Les chiffres
de l'Insee, qui prévoient 6,3% de croissance du PIB cette année, le
confirment. C'est une bonne nouvelle. Toutefois, certaines
évolutions appellent à la vigilance concernant la trésorerie des
entreprises. Celles qui ont encore leur PGE [Prêt garanti par
l’Etat] en disposent, mais on observe tout de même certaines
tensions. La première est liée à un phénomène qui se déroule
chaque année : au mois d'août, des factures ne sont pas
payées, en raison d'un manque d'organisation par rapport aux
vacances. Les paiements mettent un peu de temps à être régularisés
en septembre. Le deuxième élément de tension est lié à la
croissance : il faut faire revenir des salariés mis au chômage
partiel, acheter des matières premières...
Le
troisième élément, plus conjoncturel, tient à la force de la
reprise mondiale qui a généré une pénurie des matières
premières, aggravée de problèmes de transports. Résultat, des
entreprises ne parviennent pas à s'approvisionner. Cela peut
engendrer des décalages dans les chantiers, voire, des pénalités
de retard. Si les matières premières sont là, les prix ont
augmenté. Dans ce cas, il faut que le client accepte ces hausses, ce
qui n'a rien d'évident. Ou alors, l'entreprise rogne sur ses marges.
Les entreprises ont-elles cessé de se tourner vers la Médiation, dans ce contexte de reprise ? Pour septembre, nous devrions atteindre les 200 saisines. Nous ne sommes plus au pic atteint au plus fort de la crise, quand les saisines avaient été multipliées par 10. Toutefois, le niveau demeure assez élevé, deux fois supérieur à la normale. Malgré, ou en accompagnement de la reprise qui crée de nouvelles formes de tensions, les entreprises nous saisissent. Les problèmes actuels sont malheureusement particulièrement prégnants pour les PME, les TPE et artisans, tout simplement parce que dans ces périodes de tensions, le rapport de force joue. C'est le cas d'artisans qui nous contactent.
D'un
côté, des fournisseurs de taille bien plus grande qu'eux leur
annoncent que les panneaux de bois commandés, par exemple, coûteront
40% plus cher, et seront livrés dans six mois au lieu de trois
semaines. De l'autre, des clients importants refusent d'accepter une
augmentation des prix, appliquent des pénalités... Par ailleurs,
nous continuons à être particulièrement vigilants sur certains
secteurs très impactés par la crise, dont l'aéronautique et
l'automobile. De même, nous avons maintenu le comité de crise du
BTP : cela nous permet de réagir dans les cas structurants,
pour des grandes entreprises qui ne seraient pas du tout à l'écoute
de leurs fournisseurs, par exemple.
En
plus d'aider les entreprises à régler leurs différents sans passer
par les tribunaux, la Médiation s'attache aussi à promouvoir
l'achat responsable. Quels sont vos nouveaux projets ?
Aujourd'hui,
la RSE, Responsabilité sociétale
des
entreprises,
est devenue incontournable. Tout le monde attend des entreprises
qu'elles s'engagent ; celles qui le font acquièrent un avantage
compétitif. Mais le sujet est vaste et beaucoup de démarches ont
été initiées par des organismes américains ou internationaux. En
revanche, il est un domaine dans lequel la France est leader :
les achats responsables. Nous disposons d'une norme ISO 20400, d'une
charte et d'un label. Pour l'instant, 2 200 acteurs économiques ont
signé cette charte, dont une immense majorité de PME et de TPE.
Avec Olivia Grégoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable, nous sommes en train de promouvoir ce dispositif. Afin que la France prenne le leadership mondial, il est nécessaire que le plus grand nombre possible d'entreprises, d'acteurs publics, adoptent la démarche. Pour les y encourager, dans quelques semaines, nous allons proposer un «parcours» qui permettra d'atteindre le label en rentrant par la charte. Un outil d'auto-diagnostic fera partie de ce parcours.