Picardie la Gazette a interrogé les présidents de la Chambre d’agriculture et de la CCI du Nord-Pas-de-Calais
En vue de la fusion de notre région avec le Nord-Pas-de-Calais, Picardie la Gazette a donné la parole aux présidents de la Chambre d’agriculture et de la CCI du Nord-Pas-de- Calais. Ils livrent leur regard sur la Picardie.
Jean-Bernard Bayard est président de la chambre d’agriculture de région du Nord-Pas-de-Calais.
Picardie la Gazette : Où en êtes-vous de la fusion au niveau des chambres d’agriculture ?
Jean-Bernard Bayard : Les actuelles chambres régionales seront regroupées sur le modèle de la nouvelle carte territoriale à compter du 1 er janvier 2016. Sauf qu’en Nord-Pasde-Calais, les chambres départementales et régionale avaient fusionné pour constituer une seule chambre de région en 2010. La possibilité nous était donnée de pouvoir nous structurer comme nous le souhaitions. Mais cela n’a pas été possible. Deux chambres sur les trois de Picardie voulaient constituer une seule chambre d’agriculture avec le Nord-Pas-de-Calais. Mais avec le blocage d’un département, nous sommes aujourd’hui repartis sur le schéma traditionnel des chambres d’agriculture, à savoir des chambres départementales et une chambre régionale. À l’époque de la simplification administrative, ce schéma alourdit le fonctionnement : multiplication des budgets, convention entre les établissements…
L’ordonnance prévoit donc de détricoter notre chambre de région : une partie est érigée en chambre régionale de droit commun et l’autre partie, transformée en chambre interdépartementale. Les fonctions supports, comme la comptabilité, l’informatique ou encore la communication, reviennent à la chambre régionale. Compte tenu de notre situation, une période d’adaptabilité de trois ans nous est donnée. Concernant les budgets, la chambre Nord-Pas-de-Calais versera volontairement de l’argent à la chambre régionale Nord-Picardie à hauteur de 50 000 euros, proposés dans un premier temps. Par la suite, je m’engagerai à plus si le travail se met en place correctement. Je souhaite en effet que cette évolution permette de porter l’agriculture d’une même voix et non d’aboutir à cinq expressions, au regard du monde politique, des collectivités, de la préfecture et de l’ensemble des services de l’État.
P.L.G. : Que pensez-vous du tissu économique de la région Picardie ?
J.-B.B. : Le rapprochement de ces deux grandes régions agricoles révèle des agricultures très ressemblantes tant en termes de volumes que de structures, mais aussi dans les productions, exception faite du champagne. Au total, l’agriculture et ses filières emploient plus de 130 000 personnes dans les deux régions. Leur mariage va renforcer considérablement le poids des filières agroalimentaires, à condition d’avoir l’intelligence et la sagesse de les structurer. Sur ce point, nous devons travailler avec l’ensemble des opérateurs économiques mais également avec les CCI. Il nous faut avoir une vision de filière, de la production à la transformation et commercialisation. Notre nouvelle région bénéficie d’atouts exceptionnels pour réussir. Pour les débouchés, avec un potentiel de 100 millions de consommateurs qui habitent à moins de 300 km, la région Nord-Picardie représente le bassin de consommation le plus riche d’Europe et le 3e au niveau mondial derrière Tokyo et New York. Les établissements de formation et de recherche sont très présents et font partie également de nos atouts.
P.L.G. : Comment envisagez-vous l’année 2016 ? Quels sont les grands chantiers 2016 pour vous ?
J.-B.B. : Nous ne sommes pas parvenus dans le temps imparti à structurer notre manière de travailler : il faut maintenant donner un coup d’accélérateur ! Nous devons amorcer un travail entre les anciennes commissions issues de nos différents territoires pour se connaître, s’apprécier et construire ensemble. Il ne s’agit pas d’une simple addition des deux anciennes régions, mais bien de la création d’une nouvelle entité, une opportunité qu’il ne faut pas gâcher. Cette évolution va permettre de porter l’agriculture d’une même voix, de travailler sur un schéma de développement partagé avec l’ensemble de nos filières, d’être entendu par un Conseil régional qui aura plus de poids sur la vie économique, d’expliquer notre métier… Des chantiers concrets sont déjà en cours : des discussions sont menées au sujet de l’avenir des marques régionales “Saveurs en’or” et “Terroir de Picardie”. Ou encore, à titre d’exemple, la prochaine édition de “Terres en fête” s’affichera Nord- Pas-de-Calais-Picardie.
Philippe Vasseur est le président de la CCI de région Nord de France.
Picardie la Gazette : Où en êtes vous de la fusion au niveau des CCI ?
Philippe Vasseur : Les CCI de région Nord de France et Picardie travaillent à leur fusion qui aura lieu au 1er janvier 2017. Il y a matière, car les positionnements des CCI n’étaient pas les mêmes, notamment à l’égard des partenariats avec les Conseils régionaux dans de nombreux domaines comme l’international, la création, le tourisme.
Certaines actions sont déjà portées à l’échelle de la nouvelle grande région à l’instar de l’accompagnement à l’international où les équipes de la CCI Nord de France et de Picardie ont élaboré un programme commun pour 2016. De même, les équipes des études travaillent désormais de concert et réalisent ensemble tous les documents permettant une meilleure connaissance du tissu économique de la nouvelle région (chiffres clés, atlas, portraits sectoriels, portraits par zones d’emploi, etc.).
La condition de réussite de cette nouvelle région tient essentiellement à notre capacité à être dans une logique de projets plutôt que dans une logique de structure. Cela signifie que, plutôt que de penser d’abord en questions d’organisation (je ne dis pas pour autant que ce n’est pas nécessaire), il faut nous focaliser plutôt sur la façon de servir au mieux les intérêts des territoires et le développement des entreprises, ce qui est le rôle premier des CCI.
P.L.G. : Que pensez-vous du tissu économique de la région Picardie ?
P.V. : La banque mutualiste que j’ai présidée pendant près de seize ans couvre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Je connais donc bien les deux régions. Je sais notamment qu’avec ses 90 000 établissements et ses 765 000 emplois, la Picardie dispose de nombreux atouts. À l’instar du Nord-Pas-de-Calais, c’est un grand territoire agricole et agroalimentaire et le rapprochement des deux régions donnera naissance à la 3e région agricole et agroalimentaire.
Autre secteur traditionnel de la Picardie, la chimie a su se repositionner, notamment dans la chimie verte qui a des perspectives de développement très prometteuses. Cette dynamique se retrouve aussi en Nord-Pas-de-Calais et la nouvelle grande région devrait pouvoir bien se positionner dans ce domaine, notamment grâce à la présence de deux pôles de compétitivité (Indus- tries et agro-ressources (IAR) en Picardie et Matikem en Nord-Pasde-Calais). D’autres secteurs sont communs à nos deux régions et se trouveront également renforcés grâce à la fusion, à l’instar des secteurs ferroviaire, métallurgique, automobile ou encore plasturgique. La nouvelle région offrira une palette complète de compétences dans le domaine du matériel de transports, même dans l’aéronautique grâce à la Picardie.
P.L.G. : Comment envisagez-vous l’année 2016 ? Quels sont les grands chantiers 2016 pour vous ?
P.V. : Avec l’arrivée d’une nouvelle mandature à la tête du Conseil régional, l’année 2016 sera une année au cours de laquelle la nouvelle équipe du Conseil régional prendra ses marques. Côté CCI, nous travaillerons en lien étroit avec les équipes de Picardie pour préparer les élections consulaires et travailler au rapprochement des équipes et des actions dans le cadre de la fusion en 2017.
Au sein du réseau Nord de France, nous continuerons d’avancer sur nos deux grands projets : la troisième révolution industrielle (“rev3”) et “CCI Digital”. Sachant que nous allons vers une économie à la fois plus durable et plus connectée, ces deux chantiers visent à sensibiliser et accompagner les entreprises de toutes tailles, et notamment les TPE et PME, sur ce que sera l’économie demain.
Alexandre Barlot