Pérou: l'industrie de la pêche dans la tourmente du réchauffement des océans

Le "Tiburon 7", chalutier de 50 mètres de long, reprend la mer après des mois d'immobilisation dans le port de Callao, dans le centre du Pérou. Son équipage est inquiet. L'année a été marquée par des pertes pour l'industrie péruvienne de la pêche qui lutte pour éviter de chavirer dans...

Pécheurs à bord d'un chalutier au large des côtes péruviennes le 19 novembre 2023 © Ernesto BENAVIDES
Pécheurs à bord d'un chalutier au large des côtes péruviennes le 19 novembre 2023 © Ernesto BENAVIDES

Le "Tiburon 7", chalutier de 50 mètres de long, reprend la mer après des mois d'immobilisation dans le port de Callao, dans le centre du Pérou. Son équipage est inquiet. L'année a été marquée par des pertes pour l'industrie péruvienne de la pêche qui lutte pour éviter de chavirer dans les eaux de plus en plus chaudes du Pacifique. 

Le phénomène climatique El Niño qui fait monter la température des océans de manière cyclique, provoquant sécheresses et inondations, fait des ravages au Pérou, premier producteur mondial d'huile et de farine de poisson à base d'anchois Engraulis ringens, une variété qui vit dans les eaux modérément froides au large des côtes péruviennes et chiliennes. 

Les experts consultés par l'AFP s'accordent à dire que le réchauffement climatique a rendu El Niño plus intense et fréquent.

À la tête d'un équipage de 20 hommes en bottes et salopette orange, le capitaine Luis Celis largue les amarres avec l'espoir d'amortir les pertes: "Nous n'avons pas pêché pendant la première saison de l'année, qui a été suspendue en raison des températures élevées", dit-il. 

Le secteur concentre ainsi ses attentes sur la deuxième période qui a débuté le 26 octobre et se prolongera jusqu'à la mi-décembre.

Pouvant transporter jusqu'à 420 tonnes de marchandises, l'imposant chalutier s'approche à moins de cinq milles nautiques (environ neuf kilomètres) des côtes pour larguer ses filets géants bordés de bouées jaunes. 

Une armée de mouettes s'abat sur le piège aux mailles épaisses plongé dans une mer sombre et agitée. Des dizaines de lions de mer leur disputent la nourriture, avant que l'équipage ne remonte les filets. 

En deux jours, le "Tiburon 7" a pêché 100 tonnes d'anchois destinés à être transformés dans une usine de Chancay, à 70 kilomètres au nord de Lima. Au vu de ce résultat, le capitaine Celis pointe l'impact du réchauffement du Pacifique. 

Pire crise

"La température de la mer est supérieure de quatre ou cinq degrés (aux températures normales) et cela nous affecte beaucoup (...) Le secteur de la pêche n'est pas préparé à affronter un phénomène El Niño pendant un ou deux ans. Ce serait catastrophique", assure-t-il. 

Selon les prévisions, El Niño, qui a officiellement débuté en milieu d'année, pourrait se prolonger jusqu'en mai 2024. Le pays a en outre été confronté en début d'année à un phénomène similaire, connu sous le nom d'El Niño côtier, qui affecte principalement le littoral péruvien et équatorien.

La pêche est "confrontée à la pire crise des 25 dernières années (...) Comme il n'y a pas eu de première saison, nous avons perdu plus ou moins un milliard de dollars d'exportations", souligne Eduardo Ferreyros, président de la Société nationale de la pêche. 

Entre janvier et septembre, le chiffre d'affaires du secteur s'est contracté de 26,3% par rapport à la même période en 2022, selon l'Institut national de la statistique et de l'informatique (INEI). 

En raison de l'augmentation de la température des océans, les anchois ne trouvent plus assez de plancton pour se nourrir et leur population diminue, selon l'institut. 

"Avec le réchauffement de ces dernières années, il n'y a plus de nourriture dans la mer et les poissons ne se développent pas bien", confirme Roberto Larrain, directeur de l'entreprise de pêche Luciana, basée à Chancay.

Selon lui, avant 2020, on trouvait des anchois de 14 centimètres en moyenne, alors qu'aujourd'hui ils n'atteignent que 11,5 centimètres.

L'industrie de la pêche représente environ 1,4% du PIB du Pérou. La crise qu'elle traverse menace d'affecter durement un secteur qui génère quelque 250.000 emplois.

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