Capeb Hauts-de-France

Paul Péchon : « Il faut continuer à avoir une vision positive de l'avenir car l'activité ne va faire qu'augmenter »

Paul Péchon, président de la Capeb Hauts-de-France, dresse un état des lieux positif et optimiste de la situation économique dans le bâtiment mais il émet quelques réserves. La hausse des prix des matières premières, les difficultés d'approvisionnement et de recrutement pourraient freiner la dynamique de la reprise.

Paul Péchon, président de la Capeb Hauts-de-France, se dit optimiste pour l'avenir. (c)Capeb Hauts-de-France
Paul Péchon, président de la Capeb Hauts-de-France, se dit optimiste pour l'avenir. (c)Capeb Hauts-de-France

Picardie la Gazette : Votre secteur a été l'un des plus durement touchés par la crise sanitaire. Comment avez-vous surmonté celle-ci ?

Paul Péchon : Cette crise a été aussi inattendue que fulgurante. Cette pandémie, qui nous est tombée dessus du jour au lendemain, a entraîné avec elle un arrêt quasi total de nos activités. Cela a été une douche froide pour toutes les entreprises. Hormis quelques chantiers indispensables, notamment dans les hôpitaux, tout le reste a été interrompu au printemps 2020. La priorité était de mettre nos salariés en sécurité.

Il a fallu s'adapter et réagir, ce que nous avons fait avec nos collègues de l'U2P, avec qui nous partageons des problématiques communes. Nous avons ainsi pu faire des propositions au Gouvernement. Un Gouvernement qui nous a d'ailleurs bien aidés avec des mesures comme le chômage partiel, le Prêt garanti par l'État (PGE) ou encore le report de charges. Cette crise n'est pas terminée mais globalement l'activité a bien repris.

Votre secteur est également l'un de ceux qui a le mieux repris d'ailleurs. Quelle est la situation aujourd'hui ?

On dit souvent qu'il faut reculer pour mieux sauter. Nos entreprises ont pu le constater. L'activité est là et elle est soutenue, c'est vrai, notamment grâce au Plan de relance et aux programmes de rénovation énergétique. Au troisième trimestre 2021, elle avait augmenté de +2,2% par rapport à la même période en 2019. Cette année, on note même une hausse globale de +5,5% de l'activité. La région est d'ailleurs l'une des mieux loties de France, la moyenne se situant autour des +4%.

Cependant, cette reprise est à mesurer car elle n'est pas la même pour tout le monde en fonction de l'activité. Le plâtrier passe avant le peintre, le couvreur après le maçon... Il y a un ordre chronologique sur les chantiers. Alors certains sont en sur-activité pendant que d'autres sont en sous-activité. La reprise n'est pas non plus la même en milieu urbain, où les bailleurs sociaux ont mis un coup d'accélérateur avec les programmes de rénovation thermique, et en milieu rural.

Certaines difficultés conjoncturelles viennent également assombrir cette reprise ?

Tout à fait. La reprise mondiale a généré des ruptures d'approvisionnement des matières premières et des produits finis ainsi qu'une énorme hausse des prix. Ce sont des facteurs qui impactent actuellement la bonne exécution des chantiers mais aussi leur rentabilité. C'est compliqué de faire des devis ou de les maîtriser.

Cela concerne tous les métiers, toutes les activités et toutes les filières du bâtiment. Au départ, seuls quelques matériaux étaient concernés. Désormais, cela touche tout le monde. Je le constate moi-même dans mon activité de chauffagiste : le manque de pièces électroniques retarde l'approvisionnement en chaudières. 

Nous sommes obligés d'orienter nos clients vers d'autres choix ou de les faire patienter. Le pire, c'est que nous n'avons aucune visibilité là-dessus. Nos fournisseurs sont dans l'incapacité de nous donner des délais. Et avec une inflation galopante telle que nous la vivons aujourd'hui, car nous subissons aussi de plein fouet les hausses des prix du carburant, nos marges risquent d'être fortement amputées prochainement. 

La pénurie de certaines matières premières et les hausses des prix entachent la reprise économique dans le secteur du bâtiment. (c)AdobeStock


Comme tous les secteurs d'activités, vous rencontrez aussi des problèmes de recrutement. Est-ce un frein supplémentaire à la reprise ?

Ce n'est pas un phénomène nouveau dans le bâtiment, qui a une population active vieillissante depuis plusieurs années déjà. Nous avons beaucoup de difficultés à attirer les jeunes. Or, nos métiers ont beaucoup évolué. Ils sont devenus beaucoup moins pénibles et intègrent les nouvelles technologies comme la domotique. Nos chantiers n'ont plus rien à voir aujourd'hui avec ceux d'avant. Côté mixité nous aussi aussi des lacunes, ça manque encore de femmes alors que nos métiers sont accessibles à tous. Nous avons un gros travail à faire là-dessus. Il faut que nous allions rencontrer les jeunes dès le collège pour leur donner envie de nous rejoindre.

Nous travaillons également en collaboration avec Pôle emploi pour mieux axer nos demandes et identifier les demandeurs d'emploi afin de leur proposer soit un poste soit une formation. Notre secteur est l'un de ceux qui recrute le plus en France avec 26 000 prévisions d'embauche pour cette année, il y a donc urgence.

Quel est l'état d'esprit de vos adhérents actuellement et quel message souhaiteriez-vous faire passer aux entreprises du bâtiment ?

Ils sont plutôt confiants et optimistes malgré ces soucis conjoncturels et des lourdeurs administratives qui rendent leur quotidien complexe à cause de certaines taches très chronophages, notamment en termes de RGE.

Il faut continuer à avoir une vision positive de l'avenir car l'activité ne va faire qu'augmenter grâce à la rénovation énergétique qui progresse actuellement deux fois plus vite que la construction neuve et aux nouvelles ambitions gouvernementales. Le monde d'avant ne peut pas continuer. La meilleure énergie, c'est celle que nous ne produisons pas. Il va donc falloir tout repenser, pas uniquement nos systèmes de chauffage et notre isolation. Il y a une profonde réflexion à avoir et il va surtout falloir changer nos habitudes. Les nouvelles technologies vont nous permettre d'accompagner ces mutations, c'est aussi pour cela qu'il faut aller chercher les jeunes. La Capeb sera en tout cas un acteur investi et engagé dans cette transition énergétique. 

Les chiffres en Hauts-de-France :

  • + 5,5 % d'activité comparé à 2020.
  • 27 800 autorisations de logement entre septembre 2020 et août 2021.
  • 30% des chefs d’entreprise déclarent un carnet de commandes en hausse au 3e trimestre 2021.
  • 4 502 entreprises RGE à fin août 2021.
  • 160 millions d’euros de travaux engagés en 2020 au travers du dispositif MaPrimeRenov’.
  • Au 13/10/2021 : 3 328 contrats d’apprentissage instruits et 1 056 en cours d’instruction (4 384 contrats reçus contre 4 080 en 2020.

Source : Note de conjoncture de la CAPEB/ CERC Hauts-de-France