Audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer
Pas de panique malgré une situation économique compliquée
C’est une rentrée consulaire en forme de traditionnel bilan de l’année précédente, qui s’est déroulée le 24 janvier dernier à Boulogne-sur-Mer, pour les juges des entreprises. Une rentrée marquée par des réalités économiques sévères, mais dans une ambiance qui récuse la panique. Compte-rendu d’audience et de couloirs.
Ce n’est pas la catastrophe mais ça dépend de l’importance qu’on donne à telle ou telle donnée chiffrée. Le président Max Hénaux a d’ailleurs comparé les séries entre 2019 et 2022 ; mettant la période Covid hors champ, car exceptionnelle. Que penser ainsi des 250 procédures (dont 59 RJ et 183 LJI, soit une augmentation à 2 chiffres) de l’an dernier comparées aux 141 lancées en 2021 ? Le tribunal, a t-il déstocké les dossiers en reprenant un rythme normal après les confinements ? «C’est essentiellement cela» nous confirme maître Romain Bodelle, bâtonnier de l’ordre à Boulogne-sur-Mer.
Que dire du nombre des plans (sauvegarde, redressement et cession) qui passe de 25 à 16 entre 2021 et 2022 ? Qu’il y avait «moins à sauver» l’an dernier ? Privilèges et nantissements nous montrent d’autres choses encore : ils sont quasiment tous à la hausse. Trésor public, sécurité sociale, contrat de location, gages, hypothèque, tout monte à part le crédit-bail (moins 3 unités). Le président a apporté de quoi rassurer les entreprises : «l’URSSAF n’a pas repris sa campagne de recouvrement, la proportion des liquidations judiciaires (20%) n’a pas changé, les procédures de prévention devraient sauver plus d’entreprises en 2023».
Former les nouveaux entrepreneurs
Toujours dans la colonne positive, le président a rappelé que les créations avaient été très nombreuses en 2022 et qu’on assistait à «une transformation du monde du travail vers l’entrepreneuriat. C’est très bien, mais il faut former tous ces nouveaux entrepreneurs. Beaucoup échouent sur de simples questions de gestion» alerte t-il. Les futures réformes de la justice, qui devraient arriver suite aux États Généraux de 2022, ne devraient pas toucher la justice consulaire. «À titre expérimental, les tribunaux de commerce pourraient devenir des tribunaux des affaires économiques avec un périmètre élargi. Nous resterons attentifs et pragmatiques».
Le procureur Guirec Le Bras s’est montré plus tranchant : «2022 est une annus horribilis. C’est une année de marasme qui n’est pas sans conséquences sur les tribunaux de commerce. Les entreprises ont été doublement fragilisées : par l’inflation et par la perte de soutien bancaire. Un sondage montre que 30% des entreprises estiment qu’elles ne pourront pas rembourser leur PGE». Quoique ces prêts soient garantis à 80% par l’Etat, cette garantie ne prémunit pas l’entrepreneur contre le statut de faisant défaut s’il n’honore pas ses traites. Juridiquement, c’est une cessation de paiement factuelle… «C’est évidemment très gênant pour être éligible à d’autres aides» conclut Max Hénaux.
Le tribunal a traditionnellement fait entrer les nouveaux juges. S’il ne se féminise pas encore, le personnel élus se territorialise encore un peu plus avec l’entrée d’un Audomarois et deux Calaisiens : Antoine Ravisse, logisticien et ancien juge consulaire et Yves Szrama, cadre chez Getlink, à Calais.