Optimiser le pilotage des risques, une nécessité
L’arbitrage entre développement commercial et prudence financière figure aujourd’hui parmi les principales missions du directeur financier. Alors que le risque politique revient au premier plan et que le risque client demeure extrêmement sensible, où faut-il placer le curseur ? Témoignage de Ghislain Barrois, directeur financier et juridique chez Dickson Constant.
Entreprise plus que centenaire créée en 1836 spécialisée sur le tissu technique extérieur et filiale depuis 1998 du groupe américain Glen Raven, Dickson Constant s’est développée au fil des années autour de trois axes stratégiques que sont l’international avec 72% du chiffre d’affaires réalisé à l’export, la distribution pour maîtriser et activer le marché et son portefeuille de 15 000 clients storistes actifs et, troisième axe, la diversification et l’innovation produits avec, par exemple, le lancement d’ici la fin de l’année d’un revêtement de sol.
La problématique du risque client sous est-elle très prégnante ?
Le risque client est une forte problématique pour nombre de sociétés et encore davantage pour nous avec 75% de l’activité réalisée à l’export et 15 000 clients. Par le passé, nous avons utilisé plusieurs sociétés d’assurancecrédit, mais nous nous sommes concentrés sur une seule société quand les compagnies ont proposé des services France et Export.
Aujourd’hui, on est entré dans une crise violente et profonde. Face à la crise en 2009, les entreprises ont bien réagi pour la plupart et mobilisé leur trésorerie. Quand tout va bien, on met la trésorerie dans les comptes clients et dans les stocks. Avec la crise, elles ont réduit leurs stocks, mieux maîtrisé leur compte-client et consommé leur trésorerie, le cas échéant, pour compenser leurs pertes. Mais on voit poindre aujourd’hui une seconde récession et, si l’activité ne repart pas, il est possible qu’on connaisse un deuxième événement de sinistralité forte. Aujourd’hui, on a en face de nous des clients de plus en plus fragiles dans des pays qui sont parfois confrontés à des crises économiques ou politiques fortes. C’est à nous de trouver le meilleur moyen pour pouvoir commercer, créer le meilleur climat de confiance avec nos clients pour travailler dans un climat serein et prendre toutes garanties pour ne pas jouer en période de crise avec la trésorerie;
Pourquoi avoir choisi l’assurance- crédit ?
L’assurance-crédit a 3 métiers : l’information, la couverture de créances et le contentieux. Elle nous permet de croiser les informations remontant de notre force commerciale avec celles des compagnies. L’agrément donné pour une garantie par un assureur- crédit sécurise une partie des créances de l’entreprise, permet une relation claire avec le client et même de faire passer quelques règles en termes de livraison, de règlement. Autre contribution, le contentieux : du fait de la multiplicité des pays, de la complexité des démarches, nous n’y arriverions pas seuls. C’est un métier que nous préférons confier à l’assureur-crédit qui prend aussi en charge la récupération.
Quelles évolutions avez-vous constaté sur ce marché ?
Les assureurs-crédit ont réagi en 2009 en réduisant fortement leurs garanties. Certains se sont fait peur. La machine s’est bloquée en termes de communication et l’arbitrage n’a plus octroyé de garanties. Le directeur financier a pu s’interroger sur l’opportunité pour un assureur-crédit de ne couvrir que les bons risques et donc pour lui-même de ne plus payer de primes pour des couvertures dont il n’a pas le besoin Fin 2010-début 2011, les vannes des agréments ont été rouvertes, peut-être sous la pression de ce type de raisonnement. Aujourd’hui, les choses se sont un peu détendues, même si depuis quelques semaines le robinet se resserre, mais pas dans l’excès de 2009.
Avez-vous connu des situations difficiles ?
La plus problématique que nous ayons connue est l’arrêt de l’assurance- crédit sur le risque de la Grèce. Du jour au lendemain, fin décembre 2011, la totalité des agréments a été résiliée. Cela vous met dans une situation délicate quand vous travaillez depuis les années 70 avec un distributeur qui ne vous a jamais fait d’impayés… Charge à vous de gérer au mieux avec lui la situation en se mettant dans une démarche de communication réciproque franche et constructive. Je comprends mal que l’assureur-crédit puisse bloquer ainsi la communication et procède par réduction automatique du niveau de garantie par application systématique d’un barème;
Comment faire ?
Nous ne sommes pas contre la demande de notre assureur-crédit d’une communication accrue sur les tensions et risques éventuels, mais sur la base d’une organisation pertinente de cette communication en termes de montant, de délais, pour éviter que l’info ne tue l’info et n’aboutisse à des alertes inutiles faute de pondération. Tout est dans le curseur.
Et avec vos propres fournisseurs ?
En tant que client, certains gros acteurs du marché ont voulu imposer leurs règles en exigeant la fourniture des éléments financiers de la société, ce qui est assez délicat… Il faut aussi respecter la volonté du client de ne pas les communiquer par souci de confidentialité. Rien ne les empêche de fonctionner avec les notations. Nous donnons notre note qui est facteur d’une certaine garantie par rapport à notre solvabilité. La notation permet de rassurer et de préserver la confidentialité.