Opportunité du test salivaire…
Les entreprises sont parfois confrontées aux conduites addictives de leurs salariés sur leur lieu de travail, notamment, à l’usage de stupéfiants.
Jusqu’où peut s’exercer le pouvoir de contrôle de l’employeur en la matière au regard des droits des salariés et de leurs libertés individuelles et collectives ? C’est la question qu’a eu à connaître récemment la Cour Administrative d’Appel de Marseille (CAA Marseille 21 août 2015 n°- 14MA02413). En l’espèce, une société avait mis en place, dans son projet de règlement intérieur, un dispositif de contrôle aléatoire effectué sur les lieux de travail par le recours, pour les salariés affectés à des postes hypersensibles, à des tests salivaires de dépistage de la consommation de produits stupéfiants. Le projet de règlement intérieur prévoyait que ces tests soient pratiqués par un supérieur hiérarchique ayant reçu une information appropriée sur la manière d’administrer les tests concernés et d’en lire les résultats, avec l’accord de la personne contrôlée et en présence d’un témoin minimum. Dans l’hypothèse d’un contrôle positif, le projet de règlement précisait que le salarié pouvait faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. La CAA de Marseille devait donc apprécier, l’opportunité du test salivaire décrit dans le projet de règlement intérieur, en ce qu’il pouvait être pratiqué par un supérieur hiérarchique, dès lors que ce dernier avait reçu une information appropriée sur la manière d’administrer les tests concernés et d’en lire les résultats et, en ce que les résultats positifs pouvaient justifier une sanction disciplinaire, voire un licenciement.
Tests effectués par un médecin
Malgré une controverse ancienne, la réponse est sans ambiguïté. Les tests salivaires, en tant qu’actes médicaux, doivent être effectués par un médecin et non par un supérieur hiérarchique. En outre, dès lors que le test est pratiqué par un médecin, le secret médical interdit la révélation des résultats à l’employeur. Par suite, ce dernier ne peut fonder une sanction disciplinaire sur ces résultats, sauf à porter nécessairement atteinte au secret médical. La CAA de Marseille se range ainsi à la position de la Direction Générale du Travail et du Comité Consultatif National d’Éthique. Il reste à l’employeur deux options qui peuvent paraître contrariantes quand les stupéfiants font l’objet d’une réponse pénale : d’une part, il peut prévoir au règlement intérieur l’interdiction d’introduire de la drogue dans l’entreprise, d’en distribuer ou d’en consommer sur le lieu de travail. D’autre part, il est tout à fait envisageable de sanctionner les comportements découlant pour le salarié de la consommation de stupéfiants, et cela indépendamment de la cause desdits comportements. Qu’il s’agisse de retards répétés ou d’absences injustifiées, des fautes potentiellement liées à l’emprise des drogues peuvent être sanctionnées sur le terrain disciplinaire, voire justifier un licenciement pour faute. De même, sans nécessairement commettre une faute, le salarié peut faire montre d’une insuffisance professionnelle globale, constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Jean-Christophe Génin
Avocat au barreau de Nancy,
FIDAL
Spécialiste en Droit du Travail
jean-christophe.genin
@fdal.com