Nullité des clauses imposant d’adhérer à une association
Dans les centres commerciaux, l’animation et la promotion du centre sont assurées soit par une association regroupant les commerçants, soit par le bailleur qui collecte à cet effet des charges dites de marketing ou de promotion. La Cour de cassation condamne la première formule depuis près de dix ans. Quels sont les effets pratiques de cette condamnation ?
La clause d’un bail commercial imposant au locataire d’adhérer à une association de commerçants est nulle, de nullité absolue, au nom de la liberté d’association qui a pour corollaire la liberté de ne pas s’associer. Cette solution n’allait pas de soi. D’une part, en effet, la liberté d’association est une liberté qui relève de l’action sociale et politique, et non de l’organisation du commerce. D’autre part, le commerçant qui accepte une telle clause le fait de son plein gré, et il pourrait ensuite se retirer dès lors qu’il résilierait son bail pour une échéance utile. Ecartant ces objections, la Cour de cassation a fait de cette nullité une vérité incontournable ; reste à en définir les conséquences pour le passé de l’association et pour son avenir.
Pour le passé de l’association
La question est ici de savoir si le commerçant qui agit en nullité peut obtenir sans contrepartie le remboursement des cotisations qu’il a versées à l’association. La nullité a en effet un caractère rétroactif ; elle doit donner lieu à des restitutions afin que les contractants soient remis dans le même état que s’ils n’avaient pas contracté. Le commerçant adhérent doit, pour ce motif, être remboursé des cotisations versées. Cependant, l’association a, de son côté, fourni une prestation de services, laquelle a une valeur à prendre en compte. Puisque cette prestation, non monétaire, ne peut telle quelle donner lieu à restitution, la restitution doit en être faite sous forme d’une indemnité équivalant à la valeur des services fournis. On parvient ainsi à des restitutions réciproques de sommes d’argent qui ont vocation à se compenser. La Cour de cassation a peiné à définir sa position face à cette problématique. Deux arrêts décisifs ont été rendus ces derniers mois. Le premier, du 23 novembre 2011, casse un arrêt de cour d’appel qui avait accordé au commerçant en cause le remboursement de toutes les cotisations versées, et qui avait refusé à l’association le remboursement en équivalent des prestations fournies. Il affirme que «l’annulation à raison de l’atteinte à la liberté fondamentale de ne pas s’associer ne fait pas échec au principe des restitutions réciproques», au profit de l’association (Civ. 3, 23 nov. 2011). Le second arrêt, du 12 juillet 2012, va dans le même sens. Une cour d’appel avait estimé que la valeur des prestations de services de l’association s’établissait au montant des cotisations versées et que, par compensation, les deux dettes de restitution d’égal montant étaient éteintes. Le pourvoi contre cet arrêt est rejeté au motif que l’adhérente «devait restituer en valeur les services dont elle avait bénéficié (…), valeur que les juges d’appel ont souverainement estimée» (Civ. 1, 12 juillet 2012). L’association des commerçants est ainsi dispensée d’avoir à effectuer un quelconque décaissement au titre des cotisations à rembourser.
Pour l’avenir ?
Qu’en est-il de l’avenir ? L’association peut-elle continuer à percevoir, sous une autre forme ou un autre nom, les mêmes cotisations ? La réponse est assurément négative. La liberté de ne pas s’associer serait vidée de toute portée si la nullité de la clause d’adhésion obligatoire laissait subsister pour l’avenir, sous quelque forme que ce soit, les obligations de l’adhérent. Le commerçant en cause qui s’est retiré de l’association n’aura donc plus à effectuer de versements. Une cour d’appel qui avait jugé le contraire a vu son arrêt cassé (Civ. 1, 20 mai 2010). Est-ce le naufrage des centres commerciaux ainsi organisés ? Il est permis d’en douter. Concrètement, la formule de remplacement, utilisée depuis toujours dans certains centres, est celle du «fonds marketing», ou celle des «charges de promotion». C’est le bailleur qui gère ledit fonds et/ou collecte lesdites charges. La formule rend les mêmes services, mais elle est plus autoritaire. Pour les centres organisés au moyen d’une association, le passage de l’une à l’autre formule ne peut avoir lieu qu’avec le consentement unanime des intéressés. Mais l’hypothèse d’un commerçant qui désirerait rester dans le centre commercial et refuserait néanmoins toute solution d’organisation alternative n’est guère réaliste : un tel commerçant se verrait corrélativement privé de tous les services communs du centre, tels que la signalétique sur les plans et poteaux, ce qui risquerait fort d’y compromettre son avenir…