Nouvelle-Calédonie: un lundi qu'ils aimeraient tant ordinaire
Des sourires timides, la joie de retrouver les copains et pas mal d'inquiétude. Certains enfants de Nouvelle-Calédonie ont repris le chemin de l'école lundi dans un contexte toujours tendu par les émeutes nées de...
Des sourires timides, la joie de retrouver les copains et pas mal d'inquiétude. Certains enfants de Nouvelle-Calédonie ont repris le chemin de l'école lundi dans un contexte toujours tendu par les émeutes nées de la réforme électorale rejetée par les indépendantistes.
Signe d'un très lent retour à la normale après cinq semaines de troubles, l'heure de la reprise a également sonné lundi pour l'aéroport international de Nouméa, tandis que l'entrée en vigueur du couvre-feu nocturne a été repoussée de 18h00 à 20h00.
"T'as trouvé des copains, mon chéri ?", souffle une mère soucieuse à son garçon, polo bleu vif aux couleurs de l'école primaire située dans le quartier de Magenta.
Il est 7h30, enfants et parents affluent sans effervescence pour une rentrée pas ordinaire.
Dans ses rues, la capitale du territoire français du Pacifique Sud porte encore les marques des violences : bâtiments brûlés, dont des établissements scolaires, barrages des indépendantistes, contre-barrages des non-indépendantistes...
"On n'est pas prêts de retrouver une vie normale, c'est impossible !", s'agace David, venu déposer sa fille de 10 ans, pas "plus impatiente que ça" de retrouver les bancs de son école.
"Il faudra quelques années. On n'est pas beaucoup aidés, on se sent un peu abandonnés par le gouvernement. On compte sur le local, on a des personnes du quartier qui surveillent les écoles", assure l'homme qui ne souhaite pas donner son nom.
Reprendre une vie normale
Un car de police passe devant l'école puis la sonnerie retentit. "Bonne journée !", lance Wanni à ses deux filles de sept et neuf ans.
La mère "espère reprendre une vie normale" et tente de se rassurer en se disant que "les émeutiers ne viendront pas ici, ce sont des enfants".
Ses filles ne lui ont pas vraiment posé des questions sur les événements mais ressentent une certaine peur à cause des bruits, la nuit, "des tirs, des bombes".
Policiers et gendarmes - 3.500 ont été déployés sur l'archipel de quelque 270.000 habitants - sont encore mobilisés toutes les nuits pour déblayer les barrages, intervenir sur des incendies et réprimer les troubles à l'ordre public, émaillés parfois d'affrontements, selon une source proche à l'AFP.
Selon le dernier bilan officiel, les émeutes ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, et causé de très importants dégâts matériels.
Ephraïm, huit ans, n'a pas caché son inquiétude et sa peur de retrouver son école brûlée, raconte sa mère, Lucinda Boden. Lundi, elle a voulu s'assurer que les enfants étaient "bien pris en charge", que "c'était bien fermé à l'entrée".
"On est quand même à Magenta, ça a chauffé ici", justifie la mère de famille. "Ça ferait du bien que tout puisse reprendre progressivement. C'est assez lourd comme situation à vivre".
Pour ces élèves de primaire, la rentrée de lundi s'est bien passée, a assuré le Haut-commissariat de la République, qui représente l'Etat français.
La chance de passer
Celle de l'aéroport international de La Tontouta fut un peu plus perturbée.
La route qui y mène, nettoyée ces derniers jours par les gendarmes des barrages faits, défaits et refaits par les indépendantistes, a été bloquée quelques heures dans la matinée.
A une vingtaine de kilomètres de l'aérogare, la circulation des véhicules étaient interrompue par des barrages de gros cailloux et de branchages, certains encore en feu, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Plus tôt dans la matinée, c'est un cortège transportant le corps d'un Kanak de 26 ans décédé le 3 juin après un échange de tirs avec des gendarmes qui n'étaient pas en service qui a été immobilisé la route.
Alice Chekeu confie avoir "mis beaucoup plus de temps (que d'habitude) pour arriver à l'aéroport" mais qu'elle a "eu de la chance de passer".
Cette Française de 24 ans, venue s'installer en novembre en Nouvelle-Calédonie, n'avait "pas du tout prévu" de quitter l'archipel.
"Mais là, on est dans le domaine médical, donc c'était compliqué de travailler. On a décidé de partir", dit-elle depuis le hall de l'aéroport dépeuplé.
Alice Chekeu avait réservé un vol de retour il y a un mois déjà, les quatre premiers ont été annulés.
Pour elle, le cinquième sera le bon. Seuls deux avions ont été programmés au décollage de Nouméa lundi, selon le Haut-commissariat, avec 400 passagers à bord.
sc/pa/tes
34WV9DX