Nos ports misent sur la frontière intelligente
Plus que quelques jours avant que les contrôles douaniers soient de règle pour rejoindre le Royaume-Uni. Les entreprises de la région redoutent les nouvelles formalités à suivre et les embouteillages à la frontière. Les ports de la Côte d'Opale et les représentants des Hauts-de-France tentent de les rassurer et démontrent le travail effectué pour que la transition se fasse dans les meilleures conditions.
Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France, tient à être clair : «Même si le Royaume-Uni sort de l’Europe, nous restons frontaliers et nous perpétuerons les échanges. Nous avons travaillé à une approche commune du Brexit, en faveur de l’intérêt général. C’est-à-dire pour ne pas perdre l’avantage compétitif des Hauts-de-France que la géographie nous a légué». Depuis 40 ans, le contrôle aux frontières pour traverser la Manche n’était plus un sujet. France et Royaume-Uni ont eu un peu plus de trois ans pour revoir toute l’intelligence de ce service. «Nous sommes prêts et avons tout étudié dans le micro détail. C’est maintenant de la responsabilité des chefs d’entreprise de se tenir informés», affirme André-Paul Leclercq, président de la commission économique du Conseil régional Hauts-de-France.
Le 1er janvier 2021 marquera le début de nouvelles règles. Toutes ne sont pas encore établies, des négociations sont encore en cours dans un certain nombre de domaines (notamment au sujet de la pêche). Mais quelle que soit leur issue, le rétablissement d’une frontière suppose la mise en place de contrôles douaniers renforcés qui ne feront que ralentir un trafic déjà proche de la saturation. Et pour cause : 70% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne transitent par les ports de Calais, Dunkerque et le Tunnel sous la Manche. Ce qui représente 12 000 poids-lourds, 13 000 véhicules légers et 60 000 passagers transitant chaque jour, en provenance ou à destination du Royaume-Uni.
Un système de filtrage inédit
Pour gérer ce flux, 40 millions d’euros ont été dépensés dans la réalisation d’infrastructures sur les ports des Hauts-de-France. Ces investissements recouvrent la construction de quais de contrôles de marchandises, de parkings imports et exports, de voiries internes et de signalétiques. «700 agents d’Etat ont été recrutés en plus de ceux qui s’y trouvent déjà, parmi eux, 270 douaniers, 230 inspecteurs vétérinaires et phytosanitaires, et 182 agents au bénéfice de la police aux frontières», précise encore Michel Lalande. Un plan zonal de gestion du trafic a également été prévu pour minimiser au mieux les engorgements qui pourraient affecter le réseau routier du littoral.
Mais afin de ne pas y avoir recours, tous les efforts ont été mis dans la création d’un système de «frontière intelligente». Un «Big Bang de la frontière», selon les dires du Préfet, qui permet de réduire le nombre de véhicules arrêtés pour un contrôle physique. Pour éviter d’être arrêté et donc ralentir le trafic, chaque poids-lourds devra anticiper sa traversée en numérisant la formalité douanière et en identifiant son véhicule au préalable. Le système informatique fonctionnera dès le 1er janvier à minuit du côté français, et à compter du 1er juillet 2021 du côté britannique. On estime ainsi que seul 13% du trafic sera contrôlé physiquement.
Des PPE PME à sensibiliser
Benoît Rochet, Directeur général délégué du port Boulogne Calais, estime que les transporteurs et les services de douane auront le temps de s’habituer à ce système le mois prochain. «Nous prévoyons un trafic mois important au moins de janvier. Nous auront le temps de nous adapter», rassure-t-il. Toutefois, il n’échappe à personne que l’époque n’a rien de commune. Preuve en est : «Habituellement, le trafic augmente fortement en novembre car c’est une période de stockage, puis il ralentit. Cette année, les chiffres ne baissent pas en décembre. C’est sûrement dû aux industries qui anticipent un possible hard Brexit et profitent qu’il n’y ait pas encore de droits de douane», continue de DG délégué.
Cette anticipation concerne toutefois les entreprises les plus habituées au grand export. Dans la région, 8 000 régionales commercent avec le Royaume-Uni, mais bon nombre de PPE, PME, n’ayant jamais marchandé avec un pays tiers, ne s’estiment pas prêtes à quelques jours du rétablissement d’une frontière.
Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France, s’en désole : «Nous avions organisé des formations et avons essayé d’informer au mieux nos entreprises. Mais la Covid a perturbé le sens des priorités des entreprises, qui n’ont pas pu se concentrer sur le Brexit.» Tous les moyens de communication ont pourtant été mis en place ces derniers mois : flyers multi-langues distribués aux chauffeurs, webinaire à destinations des dirigeants et réunions en ambassades pour informer les entreprises étrangères…
Informations sur www.douane.gouv.fr