"Mort modeste des JO grandioses": hommage à Paris à l'ouvrier décédé sur un chantier

Sortir de l'oubli cette "mort modeste": soutiens et famille ont rendu hommage samedi à Paris à Amara Dioumassy, décédé sur le chantier d'un bassin destiné à rendre la Seine baignable lors des Jeux olympiques, qui...

Famille et soutiens rendent hommage à Amara Dioumassy, décédé sur le chantier d'un bassin destiné à rendre la Seine baignable lors des Jeux olympiques, à Paris, le 27 avril 2024 © JULIEN DE ROSA
Famille et soutiens rendent hommage à Amara Dioumassy, décédé sur le chantier d'un bassin destiné à rendre la Seine baignable lors des Jeux olympiques, à Paris, le 27 avril 2024 © JULIEN DE ROSA

Sortir de l'oubli cette "mort modeste": soutiens et famille ont rendu hommage samedi à Paris à Amara Dioumassy, décédé sur le chantier d'un bassin destiné à rendre la Seine baignable lors des Jeux olympiques, qui sera inauguré en grande pompe la semaine prochaine.

Employé de l'entreprise Darras et Jouanin, le chef d'équipe d'origine malienne Amara Dioumassy, 51 ans et père de 12 enfants, est mort le 16 juin 2023 sur le bassin d'Austerlitz, percuté par un camion de chantier qui faisait marche arrière sans bip de recul. 

Une centaine de militants syndicaux et membres de sa famille, certains en pleurs, se sont réunis samedi sous une pluie battante sur le lieu du drame pour réclamer "reconnaissance et justice pour Amara".

"Aucun geste n'a été fait pour la famille" et "ses enfants sont affamés", a lancé son frère, Bally, 38 ans, coiffé d'un drapeau de la CGT en bandana.  

"On voulait cacher cette mort", accuse Lyes Chouaï, délégué syndical CGT de la SADE, filiale de Veolia qui intervenait sur le chantier, et co-organisateur de l'hommage, interrogé par l'AFP. 

Un militant de la CGT interpellait des passants pour leur rappeler qu'un ouvrier était mort à cet endroit il y a près d'un an, sans éveiller leur intérêt.   

"Il est mort au pied de l'institut médico-légal (lieu du chantier, NDLR), ils sont venus constater son décès, il a été transporté directement à l'institut, d'où il a été renvoyé pour être inhumé au Mali", raconte Lyes Chouaï qui travaillait avec Amara. 

Les soutiens de cet ouvrier expérimenté dans le BTP dénoncent de graves manquements à la sécurité sur ce chantier dirigé par la SADE, avec la Ville de Paris pour donneuse d'ordre. 

Sollicités par l'AFP, la mairie de Paris et Veolia ont rappelé que l'enquête judiciaire était toujours en cours pour "déterminer les responsabilités", assurant y avoir "pleinement coopéré".

- "Indécent" -    

Pour M. Chouaï, l'hommage de samedi avait pour but d'interpeller "le maximum de personnes par rapport à cette mort modeste à côté de ces Jeux qui vont être vus par le monde entier".

La cérémonie intervient à la veille de la Journée mondiale de la sécurité au travail, dont la France est une mauvaise élève, avec deux personnes qui meurent chaque jour sur le lieu du travail, la pire incidence de l'Union européenne.

Les manifestants ont également exprimé "douleur" et "colère" avant l'inauguration du bassin d'Austerlitz, prévue jeudi, au cours de laquelle la mairie a dit vouloir "rendre hommage" à Amara Dioumassy.  

"On a été harcelé par la mairie de Paris pour savoir s'il pouvait y avoir la famille à l'inauguration. C'est un petit peu indécent", estime M. Chouaï.

"Honte à la mairie de Paris!", a réagi Bally Dioumassy.

Contrairement à la grande majorité des chantiers des JO en Ile-de-France gérés par la Solideo, l’établissement public chargé des infrastructures pour les compétitions, le bassin d'Austerlitz l'est par la Ville de Paris.    

Ce chantier "nous paraissait vraiment inacceptable au niveau des normes de sécurité" et il fallait "aller vite pour tenir les délais", selon le syndicaliste.

La camionnette qui a percuté Amara "n'avait pas de bip sonore de recul pour alerter de son passage, il n'y avait pas de traçage au sol du sens de circulation des véhicules", énumère M. Chouaï. 

"Amara avait rangé du matériel dans un container, en bordure d'une seule voie de circulation qui n'était pas délimitée entre les engins et les piétons", ajoute-t-il. 

Après la mort d'Amara et le passage de l'inspection du travail qui avait arrêté le chantier pendant 10 jours, "tout a été remis en place au fur et à mesure, mais cela aurait dû être fait dès le début", déplore-t-il. 

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