Mieux avec les grands groupes...

On a longtemps attendu le rapport dressant le bilan des pôles de compétitivité (trop) brièvement mis en ligne par le ministère du Redressement productif à la fin de l'été dernier. Fort heureusement, l'Institut de l'entreprise s'y est penché.

Transformer l’essai. Trois propositions pour faire émerger des sillicon valley françaises” : le rapport, d’une cinquantaine de pages, est l’œuvre de Vanessa Cordoba et de Romain Lucazeau et n’y va pas par quatre chemins pour mettre à plat le dispositif des pôles de compétitivité. Réduire, concentrer, faire entrer les grands seraient les principaux axes à mettre en place selon les auteurs du rapport. L’introduction se penche ainsi sur la déception des entreprises : “La mise en place de la politique des pôles de compétitivité, à partir de 2004, a constitué une étape positive dans la transformation des politiques économiques françaises, traditionnellement axées sur de grands programmes industriels pilotés au niveau national. Cependant, il s’agit d’un tournant largement inachevé.” Les auteurs de ce rapport estiment que l’Etat ne peut plus agir au niveau national et qu’il faut retourner “au plus près du terrain“.  L’Etat serait-il par nature maladroit, bureaucratique et inconséquent avec le monde de l’entreprise ? Un peu trop cliché. Pas assez de grands groupes pour tirer la compétitivité ? Il faut rappeler que les pôles ont d’abord été faits pour les PME et la présence appuyées de grands groupes dans certains pôles en a d’ailleurs fait fuir quelques- unes. Les grands groupes ne goûtent pas toujours la libre concurrence.

Peu de brevets et d’innovations. Pour autant, les auteurs visent juste quand ils proposent la réduction du nombre de pôles : 71 pôles en France contre 15 clusters en Allemagne et 6 en Finlande : “62 pôles se partagent 50% des financements” ! Autre argument à charge : “Les pôles présentent une faible adéquation avec les secteurs à fort potentiel. Selon notre évaluation, sur 85 technologies d’avenir seules 14 sont correctement couvertes par les pôles.” La solution serait de diviser le nombre des pôles par 6 ou 7 “pour leur permettre d’atteindre une taille critique et les concentrer sur les secteurs à plus fort potentiel“. Certains chiffres sont particulièrement édifiants. Ainsi, les pôles ne représentent aujourd’hui que 1,5% des brevets, 4,5 % des dépenses R&D et 5% des créations d’entreprises innovantes. “Seul un projet sur quatre accompagné par les pôles génère effectivement une innovation.” Le texte de l’Institut de l’entreprise s’appuie sur le rapport Gallois (relatif notamment à la décentralisation) pour appeler à une réduction drastique des pôles.

Seconde proposition des auteurs, la recherche de l’efficience : “renforcer la capacité des pôles à accompagner l’innovation et la mise en marche de projets“. Et d’impliquer un changement de perspective : la recherche française est connue pour être centrée sur l’amont du process économique (R&D à forte composante publique). ” Or les faiblesses françaises se situent plutôt au niveau ‘aval’ qu’au niveau ‘amont’. Ainsi, selon l’OCDE, si la dépense de R&D française est en ligne avec la moyenne des pays développés, seules 23% des entreprises françaises ont recours à l’innovation non technologique (contre 47% en Allemagne). Les pôles doivent renforcer leur capacité à proposer des services ciblant ces faiblesses : la commercialisation, le design, la mise en place de nouveaux business models – leviers sur lesquels les entreprises françaises sont souvent moins performantes que leurs concurrentes étrangères.

Impliquer les grandes entreprises. Troisième proposition, selon le rapport il faut accroître l’implication des grandes entreprises dans les pôles de compétitivité. La logique demeure pertinente : réduire le nombre des dispositifs afin de concentrer leur force de frappe et, du coup, en appeler aux grandes entreprises, seules capables de changer d’échelle. “Les grandes entreprises françaises sont aujourd’hui des acteurs incontournables pour renforcer la capacité de projection de la France à l’international.” Ce sont elles qui investissent le plus dans la R&D (62% selon l’Insee) alors qu’elles n’ont bénéficié que de 10% des fonds mobilisés par les pôles. Mais en ont-elles réellement besoin à l’heure de la relance du crédit-impôt-recherche mis en place par le gouvernement Ayrault ? Ne serait-ce pas plutôt les PME qui hésitent à investir et qu’il faut convaincre ? La comparaison du système français avec les pratiques en Allemagne, en Finlande ou en Angleterre reste au stade des poncifs malgré la présence de schémas intéressants : la France est dirigiste et les autres pays sont souples et pragmatiques. On attend mieux d’une fondation soucieuse de soutenir les entreprises de France que d’appeler, comme en janvier dernier, à un “choc” de compétitivité.