Michel Sagniez : «Notre profession se diversifie et se concentre»
Comme les professions du chiffre, les commissaires aux comptes, les géomètres experts sont dans les «petits papiers» de l’Union européenne. Président régional Nord-Picardie et vice-président national de l’UNGE, l’Orchésien Michel Sagniez aide à faire le point sur l’évolution.
La profession de géomètre expert se pose bien des questions sur son avenir et ses mutations depuis plusieurs congrès et assemblées générales. La dernière rencontre du bureau national, en septembre 2012, a indiqué une voie (il y en aura sans doute d’autres plus tard) : renforcer la présence des élus de terrain afin de conforter l’action des structures départementales et régionales. En clair, que la base pèse plus lourd et fasse remonter les vraies préoccupations et les éventuels blocages, voire impossibilités, quand sonnera l’heure des choix irrémédiables venus du haut…
Très concrètement, c’est dans la volumineuse étude prospective de la profession, due au cabinet spécialisé Ithaque, qu’il faut plonger pour mesurer l’ampleur du chemin encore à parcourir. En mars 2012, en effet, deux enquêteurs analystes du cabinet parisien ne se sont pas contentés de généralités mais se sont rendus dans 25 entreprises pour examiner les projets d’évolution. Ce document, qui est aujourd’hui la référence, se résume en une seule formule : la profession est à la croisée des chemins. Commandée par l’Observatoire des métiers des professions libérales (OMPL) et les syndicats de salariés de l’UNGE, l’étude a été présentée en mai dernier et depuis on ne parle que de cela.
Choisir… “Cette décennie sera décisive, prévient Michel Sagniez1. Le marché est tendu, nous sommes dans une post-crise de l’immobilier. Mais beaucoup de nos entreprises ont déjà préparé des mutations pour faire face à la situation. Cependant, il faut s’organiser et structurer ces mutations pour qu’elles profitent aux entreprises, aux géomètres experts et, bien sûr, au client.” Quelles sont les menaces sur l’avenir de la profession ? On a le choix : dérégulation européenne venue de Bruxelles, évolution de la démographie et de la demande, irruption des nouvelles technologies. Que doit faire la profession qui a déjà fait ces constats : rester sur ses métiers de base ou aller vers des métiers connexes… Il va en tout cas falloir choisir clairement des opportunités de développement.
Des pistes possibles sont à accentuer d’ici une vingtaine d’années. L’étude d’Ithaque vise le moyen terme, sans prédire ce qui se passera pour cette profession à l’horizon 2030. Mais elle propose des pistes de réflexion sur cet avenir et des actions envisageables pour anticiper. Pour l’OMPL et l’UNGE, les choses sont claires : il faudra mettre en œuvre des compétences nouvelles et développer sensiblement des activités spécifiques au service du cadre de vie de la clientèle.
Diversification et partenariats. D’où une diversification à maîtriser. La profession de géomètre expert est déjà assez éclatée dans ses métiers. Le cœur de métier, on le connaît tous : le géomètre prenant des mesures face à un futur lotissement ou une route − c’est le bornage (délégation de service public) qui n’est pas près de disparaître et représente une part très importante des revenus des cabinets. Mais à côté sont déjà apparues des spécialisations techniques en topographie, en relevés aériens (les photogramètres), puis des activités périphériques comme la copropriété et la division en volumes, l’urbanisme réglementaire et opérationnel, l’ingénierie et la maîtrise d’œuvre. Puis encore d’autres activités parfois marginales : diagnostics immobiliers, gestion immobilière, entremise et évaluation immobilière.
L’UNGE a ainsi développé des partenariats avec les Maires de France. “Mairie 2000” est en effet destiné à former les maires en aménagement urbain et accessibilité, la profession étant d’ailleurs la seule pour le moment à avoir son Agenda 21, une maîtrise d’ouvrage de l’ordre, résultante de l’avantage du maillage territorial traditionnel du géomètre expert. Bref, cette diversification se voit déjà dans les chiffres d’affaires, certes de façon ténue pour l’instant. Plus on étale les compétences dans des métiers qui ne sont pas ceux de l’origine de la profession, plus on crée de phénomènes concurrentiels à l’intérieur d’une même profession et à l’extérieur (architectes, BE, cabinets d’urbanisme, agences immobilières, qui sont, elles, déjà sur ce marché, etc.). D’où des baisses de tarifs proposés au client. On le voit, la tâche ne sera pas aisée.
Il faudra concentrer ! Un peu à l’image d’artisans du bâtiment qui, face à la crise, l’arrivée du développement durable et de l’auto-entrepreneuriat, ont dû se regrouper, fondre leur PME dans une autre, la filière des géomètres experts n’aura pas le choix : il lui faudra concentrer. L’étude Ithaque montre déjà une forte diminution en cours des entreprises de 5 salariés (-25% en dix ans), une certaine stabilité des cabinets de 5 à 9 collaborateurs alors que très logiquement le nombre de PME de géomètres de 10 à 19 a augmenté vite depuis 2006. On le voit, l’anticipation s’est faite assez tôt. Les cabinets de plus de 20 salariés en sont même à +47%, la limite étant les structures d’une cinquantaine de personnes, plutôt rares pour le moment mais dont le poids dans l’ensemble de la branche commence à compter.
Ces mutations se font aussi sous la pression commune à bon nombre de professions juridiques ou du chiffre, celle de l’Union européenne qui dérégule mais aussi celle de la transposition en France de la directive européenne “Libre prestation de service” qui ouvre la profession et la met en concurrence directe avec les gros cabinets européens. Puis il y a, surtout aujourd’hui, l’incertitude des marchés. Alors, demande Ithaque, que faire ? Se replier ou tenter quelque chose ? L’étude ne prend pas parti bien sûr mais montre les enjeux et les risques, et ce, entreprise par entreprise et selon les créneaux dans lesquels elle travaille.
Trois stratégies sont décrites. Pousser à la diversification (dans une profession qui l’est déjà pas mal) vers le conseil, l’expertise, la maîtrise d’œuvre et des prestations techniques pointues. Accroître la taille des entreprises par la concentration pour mieux faire face à la diversification et la concurrence. Elargir et renforcer les compétences des salariés, condition incontournable pour favoriser le passage au stade du développement. L’UNGE joue là son plein rôle par la formation professionnelle, les plans de carrière, la recherche de nouveaux profils, la licence professionnelle, etc.
1. Michel Sagniez, dont le cabinet est basé à Orchies, est président de la Chambre régionale Nord-Picardie de l’Union nationale de géomètres experts, le syndicat de cette branche professionnelle, dont il assume aussi la vice-présidence au bureau national.
Contact : www.unge.fr, sur lequel on trouve l’ensemble de l’étude d’Ithaque.
UNGE, 31 rue du Rocher 75008 Paris
www.unge.fr − contact@unge.net − tél. : 01 45 61 18 08.
michel.sagniez@geometre-expert.fr. La chambre régionale regroupe cinq départements en Nord-Picardie. Tél. : 01 53 83 88 00 − www2.geometre-expert.fr (pour l’ordre national des géomètres).
Encadré
− Fin 2012 aura lieu un colloque franco-belge pour déterminer les synergies possibles.
− L’Ordre a un rôle administratif de contrôle de l’exercice de la profession, un rôle disciplinaire et réglementaire, un rôle de représentation professionnelle et de promotion professionnelle et d’information.
− Le Conseil supérieur de l’ordre des géomètres experts et l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil) éditent une brochure de 2001 très complète sur la profession de géomètre expert, mais n’ayant trait qu’aux activités se rapportant à la propriété foncière et au logement. A voir sur www.geometre-expert.fr
L’UNGE et ses missions
− Assistance au géomètre expert dans sa mission de chef d’entreprise avec services compris dans la cotisation.
− Négociation pour l’adhérent des avantages et des outils mutualisés : assurance responsabilité civile du dirigeant, solutions financières, etc.
− Diffusion des informations qui facilitent la vie professionnelle, relatives aux négociations paritaires, accords de branches, etc.
− Des services également qui accompagnent le développement de l’entreprise via des formations Cycle entreprise, métiers, etc.
− Avec les professions connexes, entre adhérents dans les chambres régionales et départementales, en assemblée avec des comités régionaux, via les salons et congrès nationaux, grâce au site internet public et son extranet dédié aux géomètres experts, l’UNGE cultive la proximité.