Mes plus belles créations : le leader français de la broderie défend le made in France
La broderie n’est pas anachronique. Elle rassemble des passionnées qui n’hésitent pas à acquérir des oeuvres qui exigeront des heures de travail… ou d’évasion car ce loisir créatif reste vivace. A Wambrechies, la société Mes plus belles créations est devenue leader français. Les gérants, remarqués par CNN et par l’Elysée, croient en certaines valeurs et les appliquent. Parmi celles-ci, la défense du made in France.
Subtile alliance de modernité et de tradition. Une rangée de cartons, sagement alignés dans un vaste entrepôt, contiennent des kits de broderie pour tous les goûts. Ils attendent d’être sélectionnés par des clientes françaises, allemandes, anglaises, belges… Tout est soigneusement étiqueté et les salariés de Mes plus belles créations préparent les commandes expédiées le jour même, voire les heures suivant la demande. Celle-ci est prise directement depuis la plate-forme téléphonique installée sur place. Des conseillères répondent en ligne aux clientes, les renseignent, prennent note de leurs souhaits. “Il arrive que les conversations durent un certain temps car nos clientes passionnées parlent de leurs dernières réalisations. Elles nous font part également des tendances de ce monde très particulier qu’est la broderie. Nous nous inspirons de leurs remarques pour orienter nos propres achats auprès d’une trentaine de fournisseurs. Notre entreprise existe depuis près de 15 ans. Elle faisait partie de la société Vrau, usine textile créée en 1816 et revendue en 2007. Nous avons racheté la partie distribution dont faisait partie Mes plus belles créations. La partie de production du fil a été revendue à l’entreprise Toulemonde, située à Marcqen- Baroeul”, commente Fahrad Nassiri. Depuis 2007, les talents conjugués de ce dernier et de Tana LÊ, plus particulièrement chargée de la partie artistique, ont propulsé la petite société au rang de leader dans le monde de la broderie.
Un loisir toujours prisé. Si Mes plus belles créations est présente en ligne, seulement 6% des ventes se font par Internet. Le catalogue qui connaît six éditions par an reste l’outil de vente essentiel. Il est réalisé entièrement par Tana LÊ. Cette dernière connaît bien le monde du textile et de la mode pour avoir travaillé pendant quelques années au service de grands couturiers. “Ce loisir créatif exige du temps. La cliente aime rêver, elle se projette à travers un ouvrage qui l’accompagnera pendant de longues heures. C’est un investissement car le panier moyen est de 70 euros, et parfois il est nettement supérieur. Nous expédions environ 25 000 colis par an et 75% des commandes sont passées par écrit, selon le mode traditionnel. Nous comptons des clientes fidèles. Nous sommes spécialisés en broderie, c’est-à-dire en ouvrages à points comptés, ce qui est différent des canevas. Sur ces derniers, les clientes remplissent une grille imprimée. Il s’agit d’un loisir proche mais différent.”
Un marché en plein essor. Pourquoi un tel engouement pour les jeux d’aiguille ? Le syndicat professionnel Créaplus affirme que 33% des Français pratiquent une activité manuelle créative. Ce marché représente 1,250 milliard d’euros en France. Si parmi ces activités le scrapbooking et le home déco ont progressé de 9,5%, les loisirs de l’art du fil et de l’aiguille gardent une bonne place. “La broderie incite à la méditation. L’ouvrage terminé reste un témoignage et se transmet, il reste intemporel. Si nos clientes ont en général plus de 45 ans, la tendance va vers un rajeunissement grâce aux salons divers liés aux loisirs créatifs”, souligne Fahrad Nassiri. Tana LÊ illustre les propos de son associé en présentant de magnifiques réalisations confiées par une de ses clientes. De vraies oeuvres d’art.
Faire travailler les entreprises locales d’abord. D’une seule voix, tous deux mettent en avant leur ferme volonté de travailler avec les entreprises locales. Les catalogues sont imprimés à Linselles, les enveloppes sont fabriquées à Sequedin, les fils et les tissus proviennent de France. Ils soulignent tous deux qu’ils gagneraient plus d’argent s’ils cédaient aux charmes de la Chine. Mais “nous avons choisi de tout rassembler autour de ce périmètre et ceci nous permet d’employer sept personnes. Acheter en Chine diminue des coûts de production mais, en contrepartie, ça nous enlève des emplois. S’il n’y a plus d’emplois, le chômage s’aggrave et le poids des charges et des impôts augmente, au détriment du développement de l’économie. Il vaut peut-être mieux payer quelques euros de plus pour un bien qui fera travailler les entreprises nationales plutôt que d’acheter pas très cher un bien fabriqué en Chine mais qui aura eu pour conséquence de fermer des ateliers français.” Tana LÊ et Fahrad Nassiri, ex-cadre de la VAD, ne dissertent pas au hasard. Chacun a vécu cette expérience. Tous deux déclarent que la société se développe harmonieusement. Elle n’a pas de dettes, s’autofinance. “C’est notre boîte, nous y appliquons nos propres valeurs et nous en sommes fiers. Nous sommes des gens heureux.” A tel point que la petite société a été remarquée par CNN qui l’a mise en valeur lors d’un reportage. Les deux gérants ont également été invités à l’Elysée, il y a quelque temps, par l’intermédiaire d’Oséo et de la Banque de France. Tana LÊ a été subjuguée par les tapisseries… Passion professionnelle oblige. Le rêve de cette dernière : “Nous ouvrons de temps à autre notre entrepôt aux particuliers pour des ventes directes. Je voudrais ouvrir un magasin d’usine, une vraie mercerie…” Un projet à points comptés mais qui, à coup sûr, se réalisera.