Méditer pour mieux manager
Le 9 février prochain, la Cité du management de Marcq-en-Barœul propose un déjeuner événement : «Méditer et agir, vers une autre approche de la performance». Rencontre avec l’un des organisateurs lillois, Stéphane Nau, de Comment ça va ?, qui accompagne déjà des décideurs et entreprises de la région dans cette démarche. Une démarche qui, selon lui, transforme l’entreprise.
La Gazette. La méditation est une pratique ancestrale. Pourquoi, depuis quelques années, fait-elle écho aux aspirations des chefs d’entreprise et décideurs ?
Stéphane Nau. La pleine conscience est avant tout un entraînement de l’esprit dans lequel nous portons notre attention sur le moment présent, volontairement, sans jugement. Et elle intéresse de plus en plus les dirigeants qui cherchent à redonner du sens à leurs actions. C’est vrai notamment auprès des start-upers, auprès de qui j’interviens régulièrement. Ils cherchent à développer un regard neuf sur au moins trois points : comment je porte la vision et la stratégie de mon entreprise ? Quelle contribution j’apporte à mon équipe ? Quelle contribution apporte mon entreprise à son environnement ?
Est-ce une manière de donner du sens à son action ?
Oui, c’est un courant très fort, c’est une manière de porter l’entreprise de façon authentique. La pression des clients, des fournisseurs, des processus, des actionnaires nous amène souvent à nous assécher et à devenir des «machines à produire et à régler les problèmes». Mais aujourd’hui, beaucoup de dirigeants s’interrogent sur la façon de porter de manière plus juste la vision et la stratégie, quelle contribution positive apporter au monde et comment l’apporter collectivement. La première contribution, c’est la sagesse, la bienveillance. C’est apporter des solutions créatives à des situations avant tout humaines, avant d’apporter des solutions techniques. Et la pleine conscience soutient fortement les dirigeants et managers dans cette démarche.
Quels profils d’entreprises s’engagent dans cette démarche ?
Tous types d’entreprises, tous secteurs (grande distribution, industrie), tous types de décideurs et managers, du start-uper au «patriarcal».
Comment une entreprise introduit-elle la méditation dans son fonctionnement ?
Dans un premier cas, un dirigeant ou un cadre de direction initie la démarche. Avec lui, on va regarder la problématique de l’entreprise pour être au plus près de ses besoins humains. Ensuite, après une réunion d’information interne, nous constituons un groupe de huit à douze personnes. Elles vont expérimenter un premier programme dans lequel nous explorons des sujets très concrets au service de la vision du décideur : la prise de décision, la gestion des émotions, l’intuition, la créativité, la relation (six à huit séances collectives de deux heures sur le lieu de travail). Puis la démarche sera déployée avec d’autres groupes, dans un esprit de codesign. Il y a aussi la possibilité pour le dirigeant de participer lui-même à un cycle de méditation avec d’autres décideurs, entre pairs.
Quel est alors l’impact de la pratique de la méditation sur l’entreprise ?
Il y a beaucoup de choses qui changent : l’attitude par rapport à la pression extérieure. Les personnes prennent davantage de recul, pour se concentrer sur la qualité des actions à mener pour atteindre l’objectif. La deuxième chose concerne les émotions. Face à des situations parfois stressantes, comme un conflit par exemple, la pratique de la méditation amène à ne pas réagir tout de suite, mais à prendre un temps pour regarder ce qui se passe et apporter une réponse appropriée. Le troisième effet est une aide à prendre des décisions plus vite et de manière plus juste. On constate aussi un renforcement des capacités créatives : la méditation apaise nos émotions, nos pensées, nos jugements qui, souvent, nous entravent. La méditation va libérer de l’espace en nous, pour retrouver la créativité et de l’intuition.
Qu’en-est-il de cette pratique en-dehors de notre région ?
Au Royaume-Uni, des commissions parlementaires appelées “The Mindfulness Initiative” travaillent depuis cinq ans sur l’intérêt de la méditation en pleine conscience. Elles ont publié de nombreux rapports. Des propositions très concrètes ont été faites pour le monde de la santé, la justice pénale, l’éducation et l’entreprise. La sécurité sociale britannique finance des programmes de pleine conscience pour certains types de publics.
Comment vous-même avez-vous découvert cette discipline ?
C’était il y a quinze ans alors que je dirigeais trois entreprises qui connaissaient des difficultés. Cela a transformé ma manière de manager. J’ai pu expérimenter cette pratique dans mes entreprises. Depuis, je me suis formé à l’université du Massachusetts à Boston (centre créé par Jon Kabat Zinn). Aujourd’hui, j’accompagne les entreprises dans cette démarche, tout en méditant personnellement quotidiennement.