"Mayday, Mayday!": dans un A320 virtuel, les enjeux sont réels
L'Airbus A320 descend en douceur vers l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, dont les lumières de la piste scintillent au loin. Soudain des petits points surgissent et disparaissent sur le côté. Choc, alarme sonore: des oiseaux migrateurs ont heurté...
L'Airbus A320 descend en douceur vers l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, dont les lumières de la piste scintillent au loin. Soudain des petits points surgissent et disparaissent sur le côté. Choc, alarme sonore: des oiseaux migrateurs ont heurté le moteur gauche, qui est en feu.
Aussitôt les deux pilotes se concertent pour identifier l'incident, avant d'enchaîner des gestes précis: arrêt du moteur, déclenchement des extincteurs, correction de la trajectoire. L'aéronef n'est déjà plus qu'à quelques centaines de mètres d'altitude.
"Mayday, Mayday!": d'une voix calme, le pilote annonce à la tour de contrôle que son appareil est en détresse. Fonctionnant sur un seul réacteur, le monocouloir se pose, trois minutes après le début de la séquence, ses 200 occupants sains et saufs.
"Bien, les gars, maintenant ça vous dit de la fumée dans le cockpit ?", demande Federico Ercules, pilote instructeur qui n'a pas perdu une miette des réactions de ses collègues.
C'est lui qui, depuis son siège en retrait du poste de pilotage, a déclenché cette séquence mouvementée.
Car nous ne sommes ni dans un avion, ni même en France, mais à 1.000 km de là, au cœur d'un bâtiment anonyme proche de l'aéroport de Milan-Malpensa (Italie) où EasyJet a installé avec son partenaire CAE l'un de ses deux centres de formation des équipages, l'autre étant à Gatwick près de Londres.
Sept simulateurs de vol y répliquent le cockpit de l'A320, le modèle à succès d'Airbus dont la compagnie britannique exploite plus de 330 exemplaires.
Interrupteurs, boutons, voyants, leviers, écrans: tous les équipements fonctionnent comme ceux d'un véritable appareil.
"On oublie qu'on est dans un simulateur, ils sont tellement réalistes", raconte à l'AFP Kate West, une autre pilote et instructrice.
Les images de réalité virtuelle projetées devant les pare-brise renforcent encore l'illusion, comme les mouvements: le simulateur, de la taille d'un petit camion, est monté sur des vérins qui reproduisent des phases de montée ou de descente, des virages et des turbulences.
20 heures par jour
Autant d'options à disposition de M. Ercules sur son écran tactile. Outre les centaines de pannes susceptibles d'affecter les systèmes de l'appareil, il peut confronter les pilotes à une météo exécrable, une urgence médicale ou encore un incendie dans les toilettes.
Casque-micro sur la tête, il assume tour à tour les rôles de contrôleur aérien ou de chef de cabine.
A chaque situation doit répondre une série d'actions correctives, et c'est sur leur capacité à les mettre en œuvre que les pilotes - élèves en apprentissage ou professionnels confirmés - sont évalués. EasyJet prévoit de former et recruter 1.000 nouveaux pilotes d'ici à 2027.
Après l'incident, "on fait un débriefing, si ça ne s'est pas bien passé, on recommence la manœuvre jusqu'à ce que les deux élèves démontrent qu'ils ont la compétence", développe M. Ercules.
Mais il ne s'agit pas seulement de créer des réflexes, confie l'instructeur: "de plus en plus, nous essayons de remplacer ce que les pilotes doivent mémoriser par des processus et des priorités" dans la prise de décision. L'avion les y aide, via son système électronique d'autodiagnostic centralisé.
Conformément à la réglementation européenne qui impose aux pilotes de ligne des évaluations des compétences tous les six mois pour un total de quatre jours annuels, quelque 2.000 pilotes d'easyJet passent chaque année dans le centre de Malpensa, 5.200 m2 de superficie inaugurés en 2019.
Pendant l'hiver, quand la demande de voyages est moins forte en Europe, les simulateurs fonctionnent 20 heures par jour. Chaque session dure quatre heures, reproduisant un vol entier pour deux pilotes, mais pimenté de multiples péripéties. "On leur donne des problèmes à régler", résume M. Ercules.
"Nous ne pouvons pas former à tout ce qui pourrait se passer dans le poste de pilotage, mais nous pouvons améliorer les compétences de l'équipage", ajoute Mme West, pour qui "un bon pilote est quelqu'un qui sait résoudre les problèmes, fait preuve de leadership, sait communiquer, sait dans quel environnement il évolue", et est capable de réagir face à "des scénarios imprévus".
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