Mariage forcé avec le Nord-Pas-de-Calais

Les députés ont voté en première lecture le projet de loi de réforme territoriale, validant ainsi la nouvelle carte des régions mariant de force la Picardie au Nord-Pas-de-Calais. Le texte reviendra en deuxième lecture en octobre. De quoi permettre de prendre un peu de recul.

La nouvelle carte des régions fait fusionner la Picardie et le Nord-Pas-de- Calais.
La nouvelle carte des régions fait fusionner la Picardie et le Nord-Pas-de- Calais.
La nouvelle carte des régions fait fusionner la Picardie et le Nord-Pas-de- Calais.

La nouvelle carte des régions fait fusionner la Picardie et le Nord-Pas-de- Calais.

L ’Assemblée nationale vient de voter la nouvelle carte des régions, officialisant le mariage entre la Picardie et le Nord- Pas-de-Calais. Et le moins que l’on puisse dire c’est que la nouvelle ne laisse pas indifférent le monde politique, à commencer par le président PS de la région Picardie, Claude Gewerc : « Je pense que ce vote est plus conforme si – et je dis bien si – la Picardie doit s’associer à une autre région. Je rappelle que Boulogne-sur-Mer était en Picardie autrefois. L’important est d’avoir du temps, car des grandes régions pour quoi faire ? Le vote de l’Assemblée nationale est une étape. » Pour Martine Aubry, « on ne peut pas, sans discussion et brutalement, vouloir fusionner deux régions en grande difficulté. C’est une aberration économique et sociale que nous condamnons. La création de grandes régions est faite pour donner à ces nouvelles collectivités les atouts permettant leur développement. Or, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, du fait de leur situation économique et sociale particulièrement difficile, n’ont pas cette capacité ». Aux propos tenus par le maire de Lille, Claude Gewerc répond : « Je l’ai eu au téléphone. Elle a été maladroite. Les deux régions ont des atomes crochus, une histoire commune. » Il refuse un démantèlement de la Picardie : la Somme vers le Nord- Pas-de-Calais, l’Oise en Ile-de- France et l’Aisne en Champagne- Ardenne, même si des voix s’élèvent vers ce dessein. Ainsi, l’Union des communautés de communes du sud de l’Aisne prône une fusion avec la Champagne-Ardenne. Une pétition sur le site change.org a recueilli des centaines de signatures. Jacques Krabal, le député-maire (parti radical de gauche) de Château-Thierry, rappelle notamment que cela permettrait à l’appellation Champagne de se trouver dans une même région. Yves Rome, président PS du conseil général de l’Oise, estime qu’il a été entendu.

Réserves à droite
De son côté, le groupe d’opposition Envie de Picardie reconnaît « l’évidence géographique d’une telle proposition, mais émet un certain nombre de réserves quant aux améliorations supposées de la vie quotidienne de nos concitoyens et sur les retombées économiques et sociales qu’une telle union apporterait ». « Il est vrai qu’il ne faut pas nous précipiter. Le risque est grand de voir la Picardie éclatée. Je pense que nous devons tous, élus, décideurs, garder la tête froide et prendre le temps de réaliser une étude d’impact sérieuse, explique Christophe Coulon. À titre d’exemple je ne citerai qu’Amiens : quid de notre capitale régionale ? Amiens est une cité administrative, une ville étudiante. Si elle perd son statut de capitale régionale, ne risque-t-elle pas de perdre de son attractivité ? », poursuit Christophe Coulon avant de conclure : « Nous restons convaincus que, dans un premier temps, la création de l’Assemblée de Picardie, fusionnant les trois conseils généraux et le conseil régional, est la solution idéale pour l’avenir de notre territoire. »

Le FN a tout à y gagner
Farouchement opposé au mariage avec la Champagne-Ardenne et à l’éclatement de la région, le FN ne verrait pas d’un si mauvais œil un rapprochement avec le Nord-Pas-de-Calais. Il réunirait en effet les deux régions dans lesquelles le Front national a réalisé ses meilleurs scores aux élections européennes:  35 % dans le Nord-Pas-de-Calais et 38 % en Picardie. Ce serait l’une des raisons discrètes avancée par Martine Aubry pour refuser ce mariage offrant la toute-puissance dans le Nord au parti d’extrême droite. « Les espoirs que la Picardie reste seule se réduisent, constate Michel Guiniot, leader du FN au conseil régional. Il va y avoir des élections sénatoriales en septembre. Si le Sénat bascule à droite, est-ce que la nouvelle majorité reviendra sur cette disposition ? En tout cas, je me pose la question. Politiquement, un rapprochement avec le Nord-Pas-de-Calais c’est pas mal pour nous… Mais nous ne sommes pas attendus avec un amour immodéré. » En 2016, les départements pourront se rapprocher d’autres : « L’Oise va tirer vers la région parisienne. Le gros mange toujours le petit. Comment cela va t-il se passer pour les grands projets, les infrastructures, les autoroutes, le contrat de plan État/ Région, le canal Seine-Nord… Les noms des régions vont changer. La Picardie va finir au monument aux morts. » Puis il critique : « Il paraît que tout ça, c’est pour faire des économies, mais les services administratifs ne seraient pas obligés de changer d’endroit…» Le député UMP et président d’Amiens Métropole, Alain Gest, essaie de se mettre à la place de chacun : « J’ai toujours trouvé cette hypothèse plus naturelle, même si, à l’évidence, elle ne donne pas la même satisfaction suivant que l’on se trouve à Amiens, Saint-Quentin, Beauvais ou bien encore à Senlis ou Château-Thierry. La Picardie historique s’étendait de Boulogne à Saint-Quentin et l’Agence de l’eau du Nord de la France porte le nom d’Artois Picardie. C’est dire que cette idée a quand même du sens. Des élus importants de la région Nord-Pas-de-Calais font connaître leur opposition déterminée, allant même jusqu’à juger cette perspective comme une ineptie économique. Dès lors, comment envisager de construire une région nouvelle avec des acteurs importants vent debout face à cette perspective ? » Suite à l’automne…