Manuel Valls rassure les Picards
À la veille de l'annonce officielle désignant Lille comme capitale de la grande région, le Premier Ministre, en visite dans la Somme, a tenu à rassurer les Picards : « Amiens ne sera pas en deuxième division. » Le rectorat sera maintenu et des directions régionales y seront installées.
“Le compte n’y est pas”, Christophe Coulon, président du groupe Envie de Picardie au conseil régional.
Déjà reportée, la visite de Manuel Valls était très attendue en Picardie. Celle-ci a finalement eu lieu le 30 juillet. Le lendemain, Lille était désignée capitale de la future grande région. Un choix qui, même s’il n’est pas encore définitif, (il devra être confirmé après le renouvellement des assemblées régionales prévues fin 2015), inquiète de nombreux élus locaux. « Le gouvernement a fait le choix de renforcer une agglomération qui n’en avait pas besoin au détriment d’Amiens. C’est une logique de concentration des pouvoirs », ont indiqué Brigitte Fouré, maire d’Amiens et Alain Gest, président d’Amiens Métropole, dans un communiqué. Les deux élus semblent peu convaincus par le discours rassurant qu’a prononcé le Premier Ministre au conseil régional, après avoir visité Garopôle et rencontré des agriculteurs à Abbeville (lire par ailleurs).
« Le compte n’y est pas »
« Amiens ne sera pas en deuxième division. » Devant une centaine d’élus de tous bords, Manuel Valls a tenu à rassurer : « Le rectorat d’Amiens sera maintenu. Les sièges de la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) ainsi que de la Direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRDJSCS) seront installés ici. » Un lot de consolation trop maigre pour le maire d’Amiens. Brigitte Fourré a fait savoir qu’elle avait adressé un courrier au Premier Ministre pour demander « d’autres directions » et l’établissement « du rectorat coordinateur » à Amiens.
Des requêtes proches de celles de Christophe Coulon. Même s’il se dit « agréablement surpris par le fait que Manuel Valls ait fait des annonces », le président du groupe Envie de Picardie au conseil régional estime que « le compte n’y est pas ». Celui-ci s’interroge sur le rôle du rectorat d’Amiens : « Y aura-t-il un rectorat chef de file qui sera à Lille et un suiveur qui sera à Amiens ? Par qui seront gérées les universités ? » Sur le maintien de la DRAAF, l’élu estime que « c’était le minimum syndical » dans une région aussi agricole mais il juge « incohérent » le non maintien la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) : « L’une ne va pas sans l’autre ! »
« Beaucoup d’imprécisions »
Dans son discours, Manuel Valls a aussi évoqué le sort des fonctionnaires picards. « Il n’y aura pas de diminution du nombre de fonctionnaires de l’État dans votre ville », a-t-il promis. « On nous annonce le maintien de leur nombre mais sans garantie dans la durée ! », fustigent Brigitte Fourré et Alain Gest. « Les annonces vont dans le bon sens mais comportent encore beaucoup d’imprécisions », note pour sa part Christophe Coulon.
Le Premier Ministre a par ailleurs annoncé l’implantation à Amiens, dans le cadre du projet “préfecture nouvelle génération” développé par Bernard Cazeneuve, d’une plateforme nationale de validation des titres (passeports, cartes grises etc.). Celle-ci emploiera une centaine de fonctionnaires. Objectif : maintenir un service de proximité. 1,4 milliard d’euros pour la région À l’issue de sa visite, le Premier Ministre a abattu sa dernière carte avec le Contrat de plan État-région (CPER) qu’il a co-signé avec Claude Gewerc , président du conseil régional et Nicole Klein, préfète de Picardie. Le CPER représente un investissement de près d’1,4 milliard d’euros dans la régi on pour développer l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation, préserver et valoriser le patrimoine naturel et culturel, et améliorer les infrastructures de transport à l’intérieur et aux frontières de la région. Parmi les projets qui seront soutenus, les opérations immobilières universitaires avec, entre autres, le campus santé et la Citadelle de l’UPJV. « Les locaux de l’université technologie de Compiègne et de la Résidence Saint-Leu du Crous à Amiens seront également réhabilités », a précisé Manuel Valls. Côté transports sont prévus le nTmud ferroviaire de Creil dans la perspective de Roissy-Picardie, l’aménagement de l’Oise aval pour compléter l’opération Canal Seine-Nord Europe et l’électrification de la ligne Amiens/ Rang-du-Fliers.
La question des transports évoquée en Picardie Maritime.
Arrivé en fin de matinée à Abbeville, le Premier Ministre a visité Abbeville Plage avant de se promener dans le centre-ville, de déjeuner et de se rendre à Garopôle, un endroit qu’il a qualifié « d’extraordinaire ». Denis Harlé, directeur des services au conseil régional de Picardie, a rappelé les grands projets ferroviaires à venir. Notre région se place entre la mer du Nord, la Méditerranée et l’Atlantique. Les flux nord-sud sont en augmentation entre le nord et l’Île-de-France. A1, A26, A28, A16, A1… et bientôt le canal Seine-Nord Europe, la Picardie est bien desservie. Reste que celle-ci demeure une région de passage. Le Schéma régional d’aménage- ment et de développement durable du territoire repose sur trois directives : des vallées structurantes, des nouvelles campagnes et des quartiers de gare souvent délaissés, en déshérence, qui vont devenir de vrais poumons économiques, comme à Abbeville ou à Creil.
Concernant les flux ferroviaires, ceux sortant sont en explosion comme 16,716 millions de passagers vers l’Île-de-France. Cela a un impact sur les transports en Picardie qui compte 1 486 kilomètres de voies ferroviaires et 180 gares. Sept Picards sur dix habitent à moins de 5 kilomètres d’une gare. Le Contrat de plan État-région (CPER) 2015-2020 prévoit 523 millions d’euros d’investissements dédiés aux transports.
Ainsi pour renforcer la liaison Picardie et Île-deFrance, un barreau de 6,7 kilomètres de voies nouvelles va être construit pour relier Creil à Roissy, et les lignes existantes vont être modernisées pour un montant de 333 millions d’euros. Les travaux devraient être lancés en 2019. 45 millions d’euros vont être consacrés à la gare de Creil qui voit passer 150 trains par jour afin de faciliter leur circulation. La ligne ferroviaire Amiens-Abbeville-Rang-du-Fliers va être électrifiée en deux phases pour 200 millions d’euros. Des travaux vont être réalisés sur la ligne Beauvais-Le Tréport. Ils seraient réalisés en 2018.
Rencontre avec les agriculteurs
« La question de la mobilité des transports entre l’Europe du nord et la région francilienne est primordiale. Pour la grande région, c’est un défi supplémentaire. L’action de l’État et de la région concerne l’équilibre de notre territoire, entre territoires urbains et ruraux et entre les villes elles-mêmes. Il y a d’autres villes que Lille et Amiens dans la grande région ! La Picardie n’est pas déclassée, pas en deuxième division. Abbeville et Amiens trouveront leur place », a assuré Manuel Valls.
Le Premier Ministre a pris ensuite la direction de la sous-préfecture d’Abbeville pour rencontrer une délégation d’agriculteurs de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de la Somme qui connaissent une crise de l’élevage sans précédent : « Il y a une grande qualité de dialogue et d’écoute, a salué à sa sortie Manuel Valls. Ils ne se mobilisent pas pour le plaisir. L’action du gouvernement est centrée pour obtenir une augmentation des prix de la grande distribution, des abattoirs… La filière laitière est liée au marché mondial. Elle doit être plus performante, plus organisée à l’export vers le Maghreb, l’Asie… L’État, les collectivités doivent privilégier les circuits courts. En Allemagne, les éleveurs réclament les mêmes mesures que celles prises en France. Concernant le prix du lait, je suis inquiet pour l’automne. »
Françoise Crété, présidente de la FDSEA de la Somme, s’est félicitée du temps d’écoute que leur a consacré Manuel Valls. Elle a souligné la biodiversité du département de la Somme et un secteur dans lequel il y a du travail. La laiterie Lactinov à Abbeville n’emploie-t-elle pas près de 200 personnes ? Tout en demandant rapidement un report des charges et la mise en place d’une stratégie d’envergure pour l’agriculture et l’élevage afin d’avoir une visibilité sur long terme. La cellule d’urgence sera réactivée en septembre mais la présidente se montre pessimiste : « Les situations dans les fermes vont se durcir fortement… »