Macron appelle à un nouveau sursaut de l'Europe si elle ne veut pas "mourir"
"Notre Europe est mortelle, elle peut mourir." Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir...
"Notre Europe est mortelle, elle peut mourir." Emmanuel Macron a dressé jeudi un portrait alarmiste à un mois et demi d'élections européennes compliquées pour son camp, exhortant à un sursaut des Vingt-Sept pour bâtir une "Europe puissance" et une défense "crédible".
"Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant" car "à l'horizon de la prochaine décennie (...) le risque est immense d'être fragilisé voire relégué", a asséné le chef de l'Etat dans un nouveau discours sur l'Union européenne à la Sorbonne, sept ans après une première expression dans le même amphithéâtre de l'université parisienne.
Durant près d'une heure et cinquante minutes, devant 500 invités, il a décrit une Europe "dans une situation d'encerclement" face aux grandes puissances régionales. Et jugé que les valeurs de la "démocratie libérale" européenne étaient "de plus en plus critiquées" et "contestées".
"Le risque c'est que l'Europe connaisse le décrochage et cela nous commençons déjà à le voir malgré tous nos efforts", a averti le chef de l'Etat. "Nous sommes encore trop lents, pas assez ambitieux", a-t-il également affirmé, plaidant pour une "Europe puissance" qui "se fait respecter", "assure sa sécurité" et reprend "son autonomie stratégique".
Un nouveau mantra, après celui de "souveraineté européenne" avancé en 2017 et dont il s'est félicité qu'il se soit "imposé en Europe".
Dans un contexte géopolitique alourdi par la guerre en Ukraine, il a annoncé qu'il inviterait les Européens à se doter d'un "concept stratégique" de "défense européenne crédible", évoquant au passage la possibilité pour elle de se doter d'un bouclier antimissiles.
Emprunt européen
Il a aussi appelé l'Europe à renforcer son industrie de défense, et plaidé pour un "emprunt européen", sujet tabou notamment en Allemagne, pour investir dans l'armement en appliquant le principe de "préférence européenne".
Face aux débats sur l'immigration portés par la droite et l'extrême droite, il a affirmé que l'UE devait "retrouver la maîtrise" de ses "frontières" et "l'assumer", proposant "une structure politique" continentale pour prendre des décisions sur les sujets de migrations, de criminalité et de terrorisme.
Sur le plan économique, pour aboutir à une "Europe de prospérité", Emmanuel Macron a défendu un "choc d'investissements commun", en doublant la capacité financière de l'UE pour faire face aux défis de défense, climatique, numérique et industriel. Mais aussi l'introduction d'un "objectif de croissance", voire de "décarbonation" dans la politique monétaire de la Banque centrale européenne, aujourd'hui cantonnée à la maîtrise de l'inflation.
Car la concurrence de la Chine et des Etats-Unis est une autre menace vitale pour le Vieux Continent, a prévenu le président français, assurant qu'il fallait également réviser la politique commerciale européenne puisque ces superpuissances n'en "respectent plus" les règles.
Enfin, pour une "Europe humaniste", le chef de l'Etat a voulu "défendre une Europe de la majorité numérique à 15 ans", avec avant cet âge, un contrôle parental sur l'accès aux réseaux sociaux, dans la seule proposition concrète susceptible d'affecter le quotidien des électeurs.
Réagissant peu après, le chancelier allemand Olaf Scholz, pas toujours sur la même longueur d'ondes européenne que son homologue, a salué les "bonnes impulsions" du discours pour que "l'Europe reste forte" et promis de continuer à la "faire avancer ensemble".
Pas de loyer
Au final, c'est un paradoxe qu'a mis en avant Emmanuel Macron.
"Rarement l'Europe n'aura autant avancé" depuis sept ans malgré "une conjonction de crises", notamment la pandémie et l'invasion russe de l'Ukraine, a-t-il estimé. D'ailleurs, "plus personne n'ose tellement proposer des sorties, ni de l'Europe, ni de l'euro", s'est-il réjoui, dans un tacle à ses adversaires et notamment à l'extrême droite, qui domine les sondages en France pour les élections européennes de juin.
Selon lui, les "nationalismes" ne "proposent plus de sortir de l'immeuble, de l'abattre" mais ils "proposent de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer". Ce qui, a-t-il insisté, finirait par tuer le projet européen.
Présenté comme "institutionnel" par l’Élysée, son discours-fleuve avait officiellement comme ambition d'"influer sur l'agenda" de la prochaine Commission européenne. Mais il a été largement été perçu en France comme une entrée en campagne du chef de l’État pour donner à son camp l'élan qui lui manque.
Le communiste Léon Fontaines, comme Les Républicains, ont demandé que le discours du président soit "décompté dans le temps de parole de Valérie Hayer", la tête de liste macroniste.
Beaucoup de soutiens du chef de l’État comptent sur la Sorbonne pour mobiliser les électeurs. Même si la prise de parole présidentielle peut aussi galvaniser ses opposants, en raison de sa forte impopularité.
Jordan Berdella, dont la liste Rassemblement national mène le bal dans les sondages, tiendra d'ailleurs dans l'après-midi une conférence de presse pour présenter son programme et tenter d'imposer un duel au sommet.
Selon un sondage Label publié juste avant le discours, les Français estiment à 57% que le président n'a pas eu "d'influence réelle" sur l'UE depuis 2017.
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