lune France «exemplaire» avant la COP21
Les ONG environnementalistes ne se satisfont pas des promesses élyséennes. Pour réussir le sommet sur le climat, en décembre prochain, elles plaident pour «cinq mesures urgentes» à prendre d’ici la fin novembre.
Sur les marches, le tapis rouge a été remplacé par un tapis vert. À l’Elysée, ce 10 septembre, 400 invités, élus, responsables politiques, chefs d’entreprise, environnementalistes, artistes ou scientifiques, sont venus écouter François Hollande et Manuel Valls présenter les enjeux de la «COP21», la conférence sur le climat que la France accueillera début décembre, au Bourget (Seine-Saint- Denis). Après les débats et les discours tenus dans la salle des fêtes, les invités sortent dans les jardins ensoleillés pour une grande «photo de famille». Sur le gazon bien taillé, les représentants du «Réseau action climat» (RAC) poursuivent la discussion. Cette coalition de 18 organisations s’intéressant au dossier climatique, dont WWF, Greenpeace ou Oxfam, avait publié, une semaine plus tôt, un manifeste comprenant «cinq mesures que la France devrait adopter» avant l’ouverture du sommet. Le pays qui accueille une telle conférence aime toujours vendre son exemplarité. Mais, pour Morgane Créach, directrice du RAC en France, le gouvernement «s’active beaucoup sur la scène internationale, mais son rôle d’hôte de la COP21 est un cache-misère».
Plus de charbon pour Alstom
Parmi les mesures avancées par le réseau associatif, l’une s’intitule «Mettre fn à la pollution d’État». «Le gouvernement doit renoncer à la construction de nouvelles centrales à charbon», martèle Lucie Pinson, chargée de campagne chez Les amis de la terre. Une évidence, alors que ces centrales sont à la fois polluantes et très émettrices de gaz à effet de serre ? Pas si sûr. EDF, dont l’État est l’actionnaire majoritaire, et Engie (ex-GDF-Suez), dont 33 % des actions appartiennent également à l’État, «possèdent encore 46 centrales à charbon dans le monde et prévoient d’en construire plus», dénonce le RAC. En outre, la Coface, l’agence qui gère les garanties des exportations des entreprises françaises, «la soutenu depuis 2006 des projets de centrale à charbon à hauteur de 1,3 milliard d’euros».
Le 10 septembre, le gouvernement semble s’être rendu aux arguments du collectif. C’est Ségolène Royal qui s’en est chargée juste avant la réception à l’Elysée, grillant la politesse à Manuel Valls. Alstom, seule entreprise concernée par le soutien de la Coface, pourra transformer ces garanties en «aides pour investir dans les énergies renouvelables», a affirmé la ministre de l’Écologie. L’effet de surprise demeure toutefois limité. Le président de la République avait fait cette promesse en novembre 2014 et le Premier ministre en avait précisé les contours en février. L’annonce a été précédée de négociations avec la direction d’Alstom mais aussi avec ses syndicats. En revanche, l’autre partie de la mesure demandée par le RAC, le sort des centrales à charbon d’EDF et d’Engie, n’a pas été honorée.
Des emplois dans les énergies renouvelables
Les autres «mesures urgentes» défendues par le collectif associatif demeurent pour le moment dans les cartons. Le RAC demande l’instauration d’une taxe sur les transactions financières qui serait affectée «à la lutte contre les changements climatiques et les grandes pandémies». Pour Nicolas Vercken, responsable du plaidoyer chez Oxfam, «on n’aura pas d’accord ambitieux sans engagement des pays riches». La proposition n’est pas seulement une utopie. En mars 2012, rappelle le RAC, onze pays européens ont commencé à discuter de cette taxe, qui pourrait rapporter 24 milliards d’euros, dont 6 milliards en France. Le 10 septembre, à l’Elysée, François Hollande a promis que la France serait «à l’initiative» sur ce dossier, lors des négociations pré- COP21 qui doivent s’ouvrir à Lima (Pérou), début octobre. Les demandes du RAC ne s’arrêtent pas là. Les associations plaident pour «une relance des énergies renouvelables». Cela pourrait paraître, une fois de plus, comme une évidence. La part du renouvelable, solaire, éolien, hydraulique, biomasse et géothermie, atteint 14 % en France en 2013, soit 5 points de plus qu’en 2005. Mais Paris s’est engagée à passer à 23 % d’ici 2023, ce qui, selon le RAC, semble incompatible avec le rythme actuel. Pour les associations, l’objectif devrait être fxé à «100 % en 2050». Là encore, ce n’est pas utopique. En avril, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) s’apprêtait à publier une étude démontrant la viabilité de l’abandon total de l’électricité nucléaire au profit d’un «bouquet» de renouvelables. Même si la publication avait été reportée à plus tard, le RAC s’appuie sur les conclusions de l’Ademe et dénonce au passage la politique de la France, «arc-boutée sur son choix du tout nucléaire». Ce tropisme a des conséquences en matière d’emploi, ajoute le collectif. En France, 100 000 personnes travaillent dans le secteur des énergies renouvelables, ils sont «presque quatre fois plus» en Allemagne.
Chemin de fer et vélo
Pour parfaire la transition qu’il appelle de ses vœux, le RAC souhaite une taxe sur les émissions de CO2 qui, en pratique,… existe déjà. La consommation d’énergie fait l’objet depuis 2013 d’une taxation dont le montant à la tonne progresse d’année en année, pour atteindre 22 euros en 2016. Mais, «dans le contexte d’une forte baisse des prix du pétrole, la hausse des prix occasionnée s’avère trop modeste pour enclencher un changement de comportement», note le RAC. Les associations proposent donc d’inscrire dans la loi de Finances, qui doit être discutée cet automne au Parlement, une progression beaucoup plus forte : 32 euros la tonne en 2016, 47 euros en 2018. La réforme fiscale voulue par le collectif comprend aussi la suppression des «niches fiscales dommageables à l’environnement».
La dernière mesure urgente proposée concerne les transports, responsables à eux seuls de 27 % des émissions de gaz à effet de serre, une proportion qui continue d’augmenter. Le réseau, dans lequel figurent deux associations d’usagers des transports, la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT) et la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), veut «rendre accessibles à tous» la mobilité «alternative à la voiture». Au lieu de supprimer des lignes de chemin de fer, «le gouvernement devrait s’engager à renforcer le maillage du réseau ferré», estime le RAC. Bernadette Caillard-Humeau, vice-présidente de la FUB, plaide en outre pour que l’indemnité kilométrique destinée aux cyclistes, dont le principe a été voté dans la loi de transition énergétique, fasse rapidement l’objet d’un décret d’application. Dimanche 13 septembre, Ségolène Royal a confirmé le principe de cette indemnité, mais a laissé entendre que le montant ne pourrait pas dépasser 15 centimes par kilomètre parcouru, soit 10 de moins que ce qui avait été mis en place lors d’une expérimentation, en 2014.