Livres Poches

Livres Poches

Consumés

Cinéaste atypique à la filmographie parsemée d’œuvres sulfureuses (Videodrome, Crash…), David Cronenberg publie un premier roman dans la veine de ses explorations cinématographiques. Un récit plus que dérangeant dont les protagonistes – Naomi Seberg et Nathan Math, un couple d’amants –, exercent dans le photojournalisme à sensation à l’ère des nouveaux médias. Un duo qui arpente le monde à la recherche d’histoires spectaculaires et sordides comme celle de Célestine et Aristide Arosteguy, anciens professeurs de philosophie à la Sorbonne et couple libertin. Célestine a été retrouvée morte, mutilée, dans son appartement parisien et la police suspecte son mari, qui a disparu, de l’avoir assassinée. Avec l’aide d’Hervé Blomqvist, un étudiant singulier, Naomi se lance sur les traces d’Aristide, qui la mènent jusqu’à Tokyo. De son côté, Nathan se trouve à Budapest pour photographier le travail d’un chirurgien controversé, Zoltán Molnár, qui a été recherché par Interpol pour trafic d’organes et pratique désormais des interventions illégales… Fidèle à ses obsessions, l’auteur signe une intrigue hallucinée entremêlant la technologie et le corps, l’impression 3D et la philosophie, le festival de Cannes et le cannibalisme, la mort et le sexe.

Consumés de David Cronenberg (Folio – Traduit de l’anglais (Canada) par Clélia Laventure).

 

 

 

Le fils

Ce document a été créé et certifié chez IGS-CP, Charente (16)

Délaissant momentanément son héros récurrent – l’inspecteur Harry Hole – Jo Nesbø suit ici la trajectoire de Sonny Lofthus, héroïnomane notoire qui s’est accusé de crimes qu’il n’a pas commis pour expier le souvenir du suicide de son père, policier corrompu. Ce prisonnier modèle fait également figure de guérisseur mystique et recueille les confessions de ses codétenus. Au détour de l’une d’entre elles, il apprend que la mort de son père n’aurait rien d’un suicide… Il parvient alors à s’évader de prison pour assouvir sa soif de vengeance. Errant dans les bas-fonds d’Oslo, en proie aux démons du ressentiment et du manque, il est résolu à faire payer ceux qui ont trahi son père et détruit son existence. Cependant, un vieux flic et une jeune enquêtrice ambitieuse sont sur ses traces… Enraciné dans une ville que l’auteur peint avec maestria, ce polar vaut surtout par ses personnages profondément humains et creuse les thèmes fétiches de l’auteur comme son questionnement sur le mal ou les relations entre père et fils.

Le fils de Jo Nesbo (Folio – Traduit du norvégien par Hélène Hervieu).

 

 

 

Le Tunnel aux pigeons


Le maître de l’espionnage publie pour la première fois ses mémoires, se dérobant à l’approche autobiographique pour se présenter comme un témoin de son temps. Soit une chronique du parcours d’un écrivain sur six décennies et de sa quête permanente de l’étincelle qui a insufflé tant de vie et d’humanité à ses personnages de fiction. Depuis ses années de service dans le renseignement britannique pendant la Guerre froide jusqu’à une carrière d’écrivain qui l’a mené du Cambodge en guerre à Beyrouth au lendemain de l’invasion israélienne de 1982, en passant par la Russie avant et après la chute du Mur de Berlin, John le Carré s’est toujours placé au cœur de notre histoire contemporaine. Avec une plume incisive et drolatique, il déploie la subtilité morale qui caractérise ses romans, qu’il décrive le perroquet de Beyrouth imitant le crépitement des mitraillettes, la découverte des charniers du génocide rwandais, Richard Burton et le tournage de L’espion qui venait du froid, l’humanitaire française qui lui a inspiré l’héroïne de La constance du jardinier ou l’évocation de sa relation compliquée avec son père, escroc flamboyant. Un livre à la hauteur d’une œuvre majeure.

Le Tunnel aux pigeons. Histoires de ma vie de John le Carré (Points Seuil – Traduit de l’anglais par Isabelle Perrin).

 

 

 

La neige noire

Après le lyrique Un ciel rouge, le matin – où une féroce chasse à l’homme poussait un jeune métayer vers l’exil américain –, le nouveau roman de Paul Lynch raconte le retour d’un émigré irlandais au pays. Nous sommes en 1945 et Barnabas Kane, après des années passées à New York, retrouve le Donegal et s’installe sur une ferme avec sa femme et son fils. Mais l’incendie, accidentel ou criminel, qui ravage son étable, tuant un ouvrier et décimant son bétail, met un frein à ce nouveau départ. Confronté à l’hostilité et à la rancœur d’une communauté qui l’accuse d’avoir tué l’un des leurs, il devient un étranger sur son propre sol. Confiné sur cette terre ingrate où la rigidité des hommes le dispute à l’âpreté de la nature, Barnabas va devoir choisir à quel monde il appartient. Un fascinant roman, à la fois beau et violent, puissant et délicat, magnifié par une écriture riche, sur un homme en quête de ses racines mais qui, sur le chemin, ne rencontre que la cruauté de ses semblables…

La neige noire de Paul Lynch (Le Livre de Poche – Traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso).