L'investissement tranfrontalier peine à démarrer
Un bilan d’action pour le programme Interreg IV A dédié à l’investissement privé transfrontalier a été dressé le 21 janvier dernier au Comité des régions à Bruxelles par la CCI régionale et la Région wallonne. Un début de coopération coûteux.
Question de ratio ? C’est une des questions légitimes que l’on peut se poser à propos des résultats du programme Interreg IV A dédié à la réalisation d’une plate-forme transfrontalière mettant en contact des porteurs de projet de création d’entreprise et des business angels des deux côtés de la frontière. Lancée en 2008, la plate-forme visait à encourager «le rapprochement des investisseurs et des créateurs d’entreprise issus de Wallonie et du Nord-Pas-de-Calais». Elle s’appuie sur deux opérateurs : Waban (Wallonia Business Angels Network) en Wallonie et la CCI de région Nord de France. Leur cible est constituée de PME wallonnes et nordistes et des capital-risqueurs des deux territoires. Mais les résultats sont mitigés. «Tout au long de la programmation Interreg 2008-2012, la plate-forme transfrontalière d’investissement privé a permis d’établir des contacts avec 903 prescripteurs d’entreprise, 116 business angels potentiels et 301 prescripteurs d’organismes de développement économique, de financement privé et public, tous issus des deux régions transfrontalières», avancent toutefois les promoteurs. Si 344 projets ont été reçus, 127 ont effectivement été présentés à des business angels franco-belges, notamment dans des forums organisés, chaque projet éligible étant taillé pour recevoir entre 20 000 et 150 000 euros. Au final, à peine 34 projets ont été retenus, dont 25 ont finalement abouti à un financement privé transfrontalier et/ou intra-régional. Parmi eux, seuls 9 projets ont directement bénéficié d’une «contribution directe (…), totalisant 921 500 euros». En tout, 3 millions d’euros ont été investis par des entreprises et des investisseurs à travers ce programme qui a coûté près d’un million d’euros sur la période… Alix Houssiaux, directrice du programme, tente de convaincre : «C’est une dynamique territoriale qui se met en place avec une réelle plus-value transfrontalière. L’un des résultats est aussi de mixer les publics.»
Une faible mobilisation. Mais la récolte paraît maigre : pour un euro dépensé par les financeurs (Feder pour 50%, et collectivités territoriales des deux côtés de la frontière), à peine deux auront été effectivement levés. En ajoutant les fonds arrivés indirectement dans les entreprises qui ont bénéficié de ce programme, Alix Houssiaux estime que ce sont 6 millions qui ont été levés. Sur le registre de l’emploi, les chiffres sont tout aussi minimes : 40 emplois auraient été créés ou maintenus. Si la plate-forme a contribué à créer un environnement propice aux échanges entre porteurs de projet et investisseurs, elle n’a mobilisé que faiblement ces derniers. Pourtant, le Waban et la CCI Nord-Pas-de-Calais ont commencé en 2007 à développer le réseau des business angels dans le cadre du programme Interreg III. On pourra s’interroger également sur la présence d’une quarantaine de coachs accompagnateurs, chargés d’apporter conseils et expérience − «smart money» dans le jargon des financements. Ont-ils facturé leur participation aux comités de sélection des projets ou d’autres prestations comme ces séances de coaching où 53 personnes se sont rendues ? La partie française a volé au secours de ses partenaires d’outre-quiévrain. «Pour nous, c’est une démarche hautement symbolique. Nous devons continuer à démultiplier les projets ensemble. Il nous faut de grandes PME et de futures ETI, bien enracinées dans nos territoires, pas sur des roulettes», a soutenu Laurent Degroote, vice-président de la CCI régionale. «Une entreprise accompagnée, c’est plus de pérennité», a-t-il ajouté. «Le rôle des business angels est déterminant. Nous parlons d’une relation humaine et pas seulement d’un financement», a plaidé Philippe Gerkens, président du Waban.
Convaincre les porteurs de projet et les investisseurs. «Il faut sensibiliser, parfois même évangéliser, ont souri les promoteurs du programme. Les chefs d’entreprise sont réticents à ce type de partenariat.» La communication a pris la place d’un site internet (4 883 visites pour 3 175 visiteurs uniques), de 18 newsletters à destination de 408 Français et 352 Belges, de 2 kakémonos et d’une brochure de présentation ; 78 participations à des événements ont permis à la plate-forme de se faire connaître. «Les PME wallonnes sont légèrement plus petites que celles du Nord-Pas-de-Calais», a noté Laurent Degroote. Certaines ont néanmoins véritablement bénéficié du programme : «dans le secteur de l’informatique (la réalisation de logiciels notamment), la santé, l’Internet, le développement durable, les biotechnologies», énumère Alix Houssiaux. On compte l’entreprise de technologie automobile DSI à Tournai, le groupe Enaco en métropole lilloise, ou encore une PME française qui produit des bières artisanales. Les promoteurs de ce projet veulent désormais préparer un plan d’affaire pour les cinq prochaines années, avec pour objectif de faire croître les PME et de «professionnaliser» plus profondément les chefs d‘entreprise aux possibilités de financement via les réseaux des business angels. Dernière arrivée dans le programme, la fédération belge des classes moyennes l’a reconnu sans ambages : «Nous aurons nos preuves à faire dans les prochains mois.» Si le programme doit être renouvelé, cela vaudra pour les initiateurs.
Le Small Business Act européen
Favoriser les PME en Europe est un des leviers de croissance dont veut se servir la Commission européenne. La création d’un «Small Business Act» à l’européenne commence en 2008. Cette loi européenne vise à améliorer l’approche générale en matière entrepreneuriat et de mettre en avant le principe suivant : «penser PME d’abord». La réglementation concerne toutes les entreprises européennes de moins de 250 salariés. L’évolution de la législation doit amener les pouvoirs publics à leur octroyer des parts conséquentes de leurs marchés publics. La France a fait des propositions comme de simplifier la réglementation et les charges administratives, de soutenir la formation ou encore d’accompagner ces PME à l’étranger.