L'impression 3D, fort enjeu de développement économique

La réindustrialisation du Nord -Pas-de-Calais passera-t-elle par l'impression 3 D ? La question vaut réponse pour les CCI Nord de France qui ont initié, il y a un an, la création du "Club impression 3D et fabrication additive". Regard sur une première année d'animations qui place la région dans une dynamique encourageante.

Renée Ingelaere, membre du Conseil Economique et Social Environnemental et du bureau de la CCI de Réhion Nord de France.
Renée Ingelaere, membre du Conseil Economique et Social Environnemental et du bureau de la CCI de Réhion Nord de France.

 

Dominique Boudin, responsable innovation et économie numérique à la CCI Grand-Lille, et Renée Ingelaere, membre du Conseil économique et social environnemental.

Dominique Boudin, responsable innovation et économie numérique à la CCI Grand-Lille, et Renée Ingelaere, membre du Conseil économique et social environnemental.

Pour l’instant, l’impression 3D, terme utilisé par le grand public, et la fabrication additive, utilisé dans le monde professionnel, sont émergents en Nord-Pas-de-Calais. Il faut que les entreprises aillent de l’avant. Il y a des projets en région. La région a des points forts dans les matériaux du futur, notamment autour des polymères issus du biosourcé facilement recyclable, d’une filière beaucoup plus naturelle comme le lin et de toutes les bi-matières… Elle compte beaucoup de startups dans les goddies, le prototypage. On est à la genèse d’une filière !

Marché d’avenir. Responsable innovation et économie numérique à la CCI Grand-Lille, Dominique Boudin est convaincue de la nécessaire présence des entreprises régionales sur ce secteur promis au plus beau des développements. “C’est encore en 2015 un marché émergent et de niches. Les entreprises qui se lancent doivent trouver leur business model, car souvent sollicitées en conseils et moins souvent payées de retour par des marchés. On est en innovation. Les premiers entrants essuient les plâtres.

Quelques noms pour illustrer cette présence régionale : le bureau d’études Texilis qui, à Coudekerque-Branche, travaille sur de nouveaux matériaux à base de lin, Elanplast à Tincques qui investit dans des machines de fabrication additive pour prototypage rapide, Perspectives à Arras… Mais ils sont une soixantaine à avoir rejoint le “Club impression 3D et fabrication additive” en Nord-Pas-de-Calais. “On est une région pionnière qui se challenge avec Rhône-Alpes“, se félicite Dominique Boudin, en mettant aussi en avant tout ce qui “participe au boostage du secteur” : les fablabs Côte d’Opale et Lille, la Gare numérique à Jeumont, le Brico’Lab du groupe Adeo à Ronchin, les corners de l’enseigne Top Office, mais aussi le “Study Camp” organisé à l’Edhec où ont été présentés dix business models innovants de startups liés à l’impression 3D par dix groupes d’étudiants du master Entrepreneurship & Innovation Management. La liste est longue…

Une initiative des CCI. Le “Club impression 3D et fabrication additive” en Nord-Pas-de-Calais est une émanation des CCI Nord de France sollicitées par des cadres et chefs d’entreprise à l’issue d’une conférence sur le sujet dans le cadre de la Semaine de la troisième révolution industrielle en mars 2014. Lancé le 4 juin 2014, ce club a fêté son premier anniversaire le 1er juillet, concomitamment à l’inauguration d’Entreprise ouverte, un espace de coworking installé 139, rue des Arts à Roubaix. L’occasion de mettre l’accent sur les “enjeux de développement économique liés à l’impression 3D”, illustrés par les interventions de représentants d’Alstom transport, d’Airbus et de Prodways entrepreneurs sur l’intégration de la 3D dans les secteurs de l’industrie ferroviaire, de l’industrie aéronautique et dans l’accompagnement de projets innovants.

Inédit en France, ce club s’était donné pour premières missions “de fédérer, d’essayer de construire un écosystème, de créer une dynamique pour être visible, d’informer, de promouvoir, d’échanger, de veiller et de surveiller, d’accompagner et d’aider les entreprises à muter“, résume Dominique Boudin. Les premiers résultats sont là : “On commence à avoir des entreprises avec de vrais projets, des jeunes créateurs. On voit arriver de nouvelles générations de makers, de nouveaux business models, de nouveaux modes d’innovation, des consommateurs qui se mêlent d’améliorer les produits et sont même prêts à les fabriquer à votre place. On était dans une configuration B to B, B to C ; on voit arriver une génération C to C, de consommateurs à consommateurs. Il y a la volonté de prendre le virage et de comprendre comment évolue le consommateur et le monde.”

336 membres. Un an après son lancement, le club − dont l’accès est gratuit − compte 336 membres : un tiers d’entreprises industrielles et high-tech, un tiers de prestataires de services et un tiers d’acteurs tels que universités, grandes écoles, lycées, laboratoires et centres de recherche, pôles de compétitivité et d’excellence, avocats et experts de la propriété industrielle… Dix conférences organisées ou coorganisées, deux visites du centre de recherche belge Sirris qui ont été “la révélation de ce qu’est l’impression 3D“, 55 projets accompagnés, de nombreux partenariats et parrainages, un site internet dédié (clubimpression3d.fr), le club n’entend pas relâcher son effort d’animation et a en perspective une mise en réseau au niveau national et international.

“La Commission européenne souhaite s’approprier cette thématique et soutenir une filière en Europe, se réjouit Dominique Boudin qui représente la France en tant qu’experte sur la politique innovation des PME-PMI à Bruxelles. Mais il faudra un soutien un peu plus appuyé de l’État et de l’Europe aux projets d’investissements et de recherche.” Il est temps de se mobiliser : le marché mondial de l’impression 3D ne va-t-il pas passer de 3 Mds€ en 2013 à 21 Mds€ en 2020 ? Sur le seul marché des imprimantes installées, les USA pèsent 38% ; le Japon, la Chine et l’Allemagne, 9% ; la France, 3%…

Les préconisations du CESE pour créer un écosystème favorable

Renée Ingelaere, membre du Conseil économique et social environnemental et du bureau de la CCI de région Nord de France.

Renée Ingelaere, membre du Conseil économique et social environnemental et du bureau de la CCI de région Nord de France.

René Ingelaere : “Une technologie de rupture qui peut tirer l’industrie par le haut”

En mars dernier, le CESE a adopté un avis sur l’impression 3D et ses perspectives prometteuses, dont Renée Ingelaere était le rapporteur.

Nous avons très vite compris que notre économie était entrée dans une forme de métamorphose accélérée de l’industrie manufacturière dans son organisation, ses performances, les usages de travail, le modèle économique, les accès au marché, que c’était une technologie de rupture qui pouvait tirer l’industrie par le haut“, explique Renée Ingelaere, membre de la section des activités économiques au Conseil économique, social et environnemental (CESE) depuis fin 2010 et du bureau de la CCI région Nord de France, en évoquant la genèse de l’avis qu’elle a présenté et fait adopter en mars 2015 et intitulé “Innovations technologiques et performance industrielle globale : l’exemple de l’impression 3D”.

La 3D, rêve, gadget ? La technique existe depuis plus de 30 ans et la première demande de brevet a même été déposée en France en juillet 1984 où elle n’a pas percé à l’inverse des États-Unis. En Grande-Bretagne, les enfants de dernière année de maternelle disposent d’imprimantes 3D qui les initient à l’utilisation tactile et leur font aimer l’innovation et les sciences…. Fortement interpellée, mais aussi consciente que si la 3D n’avait pas encore bouleversé le quotidien des consommateurs, elle s’intégrait de plus en plus sur les sites de production avec des prévisions de croissance de +20% par an sur les cinq prochaines années, la section des activités économiques du CESE s’est donné pour ambition de répondre à trois enjeux clés : “dessiner une vision d’avenir avec l’ambition de ne plus stigmatiser l’industrie sur l’état dans lequel elle se trouve, mais de s’imaginer qu’elle peut vivre, se développer et créer une nouvelle ère de richesse économique pour le pays ; communiquer sur l’innovation portée par l’impression 3D, ses usages et son potentiel ; et développer la formation tout au long de la vie pour éviter un choc générationnel“.

Persuadé à la fois de l’important potentiel de remise en cause du modèle productif actuel et de la réelle opportunité de renforcer l’offre productive et la compétitivité globale qu’offre l’impression 3D à la France, le CESE a “pointé” les moyens responsables que pouvoirs publics et professionnels se devaient de favoriser pour créer un écosystème favorable.” Le CESE appelle à l’organisation d’une stratégie basée principalement sur la R&D, le financement, la normalisation et la sécurité. Ainsi plaide-t-il pour orienter la stratégie R&D vers la demande des marchés. “Cette orientation exige beaucoup d’agilité, de flexibilité, de simplicité dans les dispositifs publics d’appui et d’innovation autant que de stratégie des entreprises”, avance Renée Ingelaere en prônant la création, “eu égard au millefeuille qui existe dans l’approche de l’innovation, d’un guichet unique numérique d’accueil et d’informations accessible aux entreprises…”

Au-delà du renforcement des moyens de financement adaptés aux enjeux, l’avis du CESE insiste sur la nécessaire dédiabolisation de la normalisation auprès des chefs d’entreprise à percevoir comme une démarche de sécurisation de la stratégie d’accès aux marchés, mais aussi sur les nouveaux défis à relever en matière de propriété industrielle et de sécurité des consommateurs. Si l’impression 3D “ouvre la perspective de tous types de fabrication n’importe où n’importe comment“, elle peut être aussi l’occasion d’une “dynamique renouvelée du développement local“, avance Renée Ingelaere qui plaide pour une économie de matières premières, une proximité de fabrication et de marché, de nouveaux leviers de performances industrielles, une économie circulaire, une ville du futur ainsi qu’une usine du futur…