L'heure est aux économies et aux recentrages
Première rentrée le 2 septembre pour Jean-René Lecerf, président Les Républicains du Conseil départemental du Nord. L'occasion de (re)préciser l'état financier dans lequel se trouve le Département et la stratégie assortie de mesures d'économies qu'il va proposer au Conseil pour le redresser.
«Je me retrouve avec des contraintes financières extrêmement lourdes.» En effectuant sa première rentrée en qualité de président du Conseil départemental du Nord cinq mois jour pour jour après son élection le 2 avril 2015, Jean-René Lecerf est revenu sur l’aspect bilan financier de la majorité qui a précédé la récente alternance. Un martèlement qui peut s’expliquer par son souci et sa volonté de justifier la politique d’économies que sa majorité départementale est contrainte d’engager.
Des engagements à honorer, d’autres pas. «Jusqu’au dernier moment, ils ont engagé des dépenses alors qu’ils n’avaient pas les moyens d’y faire face (…). J’ai fait l’inventaire de ce que je devais (…). Je ne suis pas loin des 2,5 Mds€ !” Et de citer pêle-mêle, entre engagements juridiques et engagements parfois électoralistes, 480 M€ au titre des Fonds départementaux d’aménagement du Nord (FDAN) et de solidarité territoriale (FDST), 800 M€ pour les priorités 2 et 3 des contrats de territoire, 120 M€ de reste à payer sur les collèges, 900 M€ au titre du plan routier départemental, et même 4,8 M€ que vient de réclamer Jean-François Cordet, préfet du Nord, au titre des dernières opérations de modernisation du réseau routier engagées dans le cadre du Contrat de plan 2000-2006. «Si je peux programmer 200 M€ par an, on est tranquille pour les 12 ans qui viennent. C’est un peu démotivant», explique, quelque peu dépité, Jean-René Lecerf qui ajoute à sa démonstration quelques exemples de promesses faites sans délibérations, telles la reconstruction d’un EPHAD intercommunal à Boeschèpe, la construction d’un autre à Wattrelos pour laquelle la pose de la première pierre est déjà intervenue, ou encore l’acquisition du foncier nécessaire à la relocalisation du collège Paul-Duez à Cambrai.
«J’ai trouvé toute une série d’engagements qui seront ou non honorés. Mon travail est de faire le recensement des engagements juridiques et des engagements amico-électoratistes.» Et de mettre les points sur les i en matière de collèges au risque d’une pointe d’énervement, en indiquant que le début des travaux du collège Schumann à Halluin fixé à fin 2017 a pour cause une obligatoire modification du plan local d’urbanisme (PLU) et par ailleurs que «Lille a 1 000 places de collège inoccupées après la construction ex nihilo du collège de Moulins pour un coût de 38 M€. Un peu cher quand il est, pour un collège de 500 places, en moyenne entre 15 et 20 M€…». Et le président du Conseil départemental de confirmer pour la douzaine de collèges concernée par une promesse de reconstruction-réhabilitation-fusion, l’établissement d’ici la fin de l’année d’un projet de programmation sur la base des critères de sécurité et de conditions de travail.
«Contexte juridique mouvant». Comme si ces considérations financières ne suffisaient pas, «notre situation se complique encore un peu par un contexte juridique mouvant», complète Jean-René Lecerf en faisant allusion à la réorganisation des compétences des collectivités territoriales imposée par la loi NOTRe et par la création au 1er janvier 2016 de la grande Région. Les unes ont été affirmées, d’autres prohibées comme le financement des aides accordées par la Région en matière de développement économique ou le subventionnement d’organismes participant à la création ou à la reprise d’entreprise à partir du 1er janvier 2017, les aides aux entreprises en difficulté, d’autres encore partagées ou transférées… Ce sont les transferts de compétences qui posent le plus de problèmes et de débats. Ainsi, du transport scolaire vers la Région qui peut la redéléguer vers le Département. Ainsi aussi du possible transfert de neuf groupes de compétences (gestion du Fonds de solidarité logement, action sociale, gestion du domaine routier départemental… ) vers la Métropole européenne de Lille (MEL), avec une obligation de conventionner pour trois d’entre eux. «On se trouve là dans un domaine mouvant… Il n’est pas anodin, par exemple, de savoir comment la compétence de formation professionnelle sera assurée par la Région», indique Jean-René Lecerf.
Dernier aléa cité par le président du Conseil départemental, l’attitude de l’État par rapport au RSA. «Le reste à charge pour le Département augmente de 60 M€ par an, ce qui est insupportable… S’il n’y a pas d’évolution de la politique nationale, le Département pourrait être amené à ne payer le RSA qu’à concurrence de la compensation de l’État ( …). Nous serons amenés à chaque fois à des arbitrages d’autant plus durs que l’État n’annoncera pas d’évolution sur le RSA, prévient Jean-René Lecerf. La double peine, ça suffit.» D’autant que la précédente majorité n’a voté au budget 2015 que le paiement de 11 mois sur 12 de RSA. Où l’on reparle des «opportunités administratives» avec un 12e mois réglé par la CAF qui en est remboursé en janvier suivant…
Une feuille de route tout en arbitrages. Compte tenu de ce contexte pour le moins incertain et au-delà du budget supplémentaire 2015 qui sera présenté le 12 octobre, «la feuille de route du Conseil départemental se concentre jusqu’à la fin décembre sur les arbitrages financiers, avec un débat d’orientation budgétaire en février 2016 et un vote du budget primitif en mars 2016». Ce qui ne lui interdit pas, le cas échéant, de se saisir du sujet du temps de travail, sujet sur lequel travaille la Chambre régionale des comptes. «Je mentirais en disant que cela me gêne. J e veux qu’on travaille 35 heures. C’est extrêmement difficile de connaître le temps de travail dans le département.» Les Nordistes seront fixés en mars, au moins sur le plan d’économies.
RSA : priorité au retour à l’emploi. Au-delà de ce plan d’économies, le Conseil départemental a mis au premier plan de ses réflexions et des mesures phares à engager le revenu de solidarité active. Un RSA dont le président Lecerf estime à un tiers − 50 000 − le nombre d’allocataires très éloignés de l’emploi, à un autre tiers ceux éloignés de l’emploi ayant besoin une remise à niveau et à un dernier tiers ceux qui ne connaissent pas de difficultés particulières et immédiatement employables. «C’est sur ce dernier tiers que nous travaillons d’arrache-pied. S’ils retrouvaient du travail, ce serait un progrès colossal pour eux et pour le Département pour qui l’économie serait de 200 M€.» Premier projet, l’instauration d’un système de communication des données par le rapprochement de fichiers pour «déceler les situations de suspicion de fraude et s’assurer de la légitimité de la dépense et du retour des sommes indues».
Au-delà, le maître mot du Conseil départemental est le retour à l’emploi. «Plus important, nous allons réorienter nos dispositifs d’insertion existants en diminuant, voire en suspendant, les dispositifs ‘occupationnels’ n’ayant pas pour but de permettre la réinsertion professionnelle, pour donner des moyens supérieurs à ceux qui se préoccupent d’aboutir à un emploi dynamique et pérenne.» Dans le même ordre d’idée, Jean-René Lecerf annonce la réorganisation des partenariats en cours avec les structures associées : «L’offre d’insertion par l’économie dans le Nord est pléthorique avec plus de 300 opérateurs.» D’où son illisibilité et une quasi-impossibilité d’évaluation. L’objectif est de les ramener à 50. Pour les 70% d’allocataires orientés vers une insertion professionnelle via Pôle emploi et notamment le tiers de ceux-ci qui ne s’y inscrivent pas, Jean-René Lecerf souhaite de la part de ses partenaires d’accompagnement, Pôle emploi, CAF et Région, un effort plus important de formation professionnelle vers les allocataires du RSA, aujourd’hui ciblé à 90% vers la formation tout au long de la vie.
Pour améliorer l’insertion par l’économie, il entend développer le recours auprès des entrepreneurs via les CCI, la Chambre de métiers, le Medef, la CGPME, les clubs d’entrepreneurs, pour les amener à favoriser le repérage et l’embauche d’allocataires du RSA, mais aussi «essayer de mêler la culture des travailleurs sociaux du Département et la culture entrepreneuriale, avec l’espoir de déboucher sur une possibilité de travailler ensemble de manière banale et non conflictuelle». Et de préciser avoir «plutôt des réponses encourageantes», et même de «premiers résultats avec la Chambre de métiers avec une expérience menée avec l’Unité de prévention et d’action sociale (UTPAS) de Caudry, avec deux tiers de quelque 50 allocataires du RSA ciblés intéressés par une formation pour s’essayer à un métier». Et pour avoir eu des contacts en Flandre-Occidentale, ses interlocuteurs l’ont assuré être prêts à embaucher des allocataires du RSA «pour peu que leur soit donné un minimum de connaissances du néerlandais».
On l’a bien compris, Jean-René Lecerf veut remettre de l’ordre dans le fonctionnement du Département. «On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs», a-t-il indiqué en évoquant la réorganisation des associations d’insertion. Il aurait pu le dire aussi à propos des pompiers − «une armée mexicaine avec plus d’adjudants que de sapeurs» − et de bien d’autres sujets : redéploiement du personnel, subventions culturelles… Le président du Conseil départemental s’est mis dans la posture du redresseur et n’entend pas y déroger.
Le RSA dans le Nord
− 149 587 foyers allocataires, dont 68% de RSA socle, 22% de RSA activité, 9% de RSA socle + activité
− + 18% d’allocataires entre 2010 et 2015
− 600 M€ de budget (+ 60 M€ en 2015)
Le transport scolaire
− Coût global : 91 M€
− Reste à charge du Département : 41 M€, dont 14 M€ pour le transport des enfants souffrant d’un handicap