Les territoires urbains craignent une baisse de leurs ressources
Les territoires urbains sont prêts à participer à la relance : leurs finances sont saines et leurs projets, déjà en phase avec les orientations du plan, d'après France urbaine. Mais l'association met en garde contre une potentielle dégradation des capacités d'autofinancement de ces collectivités.
La relance à la rentrée, c’est oui. La suite, en revanche, pourrait s’avérer plus compliquée… Le 10 septembre à Paris, lors d’une conférence de presse, France urbaine et la Banque postale procédaient à la présentation de la 5e édition de «Territoires urbains, portrait financier», décalée de quelques mois en raison de la pandémie. Pour l’association, qui représente métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et grandes villes, l’événement fut aussi l’occasion de livrer son analyse du plan de relance, ses modalités, les implications des dispositifs fiscaux qu’il comprend, et ses orientations générales.
Sur le fond, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de France urbaine, déclare porter un «regard positif» sur le plan de relance, pour trois raisons. Tout d’abord, «il est très connoté écologie, transition énergétique. Ce sont des projets que nous portons, des investissements que nous avons déjà développés dans la précédente mandature», avance Jean-Luc Moudenc, qui approuve également la «volonté d’accélérer, d’aller vite», et enfin, le principe de «territorialisation» du plan. A ce titre, la Conférence des territoires, dédiée à la concertation entre État et collectivités locales, devait permettre d’aborder la manière dont se concrétisera cette démarche.
Quant à la question de la potentielle contribution financière des collectivités, «sur une période courte, il n’y a pas d’inquiétude sur la capacité des territoires urbains à participer au plan de relance», estime Luc-Alain Vervisch, directeur des études de la Banque postale. «Nous parvenons à peu près à tenir le choc dans le budget 2020, en raison de la vertu des exercices passés, en particulier 2019. Mais pour 2021, il existe de très forts aléas, sans même parler de 2022», complète Jean-Luc Moudenc.
A coût identique, des piscines moins remplies
Au chapitre des «aléas», l’association pointe plusieurs difficultés, inhérentes au contexte économique, mais aussi aux dispositions du plan, qui, d’après elle, menacent à moyen terme les finances des collectivités. Tout d’abord, note Jean-Luc Moudenc, les 5,3 milliards d’euros prévus pour les collectivités locales dans le plan relèvent du «recyclage» de lignes budgétaires. La somme était déjà inscrite dans le troisième projet de loi de finances rectificative, adopté en juillet dernier. Par ailleurs, «les grandes villes-centres ne sont pas bénéficiaires» des mesures de soutien, poursuit le président de France urbaine, qui souhaite voir ce point pris en compte dans le prochain projet de loi de finances.
Autre souci, l’effondrement actuel des recettes tarifaires menace les capacités d’autofinancement des collectivités. Par exemple, les piscines sont restées ouvertes durant l’été, engendrant les frais fixes habituels tandis que les baigneurs étaient moins nombreux à payer leur ticket. L’association propose donc la mise en place d’un mécanisme «d’avance remboursable» de l’État à destination des collectivités. Dans le domaine de la mobilité aussi, les ressources sont incertaines. «On voit bien que nos concitoyens ne vont pas revenir aussi fortement qu’avant dans les transports publics», commente Jean-Luc Moudenc. Lequel demande une «prolongation et une complétude du dispositif» de compensation prévu par l’État concernant les transports. Celui-ci est pour l’instant limité à 2020. Et il n’est accordé qu’aux syndicats mixtes, et non aux collectivités qui exercent directement le rôle de d’autorité organisatrice.
Autre sujet de doléance majeur, les impôts de production, que le Gouvernement a choisi de diminuer à hauteur de 10 milliards d’euros, avec des implications fortes pour les collectivités. «La crise a servi d’accélérateur. Le plan de relance consacre cette volonté» du gouvernement, constate Jean-Luc Moudenc, qui continue de plaider pour le principe de «l’autonomie fiscale». L’association se félicite toutefois qu’un dispositif de «neutralisation» de ces baisses d’impôt, qui prend en compte la dynamique des territoires, ait été mis en place, et non une «compensation faciale, qui se dégrade au fil du temps», note Jean-Luc Moudenc.
Une base financière saine
Si l’avenir financier des territoires urbains s’avère incertain, la base est saine, à en suivre la 5e édition de l’étude «Territoires urbains, portrait financier». Elle porte sur quelque 6 000 budgets (EPCI, communautés urbaines, métropoles…) qui représentent 30 millions d’habitants. En 2019, «la croissance des dépenses a été de 4,5%, toutes dépenses confondues, phénomène significatif d’une année de fin de mandat», commente Luc-Alain Vervisch. Le total atteint 80 milliards d’euros. Dans le détail, pour la deuxième année consécutive, les dépenses de fonctionnement sont demeurées contenues dans le cadre fixé par l’État, avec un taux de croissance de 1,2%. «Cela suit une dizaine d’années de pilotage de dépenses de fonctionnement», note Luc-Alain Vervisch. Un véritable «défi» pour des territoires en croissance, obligés de réaliser des investissements qui engendrent des frais de fonctionnement, ajoute Jean-Luc Moudenc.
Les investissements, eux, ont crû de 15%, sans pour autant atteindre le niveau global du mandat précédent. Leurs montants ont été particulièrement significatifs dans les communautés urbaines et les métropoles, fonction du périmètre de leurs compétences. Autre constat, l’importance du poids des budgets annexes, qui concernent la gestion de services publics comme l’assainissement, l’eau ou les déchets… Autant de domaines qui «demandent des investissements conséquents», commente Luc-Alain Vervisch. Au total, pour lui, la situation financière des territoires urbains est «satisfaisante, voire très satisfaisante». La quasi-totalité de ces territoires disposent d’une épargne nette positive. Et tous ont un délai de désendettement inférieur à 12 ans, le ratio prudentiel indicatif fixé par la loi. Bref, ces collectivités disposent d’une capacité d’emprunt non négligeable. C’est bien leur capacité d’autofinancement qui est en cause, rognée par la crise, les réformes fiscales déjà actées (suppression de la taxe d’habitation) et celles à venir, d’après France urbaine.