Les territoires au risque de trop ou trop peu de numérique ?

En 2022, la totalité du territoire sera couvert en 4G, affirment les opérateurs, qui s'y sont engagés. Mais quels usages numériques déployer sur ces infrastructures à venir ? Attention aux fausses pistes qui risquent d'aggraver les inégalités territoriales, met en garde un élu. Débat, lors des récentes Rencontres du numérique, à Paris.

Les quatre opérateurs téléphoniques devront faire passer plus de 10 000 communes à la 4G, d'ici 2020. ©Image'in
Les quatre opérateurs téléphoniques devront faire passer plus de 10 000 communes à la 4G, d'ici 2020. ©Image'in

Dix ans plus tard, «nous n’y sommes pas encore», estime Laure de la Raudière. Députée d’Eure-et-Loir, très impliquée dans les problématiques numériques, elle n’a pas vu, depuis dix ans, se résorber la «fracture numérique». Lors des 10e rencontres du numérique en décembre dernier à Paris, une table ronde sur «le numérique pour faire rayonner nos territoires !» a fait le point sur les enjeux des usages numériques et l’état des lieux des projets d’infrastructures. Pour ces dernières, l’enjeu, c’est le déploiement de la 4G, prévue sur l’ensemble du territoire d’ici 2022. À ce propos, Laure de la Raudière perçoit une «petite lumière» : les accords noués en janvier 2018 entre le gouvernement, l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes, et les opérateurs téléphoniques pourraient porter leurs fruits. En contrepartie du renouvellement de leurs licences de leurs spectres de fréquences pour la décennie à venir – d’une valeur de plusieurs milliards d’euros –  les quatre opérateurs se sont engagés à accélérer le déploiement de la 4G. Ils devront, notamment, faire passer plus de 10 000 communes qui sont aujourd’hui en 2 ou 3G, à la 4G, d’ici 2020. Les zones blanches devront être résorbées. Les axes prioritaires routiers et le réseau ferroviaire, équipés. «Tous les opérateurs travaillent d’arrache-pied. On nous reproche de ne pas être assez rapides, mais les choses avancent», se défend Didier Casas, directeur général adjoint de Bouygues Telecom. Pour lui, il n’y a pas de doute, «les engagements pris par les opérateurs seront tenus». Avec comme incitation, la volonté de gagner de nouveaux clients et des sanctions prévues par l’Arcep, en cas de dérapage. Par ailleurs, le responsable défend le choix de la fibre, technologie choisie pour le très haut débit fixe. «Tous les pays n’ont pas fait ce choix. Certains ont choisi le câble. Aujourd’hui, ils affichent des taux d’accès au très haut débit supérieur à la France, comme l’Allemagne et la Belgique. Mais la fibre est une technologie qui aura une durée de vie de plusieurs décennies. C’est un choix prometteur», estime Didier Casas.

«Dans les territoires ruraux, nous devons nous demander si les équipements numériques permettent une amélioration» – Aurélien Pradié, député du Lot.  ©Melvin Dupont – Fotolia.com

Le numérique ne doit pas être un «palliatif»

Pour les territoires, ce ne sont pas les choix technologiques, mais les usages qui préoccupent  plus particulièrement Aurélien Pradié, député du Lot. Aujourd’hui chargé de mission auprès du gouvernement sur les conditions de l’innovation et l’impact des nouvelles technologies et du numérique sur le développement des territoires ruraux, il se déclare «inquiet» à propos des jeunes générations. Celles-ci utilisent  le numérique de manière très large, mais s’avèrent mal à l’aise dans les pratiques administratives en ligne. Cette «inaptitude» s’ajoute à celle des personnes âgées, nombreuses à ne pas maîtriser les outils numériques, ordinateurs ou smartphones. Par ailleurs, «dans les territoires ruraux, on a l’habitude d’aborder le numérique comme un palliatif. C’est une erreur. Ce que nous devons nous demander, c’est si les équipements numériques permettent une amélioration», déclare Aurélien Pradié. L’élu témoigne avoir refusé d’expérimenter, dans son département, un cabinet de télémédecine intégral, destiné à permettre les prestations d’une consultation de médecin généraliste. Pour lui, ce type de dispositif ne fait que «masquer» les problèmes territoriaux. A contrario, «il existe des sujets sur lesquels le numérique est prometteur pour les territoires», note le député. Ainsi, dans le Lot, il a préféré favoriser la mise en place d’un dispositif numérique pour prendre en charge la gestion des urgences cardiaques. L’outil permet de réduire le délai entre la première alerte et une prise en charge, de deux heures trente à une vingtaine de minutes. À ces usages, s’en ajoutent d’autres parfois très simples, mais qui peuvent compter beaucoup dans la vie d’une petite commune, fait valoir Thomas Gassilloud, député du Rhône et précédemment maire de Saint-Symphorien-sur-Coise (3 600 habitants) : sur la page Facebook de la mairie, il publiait le signalement des chiens perdus… pour voir débarquer leurs propriétaires, en quelques heures.