Baromètre OpinionWay* «Inclusion : le regard des Français sur les seniors en entreprise»

Les seniors délaissés par les entreprises françaises

Dans le cadre du «Pacte de la vie au travail», syndicats et patronat ont formulé des propositions sur l’inclusion des seniors dans les entreprises et leur maintien en emploi. Objectif, atteindre un taux d’emploi de 65% à horizon 2030 pour les 60-64 ans, contre 38,9% actuellement selon l’Insee. Le groupe français de protection sociale lyonnais Apicil s’est lui aussi interrogé sur la question dans la 4ème édition de son baromètre OpinionWay* «Inclusion : le regard des Français sur les seniors en entreprise».


© auremar
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«La société française est championne du monde du déni autour de la question de l’emploi des seniors», reconnaît Serge Guérin. Le sociologue, spécialiste du vieillissement au sein de la société, auteur de l’ouvrage Et si les vieux aussi sauvaient la planète, regrette que «le terme senior reste un mot négatif dans l’imaginaire». Avec le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, l’allongement des carrières et les tensions sur le marché du travail, et alors que «les seniors sont la seule population en croissance jusqu’en 2070», signale Jean-Emmanuel Roux, fondateur et président de TeePy Job, site d’emploi dédié aux seniors, les actions des entreprises en faveur de leur employabilité devraient se multiplier. 

Les salariés sont ainsi largement d’accord (86%) pour désigner l’employabilité des seniors comme un enjeu important face aux difficultés de recrutement que connaissent les entreprises aujourd’hui. Pourtant, les actions des entreprises ne semblent pas encore visibles. Ainsi, pour huit salariés français sur dix (83%, soit une hausse de 18 points par rapport à la vague de février 2023), leurs actions sur le sujet sont jugées insuffisantes, tout comme celles des pouvoirs publics (76%).

Seulement un collaborateur sur deux considère que son organisation a déployé des actions en faveur de leur inclusion et plus d’une majorité (56%) ne se sent pas bien informés des dispositifs mis en place. Du côté des seniors, 37% des 50 ans et plus déplorent le fait que leur entreprise ne se saisisse pas de la problématique. Pourtant, «les Français considèrent les entreprises comme des acteurs majeurs pour faire bouger les lignes sur les questions d’inclusion», assure Sylvain Martinet, responsable du développement du capital humain du Groupe Apicil.

Dans le même temps, 90% des Français estiment que les seniors représentent une véritable richesse pour les organisations. Dans le détail, 92% jugent que la collaboration intergénérationnelle est indispensable à la transmission des savoirs, qu’elle favorise l’innovation (87%) et le développement du mentorat des jeunes (90%), permettant in fine l’inclusion en entreprise. Les salariés apprécient les qualités de leurs collègues seniors, notamment leur expérience (74%) et leur capacité à transmettre leurs savoirs (49%). Une part importante des salariés apprécie aussi la bienveillance dont ils savent faire preuve (40%), leur fiabilité (40%) et leur patience (33%). Et une majorité regrette qu’au sein de leur entreprise, les compétences des collaborateurs seniors ne soient pas assez bien exploitées.

L’âge, quatrième cause de discrimination

Si les salariés seniors bénéficient de bonnes conditions de travail au sein de leur entreprise selon les trois quarts des sondés, l’âge serait néanmoins la quatrième cause de discrimination en France (pour 81% des Français). Deux tiers d’entre eux (65%) s’inquiètent du traitement réservé aux seniors et du manque d’actions en faveur de leur inclusion dans la société. Les craintes des salariés concernant l’inclusion des seniors sont exacerbées par les situations problématiques dont beaucoup ont été témoins. 

Ainsi, près d’un collaborateur sur deux a déjà vu un candidat ne pas être recruté en raison de son âge (45%), ou être mis au placard pour cette même raison (42%), ou encore être assigné à un poste bien inférieur à ses capacités (39%), se voir reprocher un manque de motivation (37%) ou se voir refuser une augmentation de salaire (36%). D’autres ont été témoins d’un refus de formation (33%) ou d’une demande de reconversion (31%), tandis qu’un cinquième des salariés ont eux-mêmes été victimes de discrimination liée à leur âge (22%), ce, tous âges confondus.

Des candidats sensibles

Pour la majorité des Français (89%), il est difficile pour une personne âgée de 50 ans ou plus de trouver un emploi. Pour y remédier, ils identifient «un panel de mesures à mettre en place», et notamment trois actions particulièrement efficaces dans les entreprises : l’adaptation des postes de travail (39%) et le développement de programmes de mentorat (39%, dont 49% chez ceux âgés de 50 ans et plus), la flexibilité des horaires et de l’organisation du travail (34%). Dans une moindre mesure, les Français évoquent aussi une meilleure communication en interne sur les bénéfices de la coopération intergénérationnelle, que ce soit au niveau des managers (25%) ou des salariés (20%). Un autre axe envisagé serait le développement de missions dédiées aux salariés seniors, telles que des formations aux outils numériques (22%) et un accompagnement vers la fin de carrière (20%).

Les entreprises ont d’autant plus intérêt à s’emparer de la question de l’inclusion des seniors puisque, pour la première fois, plus d’un actif français sur deux (55%, +10 points) considère que lorsqu’ils postulent à un emploi, l’action menée par l’entreprise sur le sujet est un critère important. «Les entreprises ont un enjeu d’image pour leur business et d’attractivité pour les candidats», commente Serge Guérin. Parmi les actions jugées prioritaires pour favoriser l’inclusion au sein des organisations, le maintien dans l’emploi des seniors est cité en premier (29%, dont 36% des 50 ans et plus), suivi de l’anonymisation des CV (24%), de la sensibilisation de l’ensemble des salariés (23%), ainsi que des services de ressources humaines (20%).

De manière plus globale et plus réjouissante, les actions menées au sein des entreprises en faveur de l’inclusion commencent à produire leurs effets : aujourd’hui, trois salariés sur quatre jugent que leur entreprise est inclusive (77%, +12 points) et deux tiers constatent qu’elle a instauré une telle politique pour lutter contre les discriminations (66%, +7 points).

* Baromètre réalisé auprès de 1 029 Français de 18 ans et plus par questionnaire auto-administré en ligne les 21 et 22 février 2024.