Les recettes de Josette Matton

C'est un commerce de cycles comme on n'en fait plus, jumelé à une pompe à essence. Il est situé à Estrée-Blanche, quelque part entre Saint-Omer et Béthune. Josette Matton le maintient ouvert, partagée entre le souvenir de son père et une formidable abnégation.

Mme Josette Matton dans son magasin.
Mme Josette Matton dans son magasin.
Hervé Morcrette

Mme Josette Matton dans son magasin.

Au départ était Jules Matton. Passionné de mécanique, il aime le vélo et crée un magasin de cycles à Estrée-Blanche. Nous sommes en 1959 et Jules Matton s’engage prudemment en  conservant une activité salariée. En 1965, il saute le pas en ouvrant sa boutique à plein temps et en lui adjoignant des pompes à essence. Trente ans d’activités effrénées s’ouvrent à lui. La boutique représente la marque Peugeot et sa 404 commerciale – qu’il gardera jusqu’au bout – écume les courses de la région, contribuant à faire entrer Jules Matton dans la légende locale.

Josette succède au père. Le souvenir de son père constitue l’alpha et l’oméga de la vie de Josette Matton. Elle a grandi dans le magasin. Grâce à ses études comptables, elle aide au jour le jour le patron et lui succède même en 1989. Mais il ne faut pas trop pousser Mme Matton pour qu’elle indique que, jusqu’à sa mort en 2002, Jules a toujours été le véritable patron.

Le carburant, point d’appui important. Voilà donc Mme Matton seule à la tête de l’entreprise. Elle défend bec et ongles son activité dans un milieu rural où tout devient peu à peu plus compliqué. Elle se félicite de la lointaine décision de son père d’implanter des pompes à essence à la porte du magasin. Elles créent du passage et constituent un point d’appui important. Si important que Mme Matton envisage de revenir au service de la carte GR qu’elle regrette avoir un temps abandonné. Alors que nombre de commerces de ce type ont disparu, ce sont les seules pompes d’Estrée-Blanche et on n’en trouve pas d’autres dans un rayon de dix kilomètres.

Les charmes supposés du vélo électrique. Dans le magasin, vous êtes accueilli par une grande photo – en fait un puzzle sous verre, représentant une des scènes les plus fameuses de l’histoire du sport cycliste : Anquetil et Poulidor, épaule contre épaule, sur les pentes du Puy-de-Dôme durant le Tour de France 1964. Voilà qui plante le décor, mais ne nous y trompons pas : le magasin n’est pas poussiéreux et la modernité y règne. Tous types de cycles y ont leur place, de la machine de course qui affiche un prix supérieur à trois mille euros jusqu’au vélo électrique, en passant par toute la gamme pour adultes et enfants. Le vélo électrique, justement, est l’un des espoirs de Josette Matton : “C’est un bon moyen de se remettre à la nature sans trop se fatiguer.

Un “produit hors normes” ? Ah oui, elle existe encore !” Ainsi Josette Matton se moque-t-elle d’elle-même en citant ce qui se dit d’elle dans le village et, plus largement, dans l’Audomarois et le Béthunois. Elle n’hésite pas à dire que le maintien dans de bonnes conditions économiques de son commerce de proximité se fait “au détriment d’une vie personnelle“, car “le vélo est une passion qui ne rapporte pas beaucoup“. Qu’importe, celle qui se décrit comme “produit hors normes” continuera encore longtemps à accueillir ses clients “de 8h30 à 20h” ! .