Les professions réglementées dans la ligne de mire de Bercy
Le torchon brûle entre Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, et les acteurs des professions réglementées. En cause ? Le projet de loi de croissance et du pouvoir d'achat annoncé le 10 juillet qui prévoit de mettre fin au monopole des professions réglementées
Tout a commencé par la révélation dans la presse de l’existence d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) qui a analysé, à la demande de l’ex-ministre de l’Économie Pierre Moscovici, les situations de 37 professions réglementées. Dans le viseur de ce rapport ? Les huissiers, greffiers de tribunaux de commerce, notaires, pharmaciens, etc. Le rapport, qui devrait « être rendu public prochainement », préconiserait une réforme des professions réglementées qui pourrait, comme le relatent Les Échos, faire baisser jusqu’à 20 % le prix des services concernés.
Un projet de loi pour octobre
Ces révélations avaient provoqué des remous au sein des fédérations professionnelles. C’est aujourd’hui un véritable bras de fer qui s’engage entre Bercy et ces acteurs après la présentation, par Arnaud Montebourg le 10 juillet, de la feuille de route pour le redressement économique de la France. À cette occasion, le ministre a annoncé qu’il présenterait à la rentrée une loi de croissance et de pouvoir d’achat destinée à restituer « six milliards d’euros aux Français ». Pour ce faire, Arnaud Montebourg compte s’attaquer aux monopoles des professions réglementées. « De nombreuses professions sont en situation de monopole et captent par leur position des revenus à la population pour des services payés trop cher qui entament le pouvoir d’achat des ménages », a-t-il déclaré. Ces professions disposent en effet de limites d’entrées (numerus clausus), de tarifications réglementées et de monopoles pour certains actes. Selon le rapport de l’IGF, dévoilé en partie dans Les Échos, le chiffre d’affaires cumulé des professions réglementées représentait 235 milliards d’euros et 42 milliards de bénéfices en 2010. Toujours selon ce rapport, qui a cherché à savoir si ces professions bénéficiaient de rentes particulières, le bénéfice net avant impôt serait « en moyenne de 19 % de leur chiffre d’affaires, soit 2,4 fois la rentabilité constatée dans le reste de l’économie ». Une situation qui, pour Bercy, participerait à l’asphyxie de l’économie française. Arnaud Montebourg a donc annoncé « trente mesures destinées à mettre fin au monopole » de ces professions.
Des boucs émissaires
L’annonce de ces réformes est loin d’être au goût des fédérations professionnelles qui ont vivement réagi sur le sujet. « Nous sommes en colère, confie Clotilde Palot-Lory, notaire et chargée de la communica- tion à la Chambre des notaires de la Somme. Le ministre de l’Économie a décidé d’engager des réformes sur la base d’un rapport que nous n’avons pas pu, jusqu’à présent, consulter. Il a bien saisi l’Autorité de la concurrence. Néanmoins, elle doit rendre son rapport sur le sujet à la fin de l’année alors que le projet de loi est prévu pour fin septembre. C’est une farce ! La profession a la sensation d’être le bouc émissaire de l’État. On nous attaque sur nos tarifs ? Ils sont fixés par l’État qui a, je le rappelle, augmenté les droits d’enregistrement. Nous réalisons à sa demande des missions de service public, telles que la collecte de l’impôt ou le calcul des plus-values. C’est un service que nous rendons gratuitement ! Dans la même lignée, l’État nous a demandé de dématérialiser les actes et les paiements. Ce sont les notaires qui ont engagé leurs fonds propres. Bercy prend pour exemple les grosses études notariales. Réalisent-elles des bénéfices importants ? Oui. Or, elles sont très loin d’être majoritaires dans la profession. Beaucoup sont des petites études implantées en milieu rural. Nous assurons un service de proximité et un maillage du territoire. Notre rémunération est souvent dans une fourchette très basse par rapport au travail fourni. Je suis moi-même notaire dans un petit bourg. J’ai engagé mes fonds propres pour l’ouverture et le développement de mon office. J’ai fait huit ans d’études, mais ma profession exige que je me forme de manière continue. Je reçois parfois cinq à six fois des clients avant la signature du contrat. Or, comme la loi l’exige, je ne suis payée qu’à la signature de l’acte. Ces consultations sont donc gratuites malgré le fait que je travaille. À part ça, Bercy voudrait me faire croire que les notaires sont des rentiers ? »