Les professionnels des entreprises en difficulté en première ligne face à la crise
La crise sanitaire et ses impacts économiques ont été au cœur des 16e Entretiens de la sauvegarde, le rendez-vous annuel des professionnels des entreprises en difficulté organisé par l’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC), le 25 janvier dernier. Morceaux choisis.
«2020 restera pour les entreprises françaises synonyme de cauchemar», a déclaré le président du Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires, Christophe Basse, dans son allocution d’introduction des Entretiens de la sauvegarde. Et «pour notre profession, il y aura clairement un avant et un après 2020», car «cette crise profonde a mis en danger l’équilibre, voire la pérennité de nombreuses études», en raison de « la chute vertigineuse du nombre d’ouvertures de dossier de procédures collectives : moins 40% par rapport à 2019, année qui était déjà parmi les plus basses des vingt dernières années». Et c’est pourquoi «nous voulons que l’année qui s’ouvre soit l’année de la reconstruction.»
Ne pas laisser la polémique miner l’état d’esprit de l’écosystème
Parmi les priorités de cette nouvelle année figure notamment la transposition de la directive européenne dite « restructuration et insolvabilité ». «Nous avons reçu, pour consultation, un premier projet du gouvernement qui nous paraît aller dans le sens de la modernisation, de la certification et de la clarification de notre droit», a poursuivi Christophe Basse. Autre grand sujet qui lui tient à cœur, directement lié aux deux plaintes déposées en 2019 par le Medef, parce que l’AGS ( régime de garantie des salaires) soupçonne des mandataires judiciaires de l’avoir spoliée de plusieurs millions d’euros : «il faut instaurer un nouvel état d’esprit dans l’écosystème des procédures collectives» car «la France a besoin d’une plus grande sérénité et d’une plus grande unité des acteurs des procédures collectives pour faire face à la crise que nous connaissons», et «je souhaite notamment que l’on en finisse avec l’esprit de polémique incendiaire, les accusations sans preuves, les propos diffamatoires et les articles de presse aussi téléguidés qu’indignes».
Les premières pistes du «plan pour les indépendants»
«Vous avez fait preuve pendant cette crise d’une mobilisation sans faille auprès des entreprises», a déclaré le ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises, Alain Griset, en s’adressant à tous les professionnels des entreprises en difficulté, avant de leur demander de rester mobilisés face à «la nouvelle phase d’incertitude qui s’ouvre». Mais il faut aussi «continuer à réformer le pays», a-t-il ajouté, en évoquant le «plan pour les indépendants», annoncé quelques jours plus tôt, dont l’objectif est de travailler à un environnement réglementaire plus adapté aux problématiques des travailleurs indépendants et dont les premières mesures devraient être annoncées dans les prochaines semaines. «Des avancées ont déjà eu lieu grâce à la loi Pacte et je pense que l’on peut aller beaucoup plus loin», a-t-il expliqué. Plusieurs pistes de réflexion sont ainsi à l’étude pour favoriser le rebond des entrepreneurs après la liquidation de leur entreprise. «J’ai lancé la concertation avec le Medef, la CGPME et l’U2P sur un éventuel régime chômage des indépendants. C’est un sujet complexe, et il est possible que nous adoptions un dispositif spécial pour 2021, dans l’attente d’une solution plus formelle sur le long terme».
En attendant les propositions du rapport Richelme
Le président de la Conférence générale des juges consulaires, Georges Richelme, n’a pas souhaité dévoiler les conclusions de la mission sur la justice économique qui lui a été confiée par le gouvernement, en octobre dernier. «La remise du rapport est prévue dans quelques jours et je ne dévoilerai pas le contenu de nos travaux car je réserve les résultats au garde des Sceaux», a-t-il expliqué. Un des objectifs de cette mission est d’étudier une meilleure articulation entre les différents dispositifs de prévention. «Il y a pléthore de dispositifs de prévention, et la caractéristique majeure de tous ces dispositifs est qu’ils ne convergent pas, et cela entrave la compréhension de la finalité et le choix de ces dispositifs».
Autre objectif : améliorer l’accompagnement des entrepreneurs et, en particulier, des petits entrepreneurs. Alors que les quelque 4 000 procédures de prévention ouvertes chaque année par les tribunaux de commerce «se traduisent par 75 % d’accords positifs avec les créanciers», il y a grande «méconnaissance de ces procédures amiables par les TPE», lesquelles souffrent «d’un manque général d’informations et de conseils».
Que restera-t-il des ordonnances Covid ?
En ce qui concerne la transposition de la directive «Insolvabilité», le ministère de la Justice a soumis, fin décembre, les avant-projets d’ordonnances «droit des sûretés» et «procédures collectives» aux professionnels. Le directeur des Affaires civiles et du Sceau, Jean-François de Montgolfier, a précisé que quatre dispositions issues des ordonnances «Covid» prises en 2020 «ont vocation à être maintenues», dans le cadre de cette transposition : l’assouplissement des conditions d’accès à la sauvegarde accélérée, avec la suppression de la condition de seuil, l’institution d’un privilège dit de sauvegarde ou de redressement, l’assouplissement des conditions d’ouverture du rétablissement professionnel et l’extension du champ de la liquidation judiciaire simplifiée. L’objectif vise à «préserver ce qui fonctionne et introduire ce qui peut être de nature à améliorer l’efficacité, en s’inspirant de ce qui se fait à l’étranger, et notamment en Allemagne», a-t-il ajouté.