Filière agroalimentaire
Les PME face à un «mur d'investissements»
Les PME et ETI de l'agroalimentaire vont-elles supporter la crise ? L'ADEPALE, l'une des fédérations professionnelles qui les regroupe, pointe les fragilités de ces 3 000 entreprises qui contribuent à l'emploi en milieu rural.
L'agroalimentaire,
fierté française, subit les contrecoups de la crise et ses PME et
ETI connaissent de nombreuses difficultés. C'est ce qu'a révélé
une étude sur ces entreprises publiée par l'ADEPALE, l’une
des principales fédérations professionnelles représentant des PME
et ETI transformatrices des filières agricoles et aquatiques, ce
mois de novembre 2023. L'étude a été réalisée à l'automne par
le cabinet de conseil en stratégie Roland Berger.
Au
total, les 3 000 PME et ETI représentent un chiffre d’affaires de
112
milliards d'euros,
soit 57% du marché. Mais celui-ci est fragile : depuis 2010, la
production des entreprises alimentaires françaises a été moins
dynamique que celle de ses concurrents européens, entraînant une
diminution de sa part dans la production européenne d'aliments
transformés (de 18,1% en 2011 à 17,4% en 2018).
Par
ailleurs, dans l’Hexagone, la très forte concentration de la
grande distribution (avec huit enseignes qui pèsent pour plus de
neuf
dixièmes
du
marché) représente un véritable défi pour les PME. Ces
dernières ne parviennent pas à répercuter les hausses de coûts de
production à leurs clients. Avec, pour conséquence directe, une
dégradation de leurs marges.
Cette situation ne fait qu'aggraver la
situation financière des PME qui comporte déjà plusieurs
handicaps. Leur taux d'endettement est supérieur de 2 à 3 points
par rapport à celui des grands groupes. Elles ont aussi un accès
plus limité au capital. Quant à leur taux d'autofinancement, il
est, lui aussi, inférieur à celui des grandes entreprises (de 2,5 à
5 fois). Au total, en raison de ces difficultés de financement,
«ces
entreprises ont du mal à atteindre des masses critiques, les
empêchant ainsi de rivaliser sur le plan technique et technologique
avec les grandes entreprises»,
estiment les analystes.
Un défi à hauteur de 15 milliards d'euros
Pire,
aujourd'hui, les PME et ETI de l'agroalimentaire font face à «mur
d’investissements», selon l'étude. Ils devraient tripler
pour atteindre un montant d'une quinzaine de milliards d'euros d'ici
2050, afin d'atteindre les objectifs de la Stratégie
nationale bas carbone. Autre difficulté encore, soulignée
par les experts : le manque d'attractivité des métiers de la
transformation alimentaire et les difficultés de recrutement qui en
résultent. Le problème n'a fait que s'amplifier ces dernières
années, au point de devenir prioritaire en 2023. Aujourd'hui, 62%
des projets de recrutement dans le secteur sont qualifiés de «difficiles», soit près du double par rapport à 2014 (32%).
Mais
au delà de ces fragilités, l'étude souligne l'importance du rôle
joué par ces entreprises dans l'économie, notamment en ce qui
concerne l'emploi : elles emploient directement quelque 286
000 salariés, souvent dans les zones rurales. S'y ajoutent
232 000 emplois indirects et 59 000 emplois induits. D'après le
cabinet Roland Berger, ces sociétés contribueraient deux fois plus
à l'emploi que celles de l'industrie automobile. Par ailleurs, elles
auraient également un rôle positif dans les transitions sociétales
et écologiques. Ainsi, elles ont été pionnières dans l'adoption
du Nutri-Score, étiquetage facilitant la compréhension des qualités
nutritionnelles des produits. Dès 2017, sur 33 entreprises engagées
dans cette démarche, huit sur 10 étaient des PME ou des ETI.